La thérapie comportementale dialectique

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Il existe aujourd’hui de nombreuses formes de psychothérapie. Il n’est pas toujours facile de choisir une orientation thérapeutique pour soi-même ou pour un proche. Si la méthode ne fait pas le thérapeute, la décision de s’engager dans une approche plutôt qu’une autre peut cependant aider à rester motivé et confiant dans les bénéfices de la thérapie. La thérapie comportementale dialectique (TCD ou DBT en anglais) est encore peu connue et pratiquée en Europe et en France. Voici les principales caractéristiques et les indications préférentielles de cette approche. Peut-être y trouverez-vous des éléments pour vous décider à opter pour cette démarche et trouver un thérapeute qualifié dans ce domaine.

Objectifs

Femme en train de souffrir : bienfaits de la thérapie comportementale dialectique.

Les objectifs de la Thérapie Comportementale Dialectique sont très simples et pragmatiques. Elle a pour but de construire et développer chez les personnes des compétences personnelles et interpersonnelles pour redevenir maîtres de leur vie et donc libres.

Elle s’articule autour des axes suivants :

  • acceptation de la réalité et tolérance face aux difficultés et à la souffrance ;
  • pleine conscience ;
  • efficacité interpersonnelle ;
  • régulation des émotions.

Ces axes sont autant de compétences travaillées au cours des séances. Elles permettent à la fois de faire naître ou renaître un rapport à soi plus apaisé et aussi de se sentir plus à l’aise dans ses interactions. C’est ce qu’on appelle gagner en efficacité interpersonnelle.

La thérapie comportementale dialectique permet donc de faire des allers-retours entre travail sur le ressenti intérieur et travail sur notre façon d’agir et nous exprimer dans le monde. Elle vise l’acceptation de soi et s’attache à prendre le patient comme il est là, où il en est à un moment donné. Plutôt que de vouloir lui apprendre à changer simplement pour changer, elle lui enseigne à modifier sa perception sur lui-même et le monde pour adopter de nouvelles pensées.

Nous savons que nos schémas mentaux influencent nos émotions. Elle agit sur cette chaîne pensée/émotion/action, en nous faisant prendre conscience de nos croyances en amont de cette chaîne. Au bout du compte, elle aide à s’accepter davantage tel que nous sommes, avec nos difficultés, tout en nous libérant des pensées dysfonctionnelles et limitantes, qui nous empêchent d’évoluer dans notre vie.

Origines

La thérapie comportementale dialectique1 a été mise au point par Marsha Linehan, professeure de psychologie aux Etats-Unis dans les années 80. Au départ, elle s’adressait spécifiquement aux personnes atteintes de troubles de la personnalité limite (TPL). Ces patients connaissent une grande souffrance faite de colère, de sentiment de vide. L’anxiété, la dépression et parfois les pensées suicidaires peuvent aussi se retrouver chez les personnes concernées.

Marsha Linehan s’est appuyée sur le développement des compétences internes des patients pour les aider. L’idée était de réduire les pensées négatives induisant elles-mêmes des émotions dites négatives et donc des comportements néfastes, voire destructeurs pour la personne. Peu à peu, le retour à un contrôle de cette boucle pensée/émotion/action et comportement aide à mieux tolérer la frustration et la souffrance.

La thérapie comportementale dialectique se nomme ainsi pour deux raisons :

  • Dialectique parce qu’elle s’inspire de la pensée du même nom, issue de la philosophie traditionnelle. Cela signifie qu’elle s’intéresse à réconcilier les opposés tout en préservant un équilibre.

Concrètement, si nous sommes en proie à des pensées négatives en boucle, cette approche nous propose d’envisager des pensées positives alternatives. Envisager signifie percevoir, accepter, découvrir. Cela ne veut pas dire qu’il faille remplacer à tout prix le négatif par le positif mais plutôt se décentrer, pour éviter de se polariser à un extrême.

Elle nous enseigne les nuances et la mesure : elle nous propose de rechercher un équilibre et de sortir des pensées en « tout ou rien ». C’est avant tout une ouverture aux différentes possibilités de pensées, d’émotions, de comportements qui aide à se dégager des comportements et schémas de vie orientés dans une seule direction.

Nous le savons bien : plus nous sommes focalisés sur une seule façon de penser, plus nous avons tendance à agir d’une seule façon et donc à renforcer nos croyances et les émotions qui vont avec. Ici, cette approche nous invite à prendre conscience de toutes les possibilités, et à choisir une synthèse de ce qui correspond le mieux à ce que nous avons envie de vivre.

  • Comportementale parce que la thérapie comportementale dialectique s’inscrit dans le champ des thérapies comportementales et cognitives (TCC).

Les TCC ont la particularité d’engager le patient dans l’action pour induire un changement interne. Toute modification de comportement va provoquer une modification dans le ressenti et donc la perception de soi-même. Ce processus est vrai dans l’autre sens : si je me perçois plus positivement, avec plus de compétences, alors je vais agir plus librement et dans un sens qui va renforcer l’estime de moi.

L’action par l’expérimentation de nouveaux comportements et le travail sur les cognitions c’est à dire les pensées, sont les deux piliers des TCC. Très plébiscitées depuis des années, ces prises en charge se sont enrichies par d’autres approches.

La thérapie comportementale dialectique fait à ce titre partie de la 3ème vague des TCC, qui englobe un certain nombre de techniques associant la pleine conscience à leur travail de fond. Elle présente ainsi une approche unique qui combine les principes des TCC et l’approche de la pleine conscience.

Apport de la pleine conscience

Inspirée du bouddhisme, elle a été créée par John Kabat-Zinn dans les années 60. Popularisée en France par le psychiatre Christophe André, elle s’adresse à tous ceux et toutes celles qui souhaitent mettre leur mental sur pause et retrouver le bien-être et la détente.

Cette pratique invite à observer nos pensées sans nous y attacher, dans une posture méditative propice à la détente et à la concentration. Elle travaille différents aspects sur le plan à la fois corporel et mental : relaxation, attention aux ressentis corporels, conscience des pensées, acceptation des émotions, régulation du souffle, amélioration de la concentration…

Ses bienfaits sont multiples et augmentent avec une pratique régulière. Dans le cadre de la thérapie comportementale dialectique, la pleine conscience est parfaitement indiquée. Comme elle nous permet de mettre au jour nos pensées et nos réactions, elle nous aide à mesurer l’intensité avec laquelle nous répondons aux stimulations extérieures.

Nous interprétons un simple mot comme une menace de rejet ou de jugement. Nous pestons contre un événement inattendu, car il bouleverse notre planning. Nous passons notre temps à surréagir pour des choses qui ne sont pourtant pas si dangereuses que cela. Mais le mental s’empare des situations qu’il ne contrôle pas pour y répondre par des émotions vives.

La spirale d’émotion/réaction est alors enclenchée : nous avons bien du mal à rester neutres. Réagir est naturel mais se laisser entraîner par ses émotions nous éloigne du calme auquel nous aspirons. En examinant nos pensées, en reprenant le contrôle du souffle, nous pouvons nous détacher petit à petit un peu plus de ce qui nous agite tant. C’est le rôle de la pleine conscience : nous remettre au centre de notre vie plutôt que subir ce qui vient de l’extérieur.

Progressivement, nous pouvons alors être plus tolérants face aux imprévus de la vie. Le travail sur le souffle et le ressenti corporel aide aussi à mieux supporter la souffrance physique. L’esprit se détend tout autant que le corps : nous gagnons en ouverture d’esprit. Nous pouvons nous envisager autrement, peut-être plus compétents, plus valables, plus dignes de vivre la vie que nous souhaitons.

La pleine conscience s’inscrit dans la thérapie comportementale dialectique avec l’intention d’apporter l’acceptation dont nous avons besoin : il n’est plus question de lutte contre qui nous sommes, mais de constater la réalité et de la vivre en mobilisant nos ressources internes parfois insoupçonnées.

C’est le travail de reconnexion entre corps et esprit, qui aide à se percevoir de façon plus positive. Elle aide à la fois d’engager la prise de conscience de son propre fonctionnement et de venir soutenir le travail thérapeutique : elle est comme une nouvelle habitude, qui permet au patient de maximiser sur le long terme les bénéfices de cette approche.

Déroulement

La thérapie comportementale dialectique se déroule sous forme individuelle et collective. La combinaison de ces deux aspects permet aux patients d’intégrer des outils pratiques dans le quotidien.

Dans le modèle classique, on recommande aux patients de participer aux séances de groupe durant toute la première année, afin de bénéficier de la mise en pratique de ce qui a été abordé avec les thérapeutes. L’idée comme déjà dit est de construire et développer des compétences liées aux pensées et comportements, il faut donc pratiquer sans relâche pour les ancrer en soi.

L’apprentissage de ces compétences se déroule durant 3 phases décrites ainsi :

  • une phase d’acquisition des compétences, qui s’effectue principalement en groupe. Cette période vise à installer le contrôle des comportements, notamment ceux qui peuvent être dangereux pour le patient (addiction par exemple).
  • une phase de consolidation lors du suivi individuel. Dans cette phase, on explore les sentiments et les émotions. Le but est de parvenir à identifier, ressentir et exprimer ses émotions en pleine conscience. Cette phase se double d’un travail sur les problèmes et difficultés du quotidien. Le patient est responsabilisé par rapport à ses comportements, il retrouve des clés pour penser et agir en fonction de ses besoins, et non par peur ou mauvaise habitude. On augmente ainsi la confiance en soi et le sentiment de sa propre valeur.
  • une phase de généralisation, en individuel, pour renforcer les acquis. Cette phase fait le lien entre toutes les étapes précédentes. La synthèse de la thérapie donne l’occasion à la personne traitée d’accéder enfin à sa pleine autonomie. Elle peut alors se connecter au monde extérieur avec joie et ressentir le plaisir de vivre sa vie, de façon plus équilibrée et épanouie.

Indications thérapeutiques

Comme nous l’avons vu, la thérapie comportementale dialectique a été créée au départ pour aider les personnes souffrant du trouble de personnalité limite. Ses bienfaits ont été depuis constatés pour de nombreuses autres situations souffrantes. Aujourd’hui, elle se révèle particulièrement efficace pour traiter l’addiction à l’alcool et aux drogues, l’anxiété, les troubles du comportement alimentaire (TCA) ainsi que les troubles du stress post traumatique (TSPT).

Thérapie comportementale dialectique : exemples d’exercices thérapeutiques pratiques

Elle combine des exercices de pleine conscience et des stratégies d’acceptation de la situation. Le thérapeute met au point un plan de soins personnalisés pour chaque personne, avec des exercices à effectuer chez soi au quotidien. Voici quelques exemples concrets d’ « astuces thérapeutiques » qui peuvent être proposées. Chaque acronyme utilisé correspond à une suite de comportements à adopter pour s’apaiser ou pour faire avancer une situation.

  • Le STOP pour augmenter sa tolérance dans les situations de détresse. Il s’agit d’appliquer les réflexes suivants lorsqu’on souffre intensément en réaction à un événement :
    • Statue (on s’immobilise).
    • Temps de recul (on prend une pause en se concentrant sur la respiration).
    • Observez (on prend le temps d’observer ce qui se passe en soi, ce qu’on ressent et pense, et ce qui se passe autour de soi, chez les autres).

Poursuivre en pleine conscience (Qu’est-ce que je veux vraiment, que dit le sage en moi ? Quelles sont les émotions, pensées, actions que je peux mettre en œuvre pour cela, pour aller vers mon but ?)

  • Le DEAR MAN pour obtenir ce que l’on veut en situation de demande :
    • Décrire la situation de façon objective (juste avec les faits).
    • Exprimer clairement nos sentiments par rapport à la situation.
    • Affirmer notre souhait clairement.
    • Renforcer l’autre personne dans l’idée qu’elle tirerait elle aussi parti de la situation en acceptant notre demande.
    • Mindful c’est-à-dire rester concentré sur notre demande. Avoir l’air confiant dans notre posture et notre voix.
    • Négocier donc faire des compromis.
  • IMPROVE pour calmer une situation émotionnelle douloureuse.
    • I comme Imagerie mentale : imaginer des scènes relaxantes, et imaginer que les émotions quittent le corps…
    • M pour Maintien du sens : il s’agit de trouver un élément positif à la situation.
    • P comme Prière, pour s’en remettre à plus grand que soi, par exemple demander à un être cher décédé de nous donner de la force, de nous guider.
    • R pour Relaxation donc faire quelque chose qui nous détend.
    • C comme Concentration pour ralentir l’esprit et faire une chose à la fois.
    • V comme Vacances : prendre un moment pour une pause, arrêter de vouloir tout gérer.
    • E pour Encouragement, on se répète mentalement des phrases positives comme « je peux y arriver », « cela va passer », « je suis capable », etc.

En se concentrant sur notre façon de penser et donc de ressentir et d’agir, tout en envisageant les situations avec nuances, la thérapie comportementale dialectique aide les personnes figées, dans des attitudes extrêmes, à retrouver de la souplesse mentale.

Avec une plus grande ouverture d’esprit, il redevient alors possible d’agir plus librement en accord avec ses propres valeurs. Une des grandes particularités de cette technique : le patient doit se prendre en charge. Le lien patient-thérapeute est donc une véritable alliance, sans assistance ni dépendance.

Elle est efficace à moyen terme, comme toute thérapie comportementale et cognitive. Elle nous engage dans une transformation douce et durable de tous les aspects de notre vie, professionnels, personnels, en particulier grâce à l’apport bénéfique de la pleine conscience.

Questions fréquentes

Qu'est-ce que la thérapie comportementale dialectique ?

Il s'agit d'une approche thérapeutique qui a pour objectif de développer les compétences personnelles et interpersonnelles des patients.

Quelles sont ses objectifs ?

- Meilleure régulation des émotions et pensées positives
- Amélioration de certains comportements
- Pratique de la pleine conscience

A qui s'adresse-t-elle ?

Aux personnes présentant :
- des addictions ;
- de l'anxiété ;
- des troubles du comportement alimentaire ;
- des troubles du stress post-traumatique.


  • 1La thérapie comportementale dialectique un mini-guide de pratique, Magalie Lussier-Valade et Julie JomphecÉditeur: Thanh-Lan Ngô – psychopap Montréal, 3e trimestre 2019.
Marion Dorval
Marion Dorval, Auteur

Accompagnatrice en expression vocale créatrice. Spécialisée auprès des personnes hypersensibles. Ex enseignante pendant 10 ans.