Une approche récente d’origine américaine
La musicothérapie est un courant né aux Etats-Unis dans les années 50. Elle n’est apparue en France qu’à la fin des années soixante. En 1972, la première association voit le jour en France. Depuis, cette discipline s’est enrichie et structurée. Ses bases théoriques sont influencées par des courants de psychothérapie variés. Selon les pays où elle est pratiquée, on retrouvera donc différentes orientations en fonction des modèles thérapeutiques en vogue.
L’influence du son sur le développement humain
Dès les premiers mois de grossesse, l’embryon développe une sensibilité aux sons qui l’entourent, entre la 24ème et la 26ème semaine de grossesse. La construction de l’appareil sonore lui permet de capter les vibrations du liquide amniotique, qui filtre lui-même les sons venus de l’extérieur. L’audition est le sens du bébé le plus sollicité durant la grossesse. On sait que la voix de la mère joue un rôle considérable dans le bien-être in utero.
Le bébé construit un répertoire sonore en mémorisant par exemple la voix de ses parents. Cette familiarisation prépare aussi le bébé à une naissance dans les meilleures conditions émotionnelles. Ainsi une fois sorti du ventre de sa mère, il pourra retrouver les voix qu’il avait déjà entendues. Cela le sécurise considérablement.
C’est pourquoi la musicothérapie s’appuie sur ces premières étapes du développement humain, pour recréer un cocon dans lequel le corps et le mental retrouvent de la sérénité et de la confiance. En utilisant tout un panel d’instruments et d’activités autour du rythme et de la mélodie, on redonne à chacun les moyens de se réapproprier son rapport au corps, de retrouver la joie de créer, de se sentir bien en soi et de faciliter le lien avec les autres.
Des champs d’intervention variés
Les pratiques de musicothérapie présentent différents bienfaits et s’insèrent dans différents champs. Certains thérapeutes interviennent dans le secteur public dédié aux soins : hôpitaux, maternité, maisons de retraite, instituts médicalisés, cliniques spécialisées… Dans ce cas, l’objectif est avant tout d’apporter du bien-être aux patients. Le travail se fait en concertation avec les équipes soignantes. Les interventions ont lieu en petit groupe comme dans les maisons de retraites ou les instituts médicaux, ou bien en individuel comme à l’hôpital.
Le musicothérapeute aide les personnes à reprendre possession de leur corps, à le réapprivoiser du mieux possible. Il permet aussi de mieux vivre les périodes d’hospitalisation et les soins médicaux. La dimension « plaisir » ainsi que la créativité sont des ingrédients précieux pour aider les personnes à préserver leur santé sur tous les plans. Dans le domaine des soins psychiques, la musicothérapie apaise et aide à créer du lien entre les patients et l’entourage proche, soignants comme famille.
Les musicothérapeutes peuvent aussi travailler dans les établissements dédiés à la petite enfance comme les crèches. Leur intervention participe alors à l’éducation musicale des tout-petits mais aussi à favoriser un bon développement psychomoteur et émotionnel.
Enfin, il est possible d’exercer en cabinet libéral. Le musicothérapeute reçoit alors en individuel des clients aux profils variés, le plus souvent en recherche d’une pratique de bien-être douce et personnalisée, comme alternative aux thérapies axées sur le verbal.
Dans tous les cas, la musicothérapie apporte en plus une ouverture culturelle sur le monde. Après les séances, les pratiquants ont souvent envie de continuer à jouer ou chanter une fois chez eux. Ils peuvent également réécouter les compositeurs et œuvres découverts pendant les séances. Cette dimension est propre à la musique et n’existe pas forcément dans les autres disciplines transmises via l’art thérapie.
Des approches musicales diversifiées
La musicothérapie s’est énormément enrichie depuis sa création, grâce aux apports des recherches sur l’influence du son sur le cerveau et grâce aux travaux menés en psychologie du développement humain. Il existe de nombreuses formes de pratiques selon la formation du musicothérapeute, le lieu d’intervention, le public visé.
On peut cependant distinguer 3 grands axes généraux, qui décrivent les rôles respectifs du thérapeute et du patient :
- l'approche réceptive. La personne écoute des musiques préparées par le thérapeute en fonction de ce qu’il a perçu des besoins de celle-ci, soit pour l’énergiser soit pour l’apaiser. Le travail s’apparente donc à de la relaxation personnalisée.
- l'approche active. La personne utilise sa voix, ou de petits instruments, en alternance avec le thérapeute ou en même temps. En groupe, cette pratique aide à renforcer les liens sociaux et le partage.
- la combinaison des approches réceptives et actives.
La musicothérapie peut aussi s’insérer dans une psychothérapie. Il existe des thérapeutes alliant par exemple l’approche psychanalytique et musicothérapeutique, ou bien les thérapies cognitives ou systémiques. Ces thérapies verbales sont complémentaires au travail essentiellement non verbal proposé en musique.
Les orientations sont donc multiples et non exhaustives. Chaque thérapeute selon sa formation et sa propre pratique musicale pourra donner une couleur différente à son intervention. Certains privilégient les instruments et le rythme, d’autres la voix en combinant différentes approches.
En particulier, on peut citer les pratiques comme le yoga du son, le kototama (pratique japonaise axée sur les bienfaits des sons voyelles), la thérapie vocale, l’approche du son inspiré de la médecine chinoise (avec une correspondance entre les sons et les organes). Ici, la musique peut être soit utilisée comme dans l'approche réceptive, soit créée par la personne comme dans l'approche active.
Chez les bébés et les tout-petits
Les bébés sont extrêmement réceptifs à la voix de leur mère depuis leur vie in utero. La musicothérapie présente de nombreux bienfaits pour les enfants prématurés. Elle est largement utilisée en périnatalité, en particulier auprès des nourrissons prématurés. Ceux-ci peuvent connaître des détresses émotionnelles variées du fait de leur fragilité physique à la naissance. Ils subissent des prises en charge médicales parfois complexes.
Dans ce contexte, le fait d’allier la voix de la mère à la pratique musicale amplifie les bienfaits que peut ressentir le bébé. Il restaure la sécurité intérieure et nourrit le lien d’attachement indispensable au bon développement neurocognitif et émotionnel de l’enfant. Le chant transmis de la mère à l’enfant rétablit une bulle rassurante pour le tout-petit. Il favorise son développement langagier et lui fait prendre conscience du monde qui l’entoure.
Les bébés prématurés ne disposent que de peu de moyens pour se faire comprendre mais les séances de musicothérapie participent à l’émergence de leur psyché et donc à la mise en place progressive des échanges verbaux entre mère et enfant.
Cet effet est renforcé par le fait que ce travail est mené en équipe autour de l’enfant : soignants, intervenants musiciens et parents s’accordent sur les soins à prodiguer en musique au bébé. Ce dernier ressent alors également l’harmonie entre les adultes qui l’entourent. Sur le plan physiologique, les séances permettent de diminuer le stress du bébé face aux gestes médicaux, de favoriser la prise de poids, de diminuer l’apparition de bradycardies et d’apnées, de réduire le temps d’hospitalisation.
Plusieurs modalités de séances1 sont possibles avec les bébés :
- des écoutes de pistes audio préparées à l’avance. On diffuse dans la couveuse des CD contenant des voix chantées et/ou parlées préenregistrées, par exemple celle de la mère et et du père. Il peut aussi s’agir de musiques écoutées par les parents durant la grossesse.
- des écoutes en présence des parents et du musicothérapeute. Par exemple, on peut passer au bébé un CD de chants choisi par la mère. Le thérapeute aide celle-ci à repérer chez le bébé les signes d’écoute et de plaisir. Les parents peuvent ainsi mieux connaître et comprendre les réactions de leur bébé grâce à ce lien intime créé par la musique. Durant l’écoute, on propose parfois aux parents de stimuler par de doux massages et gestes le bébé, afin d’accompagner ses ressentis et ancrer le sentiment de sécurité affective.
- des séances de chant maternel en peau à peau. On utilise des berceuses, des comptines permettant de répéter les motifs rythmiques et mélodiques. Cela rassure l’enfant et établit un lien intergénérationnel. En effet, les berceuses sont souvent transmises de parents à enfants puis aux petits-enfants à leur tour.
- des séances de chant improvisé avec la mère et le musicothérapeute. Selon l’état comportemental du bébé, la mère et le thérapeute chantent spontanément en s’adaptant à ses réactions. Cette pratique aide l’enfant à se sentir au centre de l’attention, soutenu et reconnu dans l’expression libre de ses ressentis.
Chez les enfants
La musique est un élément faisant partie intégrante de la vie des enfants : ils sont habitués à chantonner, se saisir des objets du quotidien pour en tirer des sons en frappant, frottant etc. Les séances de musicothérapie apportent de nombreux bienfaits : elles renforcent notamment leur développement psychomoteur.
Elle les aide sur ce plan par le contrôle des mouvements sur les instruments à manipuler. Elle leur permet aussi de gagner en coordination des cinq sens. Quand les enfants jouent d’un instrument, ils sont en effet amenés à faire travailler à la fois l’ouïe, la vue et le toucher.
Cette activité constitue un apprentissage complet pour le corps et le mental. En groupe, chacun doit prendre sa place en restant à l’écoute des autres et du musicothérapeute. Le medium musical sert alors de liant tout autant que de limite pour préserver la sphère intime des autres. Les enfants peuvent s’exprimer dans un espace sécure et apprennent le respect grâce aux consignes d’écoute et de jeu.
Les séances s’articulent toujours autour des besoins et réactions des enfants2. Le thérapeute met à disposition des instruments et observe les initiatives des enfants. Il rebondit sur leurs propositions en créant par exemple avec eux des petites comptines ou des mélodies improvisées. Les séances peuvent suivre une trame structurée, en commençant par un chant d’introduction et finir par un rituel d’écoute instrumentale. Chaque musicien organise relativement librement le contenu, mais à chaque fois il place l’enfant au centre. Celui-ci doit rester acteur et libre de tester, jouer, proposer grâce au matériel présent.
Le musicothérapeute enrichit la pratique en transmettant des chants, par exemple des comptines ou berceuses, adaptés à la situation et aux ressentis de l’enfant selon l’évolution des séances. Comme on le voit, la pratique se fait donc beaucoup grâce à la qualité de la relation entre le musicien et les enfants présents. Il se doit d’être lui-même très réceptif pour faire les propositions les plus adaptées et amener les enfants à déployer facilement leur expression personnelle et leur créativité.
Les bienfaits de la musicothérapie sont reconnus, dans la prise en charge des troubles d’apprentissage. Elle améliore la concentration et la confiance en soi. Elle bénéficie aussi aux enfants ayant des troubles du comportement, en les aidant à réguler en douceur leurs émotions grâce à la médiation musicale. Elle aide au renforcement de la socialisation, à l’acceptation des règles et aux interactions apaisées entre pairs.
Enfin, pour les enfants pris en charge médicalement, elle constitue une bulle de ressourcement qui leur donne une autre image d’eux-mêmes et de leur corps, hors du champ des soins.
Chez les adultes
La musicothérapie est une alternative idéale quand la verbalisation en thérapie classique s’avère difficile. Certaines personnes sont mal à l’aise en face d’un psychothérapeute ou bien ont du mal à se livrer par les mots. Les émotions sont d’ailleurs parfois impossibles à décrire par le langage verbal. Nous sommes limités par les mots.
C’est là qu'elle peut aider à exprimer et canaliser ses émotions, sans les retenir, sans crainte du regard d’autrui. Elle aide à transférer le vécu via la voix ou la pratique instrumentale. Quand il s’agit d’écoutes musicales, les vibrations sonores déclenchent par résonance des ressentis. Cette expérience vient à la fois faire écho à ce qui est vécu par la personne, et stimuler ce qu’elle aimerait ressentir et donc créer dans sa vie. Elle facilite par extension la communication avec le thérapeute et restaure le lien de confiance indispensable pour faire avancer la thérapie.
En remettant du sens sur le vécu personnel grâce à la mise en mouvement, à la mise en voix et à la pratique instrumentale, les séances aident à prendre de la distance et à structurer le mental. Le but n’est jamais de produire un résultat esthétique ou d’atteindre un niveau musical. Ce qui fonde la démarche est le processus créatif en soi. L’approche se veut avant tout synonyme de plaisir pour aider les personnes à oser créer à partir d’elles-mêmes, reprendre possession de leur potentiel, restaurer l’estime de soi.
Les séances s’adressent à un public large. Elles sont particulièrement indiquées en cas d’anxiété, insomnies, dépression, spasmophilie. En association avec un suivi médical, elles aident à soulager les troubles psychotiques, les troubles neurologiques comme la maladie d’Alzheimer, les difficultés sociales ou sensorielles. La pratique peut se faire en individuel ou bien en collectif.
Déroulement des séances individuelles
Pour les consultations adultes3, la thérapie est initiée par un entretien au cours duquel le patient raconte son histoire musicale et sonore. Il s’agit de savoir quel lien il a eu avec la musique durant son enfance, s’il écoutait de la musique dans le cadre familial ou a eu une pratique musicale. Egalement, le patient est amené à parler de ses goûts musicaux, par exemple dire s’il préfère les chansons ou la musique classique, ce qu’il a l’habitude d’écouter et ce qu’il n’aime pas du tout musicalement parlant.
Cette première approche permet au thérapeute de cerner les affinités musicales de la personne et sa façon de percevoir la musique. Par exemple, certaines personnes sont plus sensibles aux sons aigus que graves, d’autres préfèrent les sonorités percussives, d’autres encore utilisent la musique pour se concentrer ou bien pour chanter.
Chacun a son approche et c’est cette histoire personnelle qui va orienter les premières séances avec le thérapeute. Le thérapeute fait aussi passer un test réceptif, qui consiste à faire écouter au patient un ensemble d’extraits musicaux variés. Après chaque écoute, le patient évoque ce qu’il a ressenti, soit verbalement soit par un autre moyen d’expression (la danse, les gestes, un dessin, un chant).
Par la suite, les séances peuvent alterner écoute et production musicale avec des instruments faciles à utiliser même pour les non-musiciens (flûtes, petites percussions par exemple). Le thérapeute amène le patient à affiner ses ressentis et les exprimer de façon libre. Le cheminement se fait entre réception des écoutes et initiatives du patient pour créer à son tour les sons qui lui procurent les ressentis dont il a besoin.
Devenir musicothérapeute : formation
Elle n’est pas encore reconnue en France au même titre que les autres formes de thérapie. Il n’existe donc pas de diplôme en tant que tel à ce jour et seules les formations acceptées par la fédération de musicothérapie sont valables.
Les candidats doivent obtenir une licence ou un certificatdélivré actuellement par quelques universités et centres spécialisés (Universités de Montpellier, Paris-Descartes, Nantes, ateliers de musicothérapie de Bourgogne et de Bordeaux). Ils peuvent ensuite exercer en libéral ou au sein de structures et collectivités publiques ou privées.
Pour réussir dans ce métier, il faut bien sûr avoir soi-même une pratique musicale solide, à la fois instrumentale et vocale. La connaissance du patrimoine musical est indispensable pour transmettre les chants, comptines et berceuses et aussi pour disposer d’un large choix d’écoute d’œuvres. Il lui faut un bon sens pédagogique et un bagage étayé en psychologie de l’enfant et de l’adulte.
Humainement, cette profession exige beaucoup d’empathie, un sens aigu de l’observation et de la communication. Le musicothérapeute est souvent amené à travailler en équipe, aussi il faut savoir concilier sa vision avec celle des professionnels accompagnant les patients ou les groupes.
Questions fréquentes
Qu'est-ce que la musicothérapie ?
La musicothérapie est une thérapie, qui vise le bien-être global de l'individu. La musique est employée comme moyen thérapeutique.
Quelles sont les différentes méthodes ?
- Approche active : le patient utilise sa voix ou des instruments
- Approche réceptive : écoute de sons. Relaxation personnalisée.
- Une combinaison de ces approches
Quels bienfaits ?
- Traitement de l'anxiété, de l'insomnie, de la dépression et de la spasmophilie
- Soulagement des troubles psychotiques ou neurologiques
- Amélioration des troubles des apprentissages
- Participe au bon développement neurocognitif et émotionnel du nourrisson
- 1: Dominique Sandre, Musicothérapie : un soin « accordé » aux bébés hospitalisés en réanimation et médecine néonatale au chu de Dijon, in Spirale 2018/1 (N°85).
- 2: Hélène Century, La musicothérapie, in Le coq-héron, 2010/3 (n°202).
- 3: Edith Lecourt, La musicothérapie : une synthèse d’introduction et de référence pour découvrir les vertus thérapeutiques de la musique, Eyrolles, 2019.