L’hypnose ericksonienne : définition et principes

-

Les formes d’hypnose pratiquées en thérapie aujourd’hui sont très nombreuses : elmanienne, ericksonienne, spirituelle, humaniste...Cependant la plus répandue est l’hypnose ericksonienne. Pourquoi un tel succès ? Quels en sont les grands principes et les indications ?

Présentation

L'hypnose ericksonienne est un courant de l'hypnose, centré sur le patient.

Tout au long de son histoire, l’hypnose s’est déclinée sous de nombreuses formes. Elle évolue en fonction de l’époque, du contexte dans lequel elle est utilisée (hypnose de spectacle, médicale ou thérapeutique), mais aussi du style du thérapeute.
Les premières traces connues de la pratique de l’hypnose remontent à plusieurs millénaires avant notre ère. Elle apparaît notamment dans les civilisations sumérienne, grecque et égyptienne.

Mais c’est surtout au 18ème siècle que l’hypnose telle qu’on la connaît aujourd’hui a vu le jour, avec les travaux de Franz-Anton Mesmer. Au cours du 19e siècle, de nombreux médecins et chirurgiens européens, comme Charcot et Pavlov, se sont intéressés à l’hypnose. Ils ont fortement contribué à son développement dans le milieu médical.

On distingue globalement deux grands courants :

  • L’hypnose directe, ou directive, qui est la technique la plus classique. Elle est la première forme d’hypnose couramment employée dans le milieu médical et en thérapie.
  • L’hypnose indirecte, ou ericksonienne, tient son nom du psychiatre et psychologue américain Milton Erickson, qui l’a mise au point dans les années 1950. Elle marque un véritable tournant dans l’histoire de l’hypnothérapie, et constitue aujourd’hui  une référence. Son utilisation en cabinet est très répandue.

Avant Milton Erickson : l’hypnose directive

L’hypnose directive, dite aussi “classique” ou “traditionnelle”, est la première forme d’hypnose largement théorisée et utilisée. Elle a vu le jour vers 1770 avec Franz-Anton Messmer, qui a découvert la  transe hypnotique et mis au point la théorie du magnétisme animal.

C’est un procédé autoritaire, fondé sur l’utilisation d’injonctions et de suggestions directes, pour obtenir un résultat prédéfini sur le patient. Elle se caractérise par une mise en transe rapide et efficace.

L’hypnose directive est la forme d’hypnose officielle la plus ancienne, largement utilisée dans les milieux médicaux dès le 19ème siècle. Elle a notamment été pratiquée par le chirurgien écossais James Braid et le médecin français Jean-Martin Charcot. Sigmund Freud, qui fut élève de Charcot, a aussi pratiqué l’hypnose directe dans le cadre de ses recherches sur l’inconscient.

C’est aussi la méthode la plus connue du grand public, car elle est utilisée en hypnose de spectacle pour obtenir des résultats impressionnants.

Aujourd’hui, l’hypnose directive n’est quasiment plus utilisée en hypnothérapie, sauf dans des cas particuliers d'induction rapide. Elle peut aussi se montrer efficace chez personnes présentant peu de résistances, notamment les enfants. Son principal champ d’application est cependantl’hypnose médicale, qui est pratiquée en hôpital pour l’anesthésie et la gestion de la douleur.

En effet, en thérapie, cette technique place le thérapeute en “position haute”, autoritaire. Cela peut provoquer des résistances plus ou moins fortes chez le patient, et donc limiter l’efficacité des séances.

Au contraire, l’hypnose ericksonienne, plus respectueuse, utilise des procédés permissifs. Aussi, elle place le praticien en “position basse” (ou égale) par rapport au patient.

Révolution de l’hypnothérapie

Par ses travaux, le psychiatre et psychologue américain Milton Erickson a permis un renouvellement majeur de l’hypnothérapie dans les années 1940-1950. Atteint de plusieurs troubles (dyslexie, daltonisme, poliomélyte) dès son plus jeune âge, c’est d’abord sur lui-même qu’il expérimente l’hypnose, pour se rééduquer. Cette approche très personnelle, par le prisme de la maladie, a marqué les travaux de Milton Erickson tout au long de sa vie.

L’approche de Milton Erickson repose sur le postulat que chacun possède en soi-même la solution à ses problèmes, dans un “réservoir” de ressources inconscientes auquel il suffit d’accéder.

Partant de là, le rôle du thérapeute n’est pas de fournir une solution au patient, mais de l’aider à trouver, grâce à l’hypnose, ses propres solutions. Cette relation passe donc d’un rapport d’autorité à un lien de coopération ; les pratiques d’hypnose sont beaucoup plus permissives et indirectes.

Dans les années 1950, Erickson anime des séminaires et des ateliers de formation à l’hypnose dans tous les Etats-Unis. Jusqu’à sa mort en 1980, il a reçu chez lui de nombreux thérapeutes du monde entier, qui ont expérimenté ses techniques et contribué à leur large diffusion.

Aujourd’hui, l’hypnose ericksonienne est le courant le plus influent et le plus répandu en hypnose thérapeutique, dans les cabinets et les instituts de formation. C’est aussi celle qui inspire le plus confiance aux clients, loin des clichés de l’hypnose de spectacle.

Ses principes ont imprégné d’autres champs de la thérapie et de l’accompagnement, comme la PNL (programmation neuro-linguistique) ou encore la thérapie familiale.

Fondements

Le patient acteur de la pratique

En hypnose directive, c’est le praticien qui, en position haute, dicte au patient les solutions à sa problématique. Cette approche part du principe que le thérapeute sait autant voire mieux ce qui est bon pour lui.

Au contraire, l’hypnose ericksonienne place le patient au cœur du processus de guérison : c’est à lui de trouver les solutions qui lui conviennent le mieux, le praticien étant dans une démarche d’accompagnement. On passe donc d’une posture passive à une posture active.

Cela a des conséquences concrètes sur le déroulement des séances. Ainsi, en hypnose traditionnelle, on privilégie les suggestions directes, dans le but d’obtenir un comportement précis. Par exemple, dans le cas d’une problématique alimentaire, le thérapeute pourra dire : “à partir de maintenant, quand vous sentirez l’envie de grignoter, vous vous servirez un grand verre d’eau” . 

L’hypnose ericksonienne part du principe que votre inconscient connaît le meilleur comportement à adopter dans chaque situation. Cette solution peut être connue ou non du praticien, mais le rôle de celui-ci n’est pas de vous la fournir, plutôt de vous aider à la trouver.

Si on reprend l’exemple du trouble alimentaire, une suggestion d’hypnose indirecte sera par exemple : “quand ce sera le bon moment, vous pourrez vous alimenter sainement, de la manière qui vous convient le mieux”.

Une nouvelle vision de l’inconscient

Un autre grand principe de l’hypnose ericksonienne est la vision optimiste de l’inconscient. Pour Milton Erickson, contrairement à la théorie psychanalytique, l’inconscient n’est pas seulement un lieu de pulsions refoulées. Au contraire, les travaux d’Erickson lui ont permis de voir l’inconscient comme un immense réservoir de connaissances et d’apprentissages. Et ce sont précisément ces ressources qui permettent à chacun de résoudre une vaste gamme de problématiques.

Le rôle du thérapeute est justement de faire découvrir au patient ses propres ressources inconscientes. L'objectif étant qu’il y pioche lui-même de quoi opérer les changements qui l’aideront à guérir. Que ces mécanismes soient conscientisés ou non importe peu. Comme dans toute thérapie brève, l’accent est mis sur le résultat plus que sur l’analyse et l’explication.

Observation et synchronisation

Comme c’est lui qui détient les clés de sa guérison, la stratégie thérapeutique en hypnose ericksonienne est toujours fondée sur une connaissance et une observation attentives du patient.

Un bon thérapeute est à l’écoute, vous pose de nombreuses questions pour cerner votre personnalité, vos goûts, vos habitudes. Il va même jusqu’à se synchroniser avec vous, pour comprendre votre fonctionnement et parler votre langage. L’objectif étant que le consultant se sente en confiance et lâche prise sur ses résistances, pour faciliter le travail thérapeutique.

Concrètement, en séance, cela va se manifester par l’attitude attentive du praticien, et la place importante accordée au dialogue. Aussi, contrairement à ce que ferait un thérapeute directif, le praticien en hypnose ericksonienne ne recourt que très peu à des scripts préparés à l’avance. Au contraire, il ajuste ses pratiques en fonction de l’état dans lequel vous vous trouvez au moment où vous les recevez.

Techniques

Le langage est un élément clé de l’hypnose ericksonienne. Pour faciliter la mise en transe et l’efficacité des suggestions, Milton Erickson a mis au point un modèle linguistique complet, le Milton Modèle, qui diffère à la fois du langage naturel et du langage hypnotique classique.

Le Milton Modèle repose sur un certain nombre de “trucs et astuces”  linguistiques qui ont pour but d’amener en douceur le consultant vers l’état désiré.

Les présuppositions

C’est lorsque le thérapeute présuppose que le consultant va faire ou penser quelque chose, sans le dire explicitement : cela permet de rendre la suggestion plus discrète. Par exemple, dans la phrase suivante : “La détente peut s’installer d’abord dans le bras gauche, ou bien dans le bras droit”, on présuppose que la détente s’installe.

Omissions et expressions génériques

En hypnose ericksonienne, le langage est volontairement flou et vague. Cela permet d'offrir au consultant un maximum de liberté dans ses représentations. C’est pourquoi le thérapeute emploie souvent des expressions génériques (“certaines personnes”, “un lieu”, “un moment donné”) et des verbes non spécifiques, comme le verbe “faire”. 

Il s’agit d’omettre un maximum d’informations, pour que le consultant complète avec celles qui ont du sens pour lui.

Le “yes set” (série de oui)

Ce procédé consiste à insérer une suggestion à la suite d’une série de plusieurs évidences ou constats indéniables. L'adhésion à la suggestion est alors facilitée. C’est une technique couramment employée dans la vente et dans la communication, car il a été démontré que plus une personne dit “oui” , plus elle a tendance à le dire. C'est vrai aussi pour le fait de penser "oui".

La confusion

La confusion est une méthode ericksonienne très efficace pour “mettre en veille” le conscient, et induire rapidement l’état d’hypnose.

Il s’agit pour le praticien de dire ou faire quelque chose d’illogique, de surprenant, pour dérouter le patient et le tirer hors de son cadre rationnel habituel. L’objectif est d’obtenir un effet de sidération (ni désagréable ni dangereux) favorable à l’induction de la transe.

La confusion peut passer par des tournures de phrase complexes ou des répétitions de mots, comme dans la phrase suivante : “aujourd'hui est aujourd'hui "aujourd'hui", mais sera "hier" demain, tandis qu'aujourd'hui était "demain" hier”.

L'humour

L’humour a parfaitement sa place dans la conception ericksonienne de la thérapie. Son intérêt est double :

  • D’abord, il permet de renforcer le lien entre le patient et son praticien ; or ce lien est un déterminant majeur de la réussite de la thérapie.
  • Ensuite, au même titre que la confusion, il crée un effet de surprise, et rompt avec le cadre logique et rationnel de la pensée consciente. Cela en fait donc un outil de choix pour lâcher prise et entrer en transe, particulièrement chez des individus contrôlants.

Indications

L’hypnose ericksonienne est la plus couramment utilisée en hypnothérapie de nos jours. Elle peut intervenir sur un certain nombre de troubles et maladies du patient.
En effet, les articles suivants permettent d'établir un lien entre hypnose et amélioration de certains troubles :

Cette liste n’est pas exhaustive.

Hors cabinet, elle est aussi très fréquemment enseignée dans les milieux médicaux (infirmiers, médecins), à des fins d’analgésie ou d’anesthésie. Les champs d’application les plus courants sont les soins dentaires et la préparation à l’accouchement.

Limites et contre-indications

Comme toute les autres formes d’hypnose, l’hypnose ericksonienne est fortement déconseillée aux personnes souffrant de troubles psychotiques (paranoïa, trouble bipolaire, schizophrénie). En effet, l’état de transe peut provoquer des bouffées délirantes.

Par ailleurs, malgré son impact très positif sur la gestion de la douleur et les capacités d’auto-guérison, l’hypnose ne soigne pas. Elle ne peut donc pas remplacer un suivi médical.

Lexique

L'inconscient est l'ensemble des phénomènes, connaissances et ressources qui ne sont pas conscients. L’inconscient est notamment responsable des phénomènes corporels automatiques, comme la respiration et la digestion.

L'induction de transe est le moment qui précède la transe hypnotique et qui la permet. L’induction repose sur un certain nombre de techniques verbales et corporelles.

La résistance est l'opposition (consciente ou inconsciente) du patient à la réussite du phénomène hypnotique. Les causes et les formes de la résistance sont parfois difficiles à déceler.

Le script hypnotique est le texte que le praticien énonce au patient, et qui constitue la trame du travail thérapeutique. Un script peut être directif ou indirect ; en hypnose ericksonienne, il est aussi adapté et personnalisé que possible.

Les suggestions hypnotiques sont des mots et idées suggérés au patient, dans le but d’atteindre un état ou d’obtenir un comportement donné.

La transe hypnotique est un état modifié de conscience qui ne correspond ni à la veille ni au sommeil, et qui se manifeste lors d’une concentration intense, ou au contraire lors d’un relâchement de l’attention.

Questions fréquentes

Qu'est-ce que l'hypnose ericksonienne ?

L'hypnose ericksonienne ou indirecte est un courant de l'hypnose. Elle place le patient au cœur de la thérapie.

Quels sont ses grands principes ?

Les grands principes de l'hypnose ericksonienne sont :
1. Le patient est au cœur du processus
2. Une vision optimiste de l'inconscient
3. Une observation attentive du patient

Quelles sont ses limites ?

Elle est déconseillée pour les personnes présentant des troubles psychotiques, car la transe peut provoquer des bouffées délirantes.
Par ailleurs, elle ne peut pas remplacer un suivi médical.

Bensoussan Alexandra

Rédactrice santé. Formation en hypnose et PNL.