La dépendance à l’alcool
Définitions
On distingue plusieurs usages de l’alcool, allant du non usage à l’alcoolodépendance.
Le non usage peut être primaire ou secondaire. Primaire, il concerne les enfants, les adolescents, et les personnes ayant fait le choix initial de ne pas en consommer. Secondaire, il concerne les personnes ayant choisi l’abstinence suite à un mésusage.
L’usage simple concerne les personnes dont la consommation d’alcool présente peu de danger pour leur santé. On considère qu’une consommation présente un risque limité lorsqu’elle est inférieure aux seuils recommandés en France, c’est-à-dire 2 unités d’alcool par jour pour les femmes et 3 pour les hommes, avec au moins un jour d’abstinence par semaine1.
L’usage à risque est une consommation importante, sans symptômes physiques et psychologiques, mais qui peut en induire sur le long terme. Elle présente des risques à court termes en cas de maladie chronique, prise de drogues, conduite de véhicule…
L’usage nocif est un usage nuisible à l’individu, physiquement et psychiquement. Il ne présente pas de syndrome de sevrage, mais l’arrêt peut être difficile.
Enfin, l’alcoolodépendance ou alcoolisme se définit par une forte dépendance physique et psychique. A ce stade, la consommation est compulsive et irrépressible, mettant en péril les activités sociales et professionnelles. L’alcoolisme se caractérise notamment par des manifestations physiques de manque (syndrome de sevrage) pouvant être mortelles.
En général, l’alcoolisme s’installe de manière insidieuse, après des années d’habitudes à risque ou nocives.
Mécanismes
L’alcool est une substance psychoactive ; comme le cannabis et les autres drogues, il agit sur le cerveau et peut induire une forte dépendance.
Elle se développe à plusieurs niveaux : comportementale (psychologique) et physiologique.
- Le premier niveau de dépendance est comportemental. Il se manifeste lorsque sa consommation est étroitement liée aux habitudes de vie d’une personne (cadre festif, lien social, repas).
- A un stade plus avancé, la dépendance est physiologique. En effet, l’alcool peut modifier les connexions neuronales dans certaines régions du cerveau. Cela affecte des processus mentaux comme le libre arbitre et la prise de décision.
- Aussi, il active les circuits de la récompense, et entraîne rapidement un phénomène d’accoutumance, c’est-à-dire la nécessité d’augmenter les doses pour obtenir les mêmes effets. Cela fait de l’alcool une substance particulièrement addictogène.
Causes
Les causes de l’alcoolisme ne sont pas toutes connues, mais il existe des facteurs de risques.
Le premier facteur est génétique. En effet, le mythe selon lequel des parents alcooliques donneraient des enfants alcooliques a été confirmé par des études scientifiques. On a notamment mis en évidence l’impact de deux gènes du métabolisme de l’alcool, sur le risque de dépendance2.
Certaines maladies psychiatriques et psychosomatiques, comme la schizophrénie et la dépression, favorisent l’alcoolisme. Il se rencontre aussi plus souvent chez les personnes présentant les troubles et traits de caractère suivants : anxiété, stress, timidité, manque de confiance en soi.
Conséquences sur la santé
Les effets néfastes de l’alcool sur la santé sont nombreux.
A faible dose, il provoque une sensation d’euphorie, de détente et de désinhibition. C’est ce qui explique son attrait auprès des personnes anxieuses et timides.
A forte dose, les effets à court terme peuvent être dangereux :
- Baisse de l’attention et de la vigilance
- Troubles de la coordination et de l’élocution
- Pertes de mémoire, pouvant aller jusqu’au “trou noir”
- Coma éthylique
Chez les personnes consommant régulièrement de l’alcool, et à plus forte raison en cas d'alcoolisme, un certain nombre de troubles et de maladies peuvent se déclarer à long terme:
- Hypertension
- Troubles du rythme cardiaque
- Cirrhose du foie
- Troubles cognitifs (mémoire, attention, prise de décision), pouvant aller jusqu’au syndrome de Korsakoff chez les alcooliques
- Cancers (principalement bouche et gorge, oesophage, foie, côlon)
Méthodes d’arrêt
Le choix de l’aide et du traitement dépend de l’intensité et de l’ancienneté de la consommation. Des consommateurs non dépendants peuvent arrêter seuls, même s’il est préférable de se faire accompagner. Pour les personnes souffrant d’alcoolisme chronique, un suivi médical est vivement recommandé. En effet, certains symptômes de sevrage peuvent être dangereux.
Accompagnement
De nombreux interlocuteurs professionnels peuvent vous aider à réduire votre consommation d’alcool, à commencer par le médecin de famille. Aussi, les Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie proposent un suivi gratuit et anonyme. Enfin, il existe des médecins addictologues.
Un accompagnement psychologique est fortement recommandé. Plusieurs approches sont envisageables :
- la psychanalyse, pour un travail en profondeur sur les origines de la dépendance
- la thérapie cognitivo-comportementale, pour une approche centrée sur les schémas de pensée et de comportement à modifier
- les thérapies brèves, notamment l’hypnose, qui travaille à la fois sur les schémas inconscients, et sur la modification des comportements. L’intérêt des thérapies brèves tient à la rapidité des résultats.
Traitements médicamenteux
Aujourd’hui, plusieurs médicaments peuvent être prescrits, pour réduire sa consommation d’alcool, et aider au maintien de l’abstinence après le sevrage. On peut citer entre autres le baclofène, le naltrexone, ou encore le disulfirame.
Ces traitements sont efficaces, mais certains provoquent des effets indésirables importants (diarrhées, nausées, vertiges, troubles de l’humeur…).
Efficacité de l’hypnose
Les addictions sont un des principaux motifs de consultation en hypnose thérapeutique. L'hypnose pour traiter l'alcoolisme permet une modification durable des automatismes de pensée et de comportement, en très peu de séances.
En psychanalyse, le travail est centré sur les causes de l’addiction, et s’inscrit dans un temps long. Au contraire, en hypnose, le travail est centré sur les comportements et les solutions. Cela permet d’obtenir rapidement des résultats, bien qu’un travail de fond soit souvent nécessaire en parallèle.
Les premiers travaux sur l’hypnose pour se libérer de l’alcoolisme datent des années 50 et 60. Une étude publiée en 1959, réalisée sur 24 patients atteints d’alcoolisme chronique, montre des résultats très prometteurs : au bout de 9 mois de suivi, seuls 4 patients ont rechuté3. Une autre études, publiée cinq ans plus tard, aboutit aux mêmes conclusions sur l’efficacité de l’hypnose4. Dans les deux cas, la technique utilisée sur les patients est celle de l’aversion : cette méthode, qui vise à dégoûter le patient de l’alcool, est très couramment employée pour le traitement des addictions.
Au cours des décennies suivantes, d’autres stratégies ont été étudiées, comme les séances de groupe5, ou des modèles de défense et de conditionnement6. Systématiquement, les recherches mettent en évidence deux facteurs clés de réussite de l’hypnothérapie pour l’alcoolisme : la motivation initiale du patient (celui-ci doit vouloir se faire aider) et la relation avec le thérapeute7.
Attention toutefois, les résultats de ces premières recherches doivent être interprétés avec prudence. En effet, des méta analyses réalisées plus tardivement mettent en évidence quelques failles méthodologiques8 9.
Plus récemment, une étude de 1991 a mis en évidence l’impact positif de l’hypnose pour traiter l'alcoolisme chez des personnes en cours de guérison : elle montre notamment que la thérapie facilite la gestion du stress et l’autodiscipline10.
Enfin, une étude publiée en 2011 s’est intéressée à l’efficacité de la thérapie intensive (sessions quotidiennes d’hypnose) sur plusieurs types d’addiction, incluant l’alcoolisme : les résultats sont concluants, avec un taux de succès de 77% un an après le traitement11.
Stratégies thérapeutiques
En hypnothérapie, l’approche des addictions est très complète.
L'hypnose ne traite pas uniquement l'alcoolisme en tant que symptôme, mais de considérer le patient dans son intégralité, avec son histoire, son environnement, ses valeurs et ses croyances.
L’alcoolisme n’est pas considéré comme un comportement nuisible en soi, mais comme la réponse imparfaite à une intention positive. L’objectif de la thérapie est de découvrir cette intention positive, puis de modifier les comportements pour y répondre de manière plus satisfaisante.
Le travail thérapeutique se décompose en trois parties, d’importance et d’ordre variable en fonction du consultant.
En premier lieu, une investigation sur les origines de la consommation est indispensable. Ensuite, un travail sur les comportements est nécessaire, pour traiter concrètement la dépendance au quotidien. Enfin, à mi-chemin entre ces deux aspects de la thérapie, l’hypnose permet de renforcer la confiance en soi et d’apaiser l’anxiété, deux problématiques courantes dans les addictions.
Origines inconscientes
La technique la plus couramment employée en hypnose pour remonter aux origines d’un problème est la régression. Par des protocoles adaptés, le thérapeute invite le consultant à remonter dans son passé, ce qui va notamment permettre :
- d’identifier d’éventuels événements traumatisants l’ayant rendu vulnérable. Un travail spécifique peut alors être proposé pour surmonter ces traumatismes.
- de comprendre l’utilité initiale de l’alcool dans la vie de la personne. Par exemple, la désinhibition en société, ou le soulagement d'une souffrance physique ou psychologique. Cette intention positive dévoilée va permettre soit de prendre conscience que l’alcool n’a plus sa place dans la vie actuelle du patient, soit de chercher des solutions inoffensives pour le remplacer.
Confiance en soi, anxiété et dépression
Le manque de confiance en soi et d’estime de soi, mais aussi l’anxiété et la dépression, sont des facteurs favorisant l’alcoolodépendance. C’est pourquoi une part de la thérapie consiste à travailler sur ces problématiques, pour retrouver calme intérieur et maîtrise de soi.
Là encore, il s’agit souvent d’un travail psychothérapeutique de fond. Il s’accompagne de techniques comme les suggestions de relaxation et le renforcement du moi.
Une thérapie spécifique, avec éventuellement un suivi médical, peut être proposée pour les personnes chez qui la dépendance à l’alcool est un symptôme de dépression.
Modification des comportements
L’hypnose est très efficace pour modifier rapidement les comportements. C’est pourquoi elle est si souvent recommandée pour traiter les addictions.
Une première technique probante est l’aversion : le thérapeute fait en sorte de dégoûter le patient de l’alcool, en associant celui-ci à des éléments qui le répugnent.
On peut aussi travailler de manière plus progressive sur les rituels et les habitudes. Il s’agit d’abord de conscientiser les gestes du quotidien et la consommation d’alcool, car il arrive que celle-ci ne soit pas toujours consciente. L’hypnose peut alors aider le consultant à prendre de nouvelles habitudes, en accord avec ses valeurs et sa personnalité.
Durée de la thérapie
Il est difficile d’estimer le nombre de séances d’hypnose pour le traitement de l’alcoolisme. En effet, celui-ci amène fréquemment d’autres problématiques. Cependant, dès les premières séances, on peut s’attendre à une baisse de la consommation d’alcool.
La durée de la thérapie dépend à la fois des problématiques soulevées, et de l’implication du consultant.
Précautions et dangers
L’alcoolisme étant une maladie, l’hypnose ne se substitue pas à un suivi médical : elle intervient en parallèle, comme méthode de soutien psychologique.
L’hypnose étant un état modifié de conscience, il convient de ne pas faire de séance sous l’emprise de l’alcool.
Par ailleurs, l’hypnose est contre-indiquée si vous souffrez de maladies mentales dissociatives, comme la paranoïa, la schizophrénie ou le trouble bipolaire. En effet, les séances pourraient provoquer des bouffées délirantes.
Questions fréquentes
L'hypnose est-elle efficace pour le traitement de l'alcoolisme ?
L'hypnose permet de remonter aux origines profondes de l'alcoolisme, et de réduire la consommation d'alcool dès les premières séances.
Comment soigner l'alcoolisme par l'hypnose ?
L'hypnose intervient à trois niveaux :
1. La recherche des causes de l'addiction
2. Un travail de fond sur l'anxiété et la confiance en soi
3. La mise en place de nouveaux comportements
Quelles sont les mises en garde ?
L'alcoolisme étant une maladie, il est préférable d'être suivi par un médecin, en parallèle des séances d'hypnose.
Aussi, il est déconseillé de faire une séance sous l'emprise de l'alcool, et lorsqu'on est atteint de schizophrénie, paranoïa ou trouble bipolaire.
- 1: 🔗 https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2019/alcool-et-sante-ameliorer-les-connaissances-et-reduire-les-risques
- 2: Edenberg, H.J. & Foroud, T. Genetics and alcoholism. Nat. Rev. Gastroenterol. Hepatol. 10, 487–494 (2013)🔗 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4056340/
- 3: Miller, M. M. (1959). Treatment of chronic alcoholism by hypnotic aversion. Journal of the American Medical Association, 171(11), 1492-1495.🔗 https://jamanetwork.com/journals/jama/article-abstract/327063
- 4: Abrams, S. (1964). An evaluation of hypnosis in the treatment of alcoholics. American Journal of Psychiatry, 120(12), 1160-1165.🔗 https://ajp.psychiatryonline.org/doi/abs/10.1176/ajp.120.12.1160
- 5: Beahrs, J. O., & Hill, M. M. (1971). Treatment of alcoholism by group-interaction psychotherapy under hypnosis. American Journal of Clinical Hypnosis, 14(1), 60-62.🔗 https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00029157.1971.10402146?journalCode=ujhy20
- 6: Schoen, M. (1985). A conceptual framework and treatment strategy for the alcoholic urge to drink utilizing hypnosis. International journal of the addictions, 20(3), 403-415.🔗 https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.3109/10826088509044922
- 7: Hartman, B. J. (1976). Hypnotherapeutic approaches to the treatment of alcoholism. Journal of the National Medical Association, 68(2), 101.🔗 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2609500/?page=1
- 8: Thomas A. Wadden & James H. Penrod (1981) Hypnosis in the Treatment of Alcoholism: A Review and Appraisal, American Journal of Clinical Hypnosis, 24:1, 41-47, DOI: 10.1080/00029157.1981.10403282🔗 https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00029157.1981.10403282
- 9: Stoil, M. J. (1989). Problems in the evaluation of hypnosis in the treatment of alcoholism. Journal of substance abuse treatment, 6(1), 31-35.🔗 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/0740547289900172
- 10: William A. Miller Jr. PhD (1991) Using Hypnotherapy in Communicating with the Recovering Addicted Patient, Alcoholism Treatment Quarterly, 8:1, 1-18, DOI: 10.1300/J020V08N01_01🔗 https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1300/J020V08N01_01
- 11: Greg Potter (2004) Intensive Therapy: Utilizing Hypnosis in the Treatment of Substance Abuse Disorders, American Journal of Clinical Hypnosis, 47:1, 21-28, DOI: 10.1080/00029157.2004.10401472🔗 https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00029157.2004.10401472