Origine
La technique a été créée par Frédéric Matthias Alexander (1869-1955). Cet acteur australien enseignait la méthode Delsarte appliquée à l’utilisation de la gestuelle, la vocalisation et l’expression au théâtre.
Sa réputation grandissant, il rencontrait cependant des problèmes vocaux de plus en plus fréquents. Sa respiration se faisait bruyante, sa voix s’enrouait quand il récitait. Il finit par la perdre régulièrement sans comprendre pourquoi. Son état de santé général se détériorait également dans le même temps.
Ni les professeurs d’élocution ni les médecins ne parvenaient à expliquer cette aphonie. Alexander partit du principe qu’il devait mal faire quelque chose lorsqu’il utilisait sa voix. Ce fut le début d’une longue période d’auto-observation où à l’aide d’un miroir, entre autres, il finit par décomposer tous les mouvements et réflexes posturaux mis en place avant et pendant la phonation. Fruit d’une patiente expérimentation personnelle, sa méthode remporta un vif succès.
En 1904 il s’installa à Londres et s’attira une clientèle nombreuse. Il put bénéficier de l’appui de plusieurs scientifiques contribuant à la renommée de sa méthode. Parmi ses élèves, on retrouve plusieurs noms prestigieux comme l’auteur Aldous Huxley et le philosophe John Dewey. Il commença à transmettre sa méthode à partir de 1930. Victime d’un accident vasculaire cérébral à 79 ans, il parvint à rétablir son contrôle moteur et enseigna jusqu’à sa mort. Il publia quatre livres :
- Vers un contrôle constructif conscient de l’individu (1923)
- L’usage de soi (1932)
- L’héritage suprême de l’homme (1940)
- La constante universelle de l’art de vivre (1946).
Principes de la méthode Alexander
Le contrôle primaire
Au cours de ces neuf années d’étude sa posture et de son geste vocal, Alexander découvre ce qu’il a d’abord appelé premier mouvement avant tout acte, puis contrôle primaire. Il s’agit d’un mouvement intérieur naturel, né de l’interaction dynamique entre la tête et la colonne vertébrale, qui permet l’aisance motrice et la fluidité du mouvement.
Selon Alexander, ce contrôle primaire gouverne tous les mouvements du plus simple au plus complexe. Devenir conscient de ce contrôle primaire permet d’agir et de se mouvoir avec plus de facilité et d’harmonie tout en engageant un effort minimum. Lors de chaque mouvement, par exemple si l’on étire la tête vers le haut, la colonne vertébrale va se trouver elle aussi engagée tandis que les autres membres peuvent se mouvoir librement autour de cet axe tête-dos. Le mouvement est donc possible grâce à cette coordination tête-colonne vertébrale.
Les directions
Pour mobiliser son corps de façon appropriée, il convient de diriger ses pensées vers l’énergie disponible de celui-ci, c’est à dire de le ressentir pleinement avant de se mettre en mouvement : par exemple, sentir des picotements ou fourmillements au bout des membres ou bien la perception de la chaleur dans le corps sont autant de sensations rendues possibles par une attention consciemment dirigée vers soi.
C’est cela qui va aider à donner l’impulsion d’une tension musculaire juste, adaptée à l’effort requis, sans en faire trop. Cette direction de la pensée est souvent entravée par les émotions. C’est ainsi que le trac peut nous donner mal au ventre, ou bien les jambes flottantes. Alexander stipule que rester dans une attention dirigée vers le bon usage de son corps, permet de limiter l’impact des émotions au niveau corporel.
On dissocie alors émotions et mouvement, en restant concentré sur ses possibilités corporelles, sans se laisser envahir par les émotions. La notion de direction équivaut à l'harmonisation du corps et de la pensée : les directions sont comme des souhaits pour orienter le mouvement. Cependant, elles ne sont pas de l’ordre du « faire » volontariste mais plutôt du côté du non-faire et de l’inhibition de mauvais réflexes moteurs ou posturaux.
Par exemple, les premières directions en technique Alexande1r sont ainsi formulées : laisser le cou tranquille pour permettre à la tête d’aller vers le haut et vers l’avant, et au dos de s’allonger et de s’élargir. L’observation de mouvements simples comme se lever ou s’asseoir sur une chaise est l’occasion de décomposer chaque geste en directions. Cette contrainte peut sembler incompatible avec l’obtention d’un mouvement fluide et spontané, pourtant c’est bien l’observation consciente, qui va peu à peu rendre plus facile et naturelle l’utilisation des directions, avec moins de tension musculaire.
Alexander nous rappelle que la société moderne inflige à l’homme des positions statiques ou des mouvements répétés, qui sont incompatibles avec une utilisation cohérente et équilibrée du squelette et de la musculature. Nous sommes aussi selon lui responsables de la façon dont nous utilisons notre corps à travers des habitudes de mouvement parfois limitantes voire douloureuses. L’usage de soi qui est le fondement de l’enseignement d’Alexander, concerne donc non seulement celui du corps mais également l’usage de l’esprit.
Le non faire et l’inhibition
Lorsqu’Alexander découvre ces principes de contrôle primaire et de directions, il tente de les appliquer à son propre fonctionnement. Malheureusement, chaque fois qu’il utilise sa voix, il constate qu’il retrouve les mêmes problèmes : ses automatismes sont si puissants qu’il a du mal à s’en défaire.
Il en déduit qu’il faudra d’abord arrêter ces mécanismes pour les changer, plutôt que vouloir faire autrement sans avoir pris conscience de ces mauvais réflexes ancrés en lui. Il est nécessaire de passer du temps à arrêter de faire ce qu’on fait d’habitude, c’est à dire inhiber l’envie de faire par habitude. Le non faire et l’inhibition sont les outils qui permettent au corps d’intégrer la direction et le contrôle primaire dans une nouvelle façon de se mouvoir. C’est aussi le temps de suspension présent au début et à la fin de chaque mouvement.
Nous sommes si engagés dans la volonté de « faire », que nous n’avons pas conscience des moyens que nous mettons en œuvre pour bouger, nous déplacer etc. L’inhibition aide à retrouver une pleine possession et maîtrise de ses moyens moteurs mais aussi, plus de liberté de penser en sortant de nos automatismes de tous les jours. En réagissant de façon inadaptée aux stimuli internes et externes, il se produit un mauvais usage de soi qui à la longue peut se révéler nocif, voire être à l’origine de différentes maladies.
En travaillant sur les moyens à notre disposition pour agir et penser, la technique Alexander développe une approche psycho-physique de l’être humain, visant à réunifier le corps et l’esprit.
Les sensations non fiables
En observant ses propres mouvements dans un miroir, Alexander constate que ce qu’il voit ne correspond pas à ce qu’il croit faire. La sensation associée à chaque mouvement et la proprioception qu’il en a, sont différentes de ce qui est rendu visible. Les automatismes corporels sont donc non seulement très ancrés mais également producteurs de sensations trompeuses : on ne peut pas se fier à ce que l’on ressent pour orienter notre fonctionnement.
Dès lors, il estime qu’il convient d’utiliser la pensée et uniquement la pensée, pour rétablir une perception correcte de l’usage fait du corps en mouvement. C’est seulement ainsi qu’il sera possible d’introduire un changement dans notre façon de faire et donc accéder à un usage de soi approprié.
Les automatismes moteurs occasionnant des tensions ont souvent été mis en place en réaction à des peurs, des traumatismes, des souffrances. Ces tensions protectrices participent à l’erreur d’appréciation de ses propres mouvements et habitudes. Alexander estime qu’il en va de même pour les pensées : l’unité corps-esprit est fondamentale pour lui. Nos émotions influent sur nos réactions corporelles et donc nos postures, notre attitude globale.
C’est pourquoi, le travail sur le non-faire et l’inhibition permet de se détacher aussi des réflexes de pensée et des croyances inculquées au niveau familial et socio-éducatif. Se défaire de sensations fallacieuses et réorganiser sa pensée mène à une meilleure conscience de soi sur tous les plans, physique et psychique, et donc à la possibilité de diriger sa vie avec plus de facilité.
Déroulement des leçons
Les leçons se déroulent traditionnellement en individuel, bien que l’enseignement puisse aussi être transmis à travers des stages et cours collectifs. Le travail collectif permet à chacun d’observer le mouvement chez les autres et par effet miroir, de prendre conscience de sa propre façon de bouger. Les leçons durent généralement 30 à 45 minutes. On dit qu’environ 25 séances permettent une bonne autonomie de l’élève, à condition d’être très régulier dans sa pratique pour amorcer durablement le changement et favoriser le bon usage de soi.
L’enseignant de technique Alexander guide l’élève par la parole et le contact manuel. Lors des leçons, l’élève est d’abord orienté par les indications orales ou le toucher de l’enseignant, puis il peut trouver seul ses propres stratégies pour réaliser des mouvements efficaces et sans tension inutile. Il y a cependant peu de verbalisation car la parole peut aussi induire en erreur : l’enseignant Alexander utilise l’apposition des mains sans expliquer, comme un miroir de sa propre perception pour faire prendre conscience à l’élève des mécanismes en jeu.
Ce ne sont pas des massages ni des manipulations. La position des mains permet de stopper les mouvements parasites, grâce à la conscience de ceux-ci. L’élève est alors ramené à une attention plus fine vers chacun de ses mouvements et peut rediriger ceux-ci plus librement en se défaisant de ses automatismes.
On travaille notamment autour de la verticalité c’est à dire comment retrouver une position droite sans tension ni raideur. On aborde aussi des mouvements de base comme marcher, s’allonger, se lever et s’asseoir. La chaise est un outil très utilisé en technique Alexander2.
Le but des leçons est de rendre l’élève autonome, capable de déceler ses automatismes nuisibles et les réponses stéréotypées insatisfaisantes qu’ils provoquent.
Indications et bénéfices
La technique Alexander3 s’adresse à tout le monde, sans distinction d’âge ou de condition physique. Elle attire cependant en majorité des professionnels ou futurs professionnels : professeurs des écoles, sportifs de haut niveau, artistes, enseignants du domaine artistique, infirmiers, sages-femmes, ostéopathes… toutes professions faisant un usage quotidien du mouvement et de la voix. Elle se transmet dans le cadre privé ou dans les structures et institutions publiques.
Elle est utile et applicable à tout moment de la vie quotidienne. Elle devient bénéfique dans l’application répétée : l’élève ne vient pas chercher des outils qu’il essaierait ensuite de transposer dans son quotidien, il vient expérimenter la force de ses automatismes et commencer à désamorcer ces réflexes nuisibles à son développement.
Il faut alors à chaque fois que possible, dans la vie de tous les jours, rester relié à cette conscience du mouvement, afin d’instaurer les nouvelles habitudes mises en place lors des leçons. Cette vigilance de chaque instant semble au début impossible à mettre en œuvre, pourtant elle peut s’installer tranquillement et devenir naturelle à mesure que les tensions musculaires s’effacent.
La technique Alexander se révèle efficace pour traiter des problèmes variés et apporter de l’aide à tout âge.
A l’école
Dès tout petit, on se rend compte que des automatismes corporels se mettent en place en réaction aux stimuli extérieurs. Par exemple, de nombreux enfants vivent l’école comme une contrainte source de pression ou de frustration. Il n’est pas rare de les voir avachis à cause de l’ennui, ou mal positionnés au niveau du dos. En réaction à du stress, ils peuvent aussi développer des troubles digestifs, avoir les épaules tendues, le diaphragme contracté, des troubles de l’attention… Les apports de la technique Alexander peuvent soulager ces problèmes.
En classe, la technique Alexander permet de recentrer l’attention des enfants sur l’activité en cours, mais aussi de dédramatiser et dévaluer les enjeux d’apprentissage. Les blocages psycho-émotionnels sont ainsi désamorcés. Elle peut être également vue comme un moyen de faciliter l’apprentissage de la communication (gestion de ses réactions dans la relation aux autres) et de la santé (conscience de ses capacités corporelles et soin du corps par la facilitation du mouvement).
Canaliser les émotions
En réaction aux émotions qui nous submergent, nous mettons en place des postures, attitudes, qui nous protègent. On produit ainsi nombre de tensions, raideurs, crispations. A terme, cela épuise et diminue la créativité, c’est à dire la possibilité de trouver des solutions en soi.
Grâce à la mise en place du « non faire » spécifique de la technique Alexander, on facilite la prise de conscience de ses émotions, pour non plus les refouler mais les canaliser. Les résistances corporelles peuvent être modifiées et on retrouve la maîtrise et donc le bon usage de soi. On devient capable de réagir de façon adaptée aux difficultés et contrariétés, plutôt que de les subir sans solution.
Prévenir et soulager tout au long de la vie
La technique Alexander aide notamment les personnes souffrant de troubles de l’équilibre dus à la vieillesse ou à la maladie de Parkinson.
Les femmes enceintes bénéficient également de la technique pour gérer la grossesse et pour mieux vivre l’accouchement.
Enfin, les professionnels de la scène et les compétiteurs sportifs améliorent leurs performances et gagnent en aisance en pratiquant la technique Alexander.
Questions fréquentes
Qu'est-ce que la technique Alexander?
La technique Alexander est un enseignement psycho-corporel, fondé sur la rééducation des automatismes par le mouvement conscient. Elle facilite l’aisance dans les mouvements quotidiens et favorise la réunification du corps et de l'esprit.
Quels sont ses bienfaits?
- Facilite l'apprentissage de la communication
- Meilleure gestion des émotions
- Amélioration des performances sportives
- Maladie de Parkison : améliore l'équilibre et la marche
A qui est-elle destinée?
La technique Alexander s’adresse à tout le monde, et est particulièrement indiquée pour les professionnels
faisant un usage quotidien du mouvement et de la voix.
- 1: Habiter son corps: La méthode Alexander, Christine Hardy, Laurence Schifrine, Saverio Tomasella, Editions Jouvence, 2006
- 2: La technique Alexander, Catherine de Chevilly, Eyrolles, 2017
- 3: Technique Alexander : Fiche Santé Nov. 2014, Centre national de la danse Ressources professionnelles