Historique du mouvement
Célestin Freinet, formé à l’Ecole Normale, s’intéresse dès le début de sa carrière aux pédagogies en vogue à l’étranger. Il s’informe notamment sur le courant appelé Education nouvelle, qui s’oppose aux méthodes traditionnelles d’enseignement. Il promeut l’apprentissage par voie naturelle1, dans le respect des intérêts personnels et des goûts de l’enfant.
Dans cette mouvance, il instaure alors dans sa propre classe deux éléments qui deviendront emblématiques de sa pédagogie : la correspondance scolaire et l’imprimerie. En 1936, il fonde sa propre école sur les principes pédagogiques qu’il a lui-même conçus, à partir de ses observations et de sa pratique professionnelle.
Les principes
Quelle est la méthode de la pédagogie Freinet?
L’élève vu comme enfant avant tout
Freinet remet l’enfant au centre des apprentissages. Il sort du système de pédagogie traditionnelle, qui considère que l’enseignant est le seul détenteur des savoirs. L’élève est dans ce cas le receveur passif de ce que l’enseignant peut lui transmettre, au moment où ce dernier le décide.
Pour Freinet, il s’agit de considérer l’élève avant tout comme un enfant, et de lui redonner des clés pour qu’il construise à partir de lui-même, ses propres savoirs, dans le respect de son individualité. L’enseignant est là pour étayer, guider. Il apporte à l’élève ce qui lui manque pour compléter les notions qu’il a découvertes par lui-même. Il respecte les intérêts naturels de l’enfant envers les savoirs qu’il doit mettre en œuvre dans sa vie quotidienne.
Des savoirs porteurs de sens
Contrairement au courant d’enseignement traditionnel, le mouvement Freinet veut amener l’élève vers un véritable savoir-vivre. Les notions abordées doivent prendre sens concrètement dans la vie quotidienne de l’enfant. C’est en agissant, en observant le monde à partir de son quotidien, que l’enfant est alors invité par l’enseignant à approfondir ses perceptions premières pour les transformer en connaissances.
Supports éducatifs et pratiques
L’imprimerie
Freinet développe la pratique de l’imprimerie, dans le but de garder une trace des travaux des élèves. Il considère qu’imprimer un texte d’enfant permet de donner à celui-ci la même valeur que ce qui est produit par les adultes. Se confronter à l’impression engage l’élève à se soucier de la qualité du texte produit (respect des règles orthographiques et syntaxiques). Il peut alors, de lui-même, chercher à apprendre ce dont il a besoin pour finaliser sa production, avec l’aide de l’enseignant ou de ses pairs.
L’expérimentation
Une grande place est ainsi laissée à l’expérimentation2, ainsi qu’à la prise d’initiatives et à l’expression personnelle. L’élève a ainsi accès plus «naturellement» aux savoirs, puisqu’il agit en fonction de son propre rythme mais aussi au contact du groupe émulateur.
Chacun au sein de la classe peut proposer des projets, en fonction de ses propres centres d’intérêt. Le besoin de savoir s’appuie donc sur le respect de la personnalité des élèves. Le savoir se construit par l’expérience : on apprend et on retient mieux ce que l’on vit.
L’expression personnelle et collective
Le journal de classe et la correspondance scolaire
Chaque sujet ou thème abordé par les élèves, via les recherches et l’expérimentation, donne lieu à une trace via les présentations orales et débats. Ces moments sont propices au développement de la pensée critique et des savoir-faire relationnels de l’enfant. Le fruit de ces recherches est relaté dans le journal de classe. La correspondance scolaire permet également cette diffusion des savoirs acquis en classe, et la découverte d’autres milieux par l’échange écrit.
Les dessins libres et textes libres
L’enfant écrit avant tout pour lui. Les dessins et textes libres sont l’occasion de mettre en application les règles d’écriture en cours d’acquisition. Cela permet également d’en apprendre de nouvelles, par nécessité d’un texte compréhensible et lisible. L’enfant peut alors solliciter l’enseignant et/ou faire appel aux ressources disponibles dans classe.
Les plans de travail
Chaque élève s’engage dans un travail de recherche et production, qui est planifié dans un plan de travail hebdomadaire. L’enseignant élabore celui-ci pour donner une trame de travail à l’enfant, et lui permettre de visualiser le déroulement de ses recherches et apprentissages. Le plan est toujours conçu en fonction de l’intérêt de l’enfant. Les plans de travail annuels permettent quant à eux de baliser l’année avec les grands projets de classe.
La bibliothèque de travail
Elle comporte l’ensemble des fiches de travail autocorrectif et des fiches-guides. Les fiches de travail autocorrectif existent dans différentes matières : français, calcul. Elles servent d’aide, pour encourager les élèves à devenir autonomes dans la construction de leurs savoirs.
Les fiches-guides3 peuvent être rédigées à partir d’un projet de recherche collectif ou individuel : un enfant ayant travaillé sur la rédaction d’un résumé pourra ainsi être amené à créer une fiche-guide pour ce type d’écrit, qui servira ultérieurement à d’autres élèves. Elles peuvent aussi porter sur des thèmes historiques ou scientifiques, constituant alors un recueil de connaissances utiles et accessibles à tout élève travaillant sur le sujet correspondant.
Le rôle de l’enseignant
L’enseignant crée les conditions nécessaires pour que les élèves puissent expérimenter. Il les encourage à se poser des questions, les amène à observer, analyser, émettre des hypothèses, envisager des liens entre les notions abordées. Il organise l’espace de la classe selon les projets et recherches en cours : chaque coin est dédié au thème traité par l’élève ou le groupe d’élèves concernés.
L’enseignant veille à enrichir la classe des ressources et supports permettant aux élèves une plus grande autonomie dans leurs activités. Ainsi, on peut retrouver des fiches-guides sur différents thèmes (rédaction d’un résumé, éléments clés d’une période historique…) et des livres adaptés pour les recherches en cours. Il n’y a pas d’évaluation comme dans la pratique plus traditionnelle.
Les 30 invariants pédagogiques
Cette pédagogie comporte un ensemble de 30 invariants ou principes de base, que l’on retrouve aujourd’hui pour tout ou partie dans de nombreuses pratiques de classe, labellisées Freinet ou non.
Ces principes mettent en exergue la volonté en pédagogie Freinet de véhiculer des valeurs de démocratie, d’apprentissage par l’expérience, de respect du tâtonnement et de l’erreur. Ils insistent sur l’effet délétère de l’évaluation et sur l’autorité de l’enseignant comme supériorité sur l’enfant. Ces invariants reflètent la conviction qu’avait Freinet qu’apprendre pouvait se faire entre pairs, avec le soutien de l’enseignant, et dans le partage des savoirs.
Diffusion de la méthode Freinet
Freinet lui-même avait créé la Coopérative d’Enseignement Laïque pour diffuser ses outils pratiques via cette publication. Puis, après avoir créé sa propre école, il met en place l’Institut Coopératif de l’Ecole Moderne. Ces deux voies de communication ont servi et servent encore à créer des supports pédagogiques destinés aux enseignants et aux élèves, directement inspirés du mouvement Freinet.
Les valeurs et pratiques véhiculées par la pédagogie Freinet ont notamment influencé l’enseignement spécialisé en France. Elles comportaient déjà à l’époque les savoir-faire actuellement transmis via l’éducation à la citoyenneté dans toutes les écoles.
Questions fréquentes
Qu'est-ce que la pédagogie Freinet?
La pédagogie Freinet, élaborée par Célestin Freinet, prône l'apprentissage par voie naturelle, en respectant les intérêts personnels de l'enfant.
Quels sont les grands principes?
- L'enfant est au centre des apprentissages
- Expérimentation et prise d'initiative personnelle
- L'enseignant étaye les apprentissages et guide l'enfant
Quels sont les fondements de cette méthode?
- Diffusion de valeurs démocratiques
- Respect du tâtonnement et de l'erreur
- L'enseignant n'est pas le seul détenteur du savoir
- 1: La notion d’expérience dans la pédagogie Freinet, Alain Vergnioux, Presses Universitaires de Caen, 2017
- 2: La méthode naturelle, Elise Freinet, ICEM Freinet, 1968.
- 3: D. Lahanier-Reuter, Enseignement et apprentissages mathématiques dans une école Freinet - Revue française de pédagogie, 2005 - JSTOR