Des sanctions plutôt que des punitions
La punition comporte étymologiquement la notion de peine, de douleur, de rançon. Il a été longtemps admis qu’un enfant qui n’a pas agi de la bonne façon devait subir en retour une punition lui permettant de comprendre, par la souffrance engendrée, qu’il n’avait pas intérêt à recommencer.
Les punitions ont donc longtemps, et encore parfois aujourd’hui, été associées à des mauvais traitements physiques (fessée, enfermement dans un placard…) ou psychologiques (ne plus parler à l’enfant pendant un long moment, le dénigrer voire l’humilier…). La fessée est aujourd’hui reconnue comme maltraitance définitivement interdite en France.
"Punir son enfant" comporte toujours l’idée de « réparer » l’émotion engendrée chez celui qui punit : elle est donc dépendante de la subjectivité de l’adulte. Selon la réaction émotionnelle de l’adulte (colère, frustration, déception…), l’enfant sera puni de telle ou telle façon, pour atténuer le désagrément vécu chez l’adulte, qui veut alors marquer le coup pour que l’enfant ne refasse plus la «faute» commise.
Dans ce cas, "punir l'enfant" n’est qu’une façon d’asseoir une forme de domination, de pouvoir. L’équilibre relationnel n’existe plus entre adulte et enfant : l’un prend l’ascendant sur l’autre en le jugeant en tant que personne plutôt que de condamner uniquement les actes. L’enfant va alors se sentir certes fautif, mais risque surtout de remettre en cause sa personnalité, plutôt que ses actions et leurs conséquences.
En tant qu’adulte, si nous agissons sous le coup de la colère en infligeant une punition de façon impulsive, nous risquons d’avoir du mal à rester cohérents dans les punitions données d’une fois sur l’autre, ou d’un enfant à l’autre. Les punitions peuvent être totalement disproportionnées par rapport à la « faute » commise.
En effet, nous voulons marquer le coup et faire comprendre à l’enfant dans quel état émotionnel désagréable il nous a mis (exemple : « Va dans ta chambre, je ne veux plus te voir jusqu’au dîner ! » ou bien « Tu seras privé de sortie pendant 15 jours ! »). De plus, l’éducation punitive produit souvent à long terme chez l’enfant une insensibilité, un cynisme, une dureté et une tendance au mensonge1.
Plutôt que de punir l'enfant, une sanction apporte quant à elle une dimension véritablement réparatrice. Elle est prévisible, puisqu’elle correspond à la transgression d’une règle préalablement établie. Elle vise à sanctionner ce qu’a fait l’enfant, en dissociant donc les conséquences de sa bêtise ou de sa «faute», de sa valeur en tant que personne.
La différence avec la punition est donc qu’on peut avoir des gradations dans la sanction et qu’elles sont connues de l’enfant à l’avance. S’il fait une bêtise en enfreignant une règle sans le savoir, on le prévient alors de ce qu’il risque en recommençant. Si les règles sont déjà connues et établies, alors on pourra le sanctionner sans le prendre en défaut, en s’appuyant sur les règles déjà mises en place.
Une autorité sécurisante et bienveillante
Les règles et les sanctions ne doivent pas empêcher l’enfant de vivre pleinement ses émotions, ni l’amener à vivre dans la peur de mal faire. Il est évidemment nécessaire d’appliquer des sanctions adaptées à l’âge des enfants.
Chez les tout-petits, avant 5 ans, il n’y a pas de maîtrise des émotions et on ne peut pas alors attendre de l’enfant, qu’il se régule tout seul et résiste à ses impulsions. Les adultes perdent souvent patience devant les bêtises mais les enfants de cet âge sont trop jeunes pour être raisonnables.
Il faut alors encourager l’imitation des comportements, c’est pourquoi en tant qu’adultes nous devons être des exemples pour les enfants, particulièrement à cet âge où l’apprentissage est basé essentiellement sur l’imitation. Savoir tolérer la frustration, se montrer poli, patienter, respecter autrui dans ses gestes et ses paroles, voilà tout ce qu’il est possible de transmettre à un petit enfant rien qu’en le faisant devant lui.
On peut aussi verbaliser, en lui expliquant l’importance des règles de savoir-vivre. Il comprendra et aura d’autant plus envie d’imiter l’adulte s’il voit que cela apporte de la satisfaction. Ce comportement lui donnera envie de grandir et de «bien faire». Punir un enfant, restreindre ou interdire n'est pas optimal, même s’il en faut aussi parfois.
A partir de 6 ans, il est possible d’instaurer à la maison un ensemble de règles visant le bien-vivre ensemble. Il n’est pas question d’imposer partout des limites, mais plutôt d’impliquer les enfants pour qu’ils se responsabilisent. Pour cela, on peut utiliser la sanction positive, c’est à dire sanctionner par un compliment, des félicitations, chaque fois que l’enfant a fourni un effort particulier ou réussi quelque chose qui lui tenait à cœur.
La sanction positive peut aussi bien s’exprimer par un « merci » envers l’enfant, ou par un « bravo, ce n’était pas facile pour toi mais tu l’as réussi ». C’est lui montrer la voie de l’épanouissement possible dans le respect d’autrui. C’est aussi lui faire la preuve qu’on ne prête pas attention qu’à ce qu’il ne fait pas assez bien à nos yeux, ou à ses manquements, mais qu’on peut aussi remarquer tout ce qu’il vit et transmet de positif.
Un enfant n’a pas envie d’assumer la responsabilité de ce qu’il a causé, alors il préfère souvent accuser autrui ou se trouver des excuses, afin de ne pas être perçu négativement par ses parents2. Dans ce cas, il ne faut pas le culpabiliser davantage, mais plutôt le rassurer. Nous continuons à l’aimer même si nous n’approuvons pas ses actes, mais qu’il convient de respecter les limites qu’on lui a données. Les parents doivent faire passer le message de manière claire et affirmée, rappeler la règle enfreinte et faire sentir à l’enfant que la communication n’est pas rompue, mais qu’ils attendent un autre comportement à l’avenir.
Contrairement à "punir un enfant", la sanction éducative peut avoir un sens.
Pour qu’une sanction éducative ait un sens, il faut qu’elle participe à réinscrire l'autre dans l'existence d'une règle et donc à le réintégrer au sein d'un collectif3. Plutôt qu’un discours de type « tu m’as déçu, je n’aurais pas cru que tu serais capable d’une telle bêtise ! » ou bien « je ne veux plus te voir pendant un moment, va dans ta chambre ». Il convient de lui donner la possibilité de « réparer », symboliquement ou matériellement.
Sinon, on entre dans une rupture relationnelle, qui empêche l’expression des émotions autant de la « victime » (celui ou celle que l’enfant a agressé, n’a pas respecté, ou bien l’adulte qui fait les frais de la bêtise de son enfant) que du « coupable ». A ce moment, les parents sont insensibles à l’émotion de l’enfant, qui comprend que son comportement menace la relation. Il se sent remis en question, car il est jugé sur sa personnalité entière, plutôt que sur ses actes.
Sanctionner, contrairement à "punir son enfant", doit permettre d’apporter du soulagement, de la reconnaissance à celui qui a subi un préjudice et à celui qui a enfreint la règle. Il a alors l’occasion de s’apaiser, de se racheter et se faire pardonner. La sanction doit donc être en lien direct avec la bêtise, pour avoir une valeur de réparation.
Ecouter l’enfant et prendre en compte ses émotions du moment ne signifie pas que l’on laisse tout faire, c’est simplement le respecter dans ses affects et lui prouver qu’on tient compte de son ressenti, sans pour autant excuser ses actes.
Mise en pratique
Pour les enfants, un tableau de comportements peut être établi pour noter quotidiennement le respect des règles de bien-vivre ensemble, à l’école et/ou à la maison. On décide d’un seuil minimum à atteindre pour qu’un jour soit considéré comme « positif ». C’est là qu’il faut tenir compte des capacités actuelles de l’enfant à se réguler, à tolérer la frustration, à canaliser ses émotions plutôt que les décharger sur autrui ou par des actes hors cadre.
Au bout d’un certain nombre de jours positifs, on peut accorder une récompense. L’idée est de pratiquer le renforcement positif, plutôt que le recours systématique à la sanction. Bien évidemment, en cas d’un excès de manquements, on sanctionne de façon adaptée. S’excuser, aider à ranger, réparer, faire une tâche à la place de quelqu’un, sont autant de possibilités de sanctions ayant du sens. Vers 10-11 ans, les enfants peuvent eux-mêmes proposer, quel type de réparation effectuer par rapport à l’infraction commise.
Pour les ados, il faut bien souvent rappeler les limites, pour que la vie de famille demeure agréable ! On leur donne un cadre en termes de fréquence de sorties, de temps passé sur les écrans. En cas de dépassement du nombre ou du temps autorisés, on interdira les sorties ou les écrans jusqu’à la prochaine échéance.
Par exemple, si l’enfant est sorti une fois de plus que permis, le mois prochain il aura un nombre de sorties diminuées de un. S’il a passé une heure de trop sur les écrans durant la semaine, on diminue d’autant le « forfait » alloué la prochaine fois. Inutile de vouloir à tout prix les priver ou supprimer, tant que le dépassement n’est pas alarmant. Il vaut mieux sanctionner, en limitant les autorisations pour ne pas rentrer dans un conflit permanent, ni empêcher l’ado de vivre sa vie.
Le poids du vécu des parents
Les parents transmettent une part de ce qui leur a été légué comme éducation, inconsciemment ou non, volontairement ou non. Bien souvent, la façon dont les punitions et les sanctions étaient appliquées durant leur enfance va influencer leur propre positionnement avec leurs enfants. Des adultes ayant grandi sans repère, dans un grand laxisme, devront veiller à ne pas s’enfermer dans un autoritarisme contraignant, et inversement.
Les parents comparent énormément leur propre éducation, avec celle qu’ils veulent donner à leurs enfants, pour reproduire ou ne pas reproduire. Même quand ils font tout pour agir de façon contraire, ils continuent au fond à être dépendants du regard de leurs parents.
En quelque sorte, ils continuent à agir en fonction d’eux, au détriment du regard sur l'enfant. Ce dernier ne doit pas se retrouver comme une projection de son parent, qui veut réparer son vécu enfantin. Il vaut mieux tenir compte des besoins et émotions de l’enfant sans tout ramener à sa propre éducation.
Questions fréquentes
Quelles différences entre la punition et la sanction?
La punition a pour objectif de "réparer" l'émotion engendrée chez celui qui punit. Elle affirme une forme de domination.
La sanction est prévisible, elle se réfère à une transgression préalablement établie.
Pourquoi la punition n'est pas adaptée?
La sanction, contrairement à la punition, apporte une dimension réparatrice. Elle correspond à la transgression d'une règle établie. Elle sanctionne l'enfant et non sa valeur.
Comment sanctionner?
- Un tableau de comportements peut être élaboré. Il réaffirme le respect des règles du bien vivre ensemble.
- Pratiquer le renforcement positif.
- Pour les adolescents, donner un cadre à respecter et rappeler les limites.
- 1: Catherine Gueguen, Pour une enfance heureuse, Pocket, 2015.
- 2: Isabelle Filliozat, Au cœur des émotions de l’enfant, Poche Marabout, 2013.
- 3: Sylvain Connac, Apprendre avec les pédagogies coopératives, ESF éditeur, 2009.