La relation à la mort chez l’enfant

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La mort est un sujet difficile à aborder avec les enfants. Comment l'enfant perçoit la mort? Comment parler de la mort à un enfant? Comment aider l'enfant à surmonter un deuil? Comment trouver les mots justes? Tous nos conseils.

La représentation de la mort

Bougie qui représente le deuil: parler de la mort à un enfant.

Avant de parler de la mort à un enfant, il est important de comprendre comment il se représente la mort.
La mort est associée au sentiment de perte, d’abandon, de solitude, ainsi qu’à des émotions très diversifiées : tristesse, désespoir, colère, rejet… Le développement de l’enfant le fait évoluer dans son appréhension et son vécu des émotions1.

Vers deux ans, il a construit un attachement envers les personnes qui prennent soin de lui. L’attachement est ce concept élaboré par John Bowlby, qui décrit le sentiment de sécurité intérieure ressenti par un enfant qui se sent accueilli, accepté, reconnu, compris et aimé par son entourage proche. L’attachement est dit sécure, lorsqu’il permet à l’enfant de se détacher progressivement de ses parents. Il devient ainsi autonome sans craindre de perdre leur amour ou leur protection.

A l’âge de deux ans, l’enfant commence à redouter la solitude et la séparation d’avec ses proches. C’est la période des pleurs le soir au coucher. Vers 6 ans, il commence à craindre les animaux féroces, les endroits sombres… preuve du développement de son imaginaire.

Vers 8 ans, il est capable de raisonner et sera alors plus sensible aux peurs véhiculées par les médias et les informations reçues de son entourage: peur de la guerre, des maladies, des accidents, du décès de ses proches. A cet âge, un enfant qui manifeste la peur d’être séparé de ses parents, comme par exemple de quitter sa mère pour aller chez un ami ou à l’école, présente probablement un symptôme d’anxiété.

Or, la mort est avant tout appréhendée par l’enfant comme une séparation. De la mort des animaux de compagnie au décès des grands-parents âgés, il est confronté selon son âge à devoir se représenter la mort de façon à pouvoir canaliser les peurs qui l’entourent. Tout est fait pour retrouver un certain contrôle sur le déroulement des événements et se convaincre que cela ne lui arrivera pas.

Les différentes représentations que l’enfant se fait de la mort ont donc pour principal but de supporter cette idée de séparation, de non-retour. Elles peuvent comporter à la fois des éléments réalistes, dont il a pris connaissance par son entourage ou à l’école, ainsi que d’éléments fantaisistes issus de son imagination, donc de son inconscient.

Chez le tout-petit, la mort est conceptualisée de différentes façons2:

  • une représentation d’immobilité (par exemple, devant un oiseau mort, un enfant de 3 ans pourra formuler: « l’oiseau ne bouge plus, il ne mangera plus, il ne volera plus : il est mort »);
  • une représentation liée au cycle veille/sommeil (« l’oiseau dort pour toujours, il est mort »). Cette substitution de la disparition par l’idée du sommeil prolongé permet à l’enfant de sublimer l’irréversibilité de la mort physique.

Dans cet exemple, le jeune enfant est également confronté à la notion de temporalité : il prend conscience que la mort implique le passé, désormais incompatible avec l’instant présent qu’il vit. Cette séparation temporelle peut générer pas mal de questionnements, par l’anxiété qu’elle provoque.

Dès 3 ans, l’enfant commence alors à interroger ses parents ou son entourage proche.

Plus tard, au cours de sa socialisation, l’enfant va confronter ses croyances à celles des enfants qu’il fréquente. Il pourra alors adopter des pratiques ritualisantes, pour apprivoiser la mort et apaiser sa peur. Par exemple, il organisera avec d’autres enfants des funérailles, pour un petit animal trouvé mort, ou bien celles d’une personne existante ou fictive. La mort prend ensuite souvent la forme d’un fantôme, ou d’un personnage fantastique (homme-squelette, zombie…), issu de la culture littéraire ou visuelle de l’enfant, ou bien de ce qui a été véhiculé dans son entourage.

Peur ou anxiété relative à la mort 

La mort, en parler, peut déclencher chez l'enfant un sentiment de peur ou d'anxiété.

La peur est une émotion primaire. Elle constitue une réponse normale et adaptée en réaction à un stimulus externe, comme par exemple chez l’enfant la peur de plonger pour la première fois. La peur déclenche des réactions somatiques caractéristiques (modification du rythme cardiaque, transpiration ou sueurs froides, rouge aux joues ou pâleur, tremblements…).

Ces modifications sont d’intensité variable selon le stimulus et donc le danger représenté. Elles disparaissent, quand on se sent hors de danger et remplissent donc un rôle de survie face aux menaces extérieures. L’anxiété est une peur qui s’est installée et qui fait partie du fonctionnement quotidien de l’enfant. Ses pensées, ses actions seront donc influencées par la représentation de l’objet de l’anxiété.

Le sentiment d’anxiété est durable et plus difficilement modifiable, s’il est ancré depuis longtemps. L’anxiété peut devenir chronique. L’enfant ne sait pas toujours identifier l’objet de son anxiété : contrairement à la peur, il peut s’agir d’une crainte diffuse, sans qu’il y ait un danger extérieur repéré, ni même une raison personnelle claire.

C’est notamment le cas des enfants qui ont peur le soir, sans savoir clairement pourquoi. L’anxiété est aussi souvent associée à l’anticipation anxieuse. Un enfant pourra par exemple se montrer anxieux longtemps à l’avance, lorsqu’il devra passer une évaluation, ou se rendre au chevet d’un proche malade. La peur de la mort est en ce sens davantage de l’anxiété : à moins d’un danger imminent qui menace la vie d’un de ses proches, l’enfant n’est pas censé penser en permanence à la mort.

Il est possible, cependant, qu’il construise un sentiment d’anxiété et cela fait partie du processus de son développement personnel, pour appréhender les grandes étapes de la vie. Cela pose problème quand l’anxiété atteint le stade de chronicité et l’empêche de s’épanouir pleinement.

Certains enfants se retrouvent alors à évoquer souvent le sujet de la mort. Ils peuvent ainsi faire part de leur peur de la mort des personnes de leur entourage proche, sans qu’il y ait de raison particulière à cela. Ils peuvent aussi faire des cauchemars récurrents, qui leur permettent de canaliser leur anxiété.

Dans tous les cas, puisqu’ils risquent à tout moment d’être confrontés à la mort, il est bon de pouvoir aborder le sujet avec eux, pour qu’ils l’apprivoisent plus sereinement en fonction de leur âge et de leur vécu. Leur représentation de la mort comportant des éléments à la fois rationnels et purement inconscients. Ils ne savent pas encore faire le tri eux-mêmes, entre ce qui relève d’une réalité objective et ce qu’ils ont imaginé pour faire face à l’idée de mort.

En particulier, les enfants peuvent utiliser ce qu’on appelle la «pensée magique», pour se préserver et donner du sens au caractère insupportable de la mort. Pour un enfant, il est difficile de délimiter son monde intérieur, par rapport au monde réel. Il peut prendre les productions de son esprit (idées, rêves) pour des réalités et donc assimiler les événements extérieurs à la réalisation de ses désirs.

C’est pourquoi, quand la mort survient, certains enfants pensent qu’ils ont provoqué le décès d’un proche et se sentent responsables. Il faut alors les déculpabiliser et rationnaliser l’événement, en leur expliquant les causes et en précisant que tout ceci est extérieur à leur volonté.

Accompagner le vécu du deuil

Les enfants comprennent et sentent très tôt, tout ce qui tourne autour de la maladie et de la mort. Quand ils sont petits, les adultes veulent parfois cacher ou minimiser ce qui se passe. Plutôt que les rassurer, cela risque de les angoisser: l’enfant a besoin de pouvoir se construire une représentation fiable de ce qui se passe, à savoir un décès.       
Comment accompagner le deuil3 et parler de la mort à un enfant?  

Les phrases à dire ou éviter

Parler de la mort à un enfant: certaines paroles doivent être évitées.

Même si l’on ne donne pas tous les détails, il est important d’évoquer clairement l’absence, le non-retour. Les euphémismes (« il est parti », « il dort pour toujours, « il est avec les anges ») sont confus et n’aident pas l’enfant à comprendre ce qui se passe. Il risque d’élaborer des pensées, pour pallier le problème de l’absence, comme celles-ci : « je veux aussi aller avec les anges », « si Papi nous a quittés, c’est qu’il ne nous aimait pas ».

Il vaut mieux être clair en mentionnant l’absence et si besoin ce qui s’est passé («son cœur s’est arrêté»). L’enfant peut alors apprivoiser l’idée de la disparation progressivement, sans se faire des idées imaginaires qui le laisseraient confus. Il doit pouvoir éprouver le réel, avec une idée de la mort cohérente dans son système de pensée. Il a besoin aussi de pouvoir compter sur ses proches, pour étayer l’expérience avec des explications claires et honnêtes: il faudra souvent répéter les mêmes phrases, pour qu’il puisse intégrer leur signification.

Les funérailles

Il faut également préciser où se trouve le corps, comment on va procéder pour les funérailles. Les adultes ont en général peur que l’enfant voit le corps du défunt. il est montré que de toutes façons, l’enfant imagine le corps de façon bien pire que la réalité.

Si on décide de lui montrer la dépouille, il convient de lui donner quelques éléments, pour qu’il se prépare: lui expliquer que le corps est froid, immobile, que s’il parle à la personne elle ne pourra pas l’entendre ni lui parler, que le corps aura peut-être des marques de l’accident ou de la maladie, qu’il ne ressemblera pas forcément à l’image que l’enfant a gardée de la personne en vie.

Dans tous les cas, on propose à l’enfant, sans jamais le lui imposer, mais on lui laisse la possibilité de changer d’avis. En effet, voir le corps, aide en général à appréhender plus facilement l’idée de l’absence et à construire l’après.

Ne pas faire de l’enfant un sauveur

En tant qu’adultes, nous faisons face à la mort avec nos ressources internes: notre éducation, notre sensibilité, nos propres besoins et nos fragilités. Il peut arriver qu’on ait envie de se rapprocher de ses enfants, de former un cocon autour de soi et de garder les petits sous son aile, comme pour les protéger encore plus.

Cependant, il vaut mieux permettre à l’enfant qui vit la mort d’un proche, de pouvoir continuer à vivre à l’extérieur : continuer ses activités extra-scolaires, passer du temps avec ses amis… Vouloir le surprotéger, c’est l’empêcher d’aller se ressourcer au-dehors, auprès des autres.

Par ailleurs, dans une phase de deuil, un enfant qui se sent valorisé dans des activités socio-culturelles, est un enfant qui regagne en confiance en lui et en la vie. Il se rassure ainsi sur sa propre capacité à faire face, à maîtriser le cours de sa vie, à être apprécié et reconnu en dehors du cercle familial.

La douleur et la culpabilité, associées à la perte d’un être cher, sont alors en partie compensées par le plaisir d’exister en dehors du drame. C’est pourquoi, il faut veiller à ne pas faire porter à l’enfant le rôle de béquille ou de sauveur,  dans ces moments difficiles.

Un adulte en proie au deuil d’un conjoint peut inconsciemment se reposer sur son enfant, pour l’aider à surmonter l’épreuve. L’enfant, pour continuer à préserver la relation avec son parent survivant, fera tout pour l’aider comme il le souhaite. Il serait alors dangereux que s’instaure une relation, où l’enfant joue le rôle d’un adulte, qui prend soin de son père ou de sa mère. Il est donc fondamental, de laisser l’enfant vivre sa vie à l’extérieur, pour continuer à grandir et intégrer l’expérience de la mort d’un proche, avec le moins de rupture possible dans sa propre vie.

Angoisses et réactions selon l’âge

L’enfant d’âge scolaire (6-12 ans) en deuil se retrouve souvent avec des angoisses nocturnes et une difficulté à aller se coucher: il va vouloir rester debout, dormir avec l’un de ses parents, ou l’un de ses frères ou sœurs, laisser la lumière allumée, etc.

L’angoisse de séparation s’exprime alors pleinement: l’enfant a peur que la mort survienne à nouveau, pour lui ou l’un de ses proches. On peut laisser une lumière allumée, lui lire une histoire, le rassurer. Par contre, il faut éviter de le laisser dormir ailleurs que dans son lit, au risque qu’il perde en autonomie et ne soit plus capable de dormir seul sans angoisse.

Quand le deuil touche un enfant de 11-12 ans, l’adolescence s’annonce déjà. L’enfant est en proie à plein de questionnements, a déjà du mal avec l’autorité et le cadre. Il se cherche et la mort vient perturber encore plus sa vie, chamboulée par les changements physiologiques et émotionnels de cet âge.

Il est possible qu’il refuse de parler, se replie. Il faut veiller à maintenir un contact, même si la parole n’est pas libérée. Il doit pouvoir sentir que les adultes sont là pour lui et sont disponibles pour le rassurer, répondre à ses questions, le soutenir. Sinon, il risque de se réfugier dans son imaginaire, voire dans des conduites addictives, pour s’échapper du réel et fuir la douleur du deuil. Il est compliqué parfois de faire la différence, entre la crise d’adolescence et des réactions propres au choc d’un décès.

Ecoute attentive et accueil émotionnel

Parler de la mort, surmonter le deuil, il est important que l'enfant bénéficie d'une écoute attentive et bienveillante.

Quoi qu’il en soit et quel que soit son âge, il est capital de montrer à l’enfant qu’on comprend sa douleur, et qu’on la prend en compte, sans prétendre savoir ce qu’il ressent, car chaque douleur est différente.

Les adultes doivent aussi encourager l’expression des émotions difficiles, par exemple en formulant ce que ressent l’enfant : « je vois que tu es triste en ce moment, peut-être parce que tu voudrais être avec ta grand-mère ». Il faut leur expliquer que les émotions, même douloureuses, sont passagères et qu’elles peuvent changer d’un jour sur l’autre.

Cela les aide à ne pas avoir peur de ce qu’ils ressentent et à comprendre qu’ils ne seront pas submergés en permanence, par la tristesse. C’est aussi une façon de les déculpabiliser, lorsqu’ils peuvent à nouveau manifester de la joie et de l’insouciance: leur dire qu’ils ont le droit d’être heureux malgré la douleur, pour les aider à continuer à vivre plus sereinement.

La vie de famille et ses règles installées doivent continuer le plus possible comme avant. Il est tentant de baisser la garde et de poser moins de limites aux enfants, lors d’une période de deuil. Pourtant, ceux-ci ont plus que jamais besoin de sentir autour d’eux un cadre sécurisant et bienveillant, pour ne pas perdre des repères. Les heures de coucher, les règles de politesse, les devoirs, tout doit être maintenu le plus possible, en rappelant à l’ordre doucement mais fermement.

On peut aussi accompagner le vécu du deuil, en racontant des histoires aux plus petits, dans lesquelles le thème de la mort est abordé. On peut aussi, par exemple à la fin de l’histoire, proposer à l’enfant de dessiner ce qu’il a ressenti, afin de l’aider à canaliser ses émotions.

Avant tout, l’enfant doit pouvoir sentir que ses émotions ne sont pas minimisées, et que l’événement douloureux du décès peut être surmonté, grâce à l’écoute attentive de son entourage.

Questions fréquentes

Comment l'enfant se représente-t-il la mort?

La mort est avant tout appréhendée par l’enfant comme une séparation. Cette représentation peut comporter à la fois des éléments réalistes et imaginaires.

Comment accompagner le deuil?

Il est conseillé de ne pas minimiser ce qu'il se passe. Au contraire, rien ne doit être caché à l'enfant, au risque de l'angoisser.

Comment l'aider à surmonter cette épreuve?

- Encourager l’expression des émotions difficiles
- La vie de famille et ses règles doivent perdurer
- Pour les plus petits, raconter une histoire sur le thème de la mort peut être envisagé


  • 1Peur et anxiété chez l’enfant, regards croisés de la clinique et des neurosciences, Isabelle Wodon et Mandy Rossignol, in Articulations clinique-recherche, autour de la psychopathologie et de la psychiatrie, UCL Presses Universitaires de Louvain, 2013.
  • 2L’enfant, la maladie et la mort – la maladie et la mort d’un proche expliquées à l’enfant, Murielle Jacquet-Smailovic, De Boeck, 2007.
  • 3Vivre le deuil en famille – des pistes pour traverser l’épreuve, Barbara Dobbs, Rosette Poletti, Saint-Augustin, 2001.
Marion Dorval
Marion Dorval, Auteur

Accompagnatrice en expression vocale créatrice. Spécialisée auprès des personnes hypersensibles. Ex enseignante pendant 10 ans.