Présentation du concept
La notion des "5 blessures de l’âme" est présente chez plusieurs thérapeutes et auteurs. Aujourd’hui, elle est particulièrement popularisée par les livres de Lise Bourbeau1, auteure et conférencière québécoise. Cette auteure s’est elle-même appuyée sur les travaux de Wilhem Reich et de deux de ses élèves, John C. Pierrakos et Alexander Lowen.
Reich était un psychiatre et psychanalyste américain élève de Freud. Il a basé l’essentiel de sa recherche autour du lien entre énergie, corps, esprit. Il a émis l’idée qu’un conflit non résolu durant l’enfance pouvait engendrer des tensions musculaires chroniques qui au final, affaiblissent la vie émotionnelle et sexuelle. Cette baisse d’élan vital empêche le plein épanouissement de l’individu.
A la suite de Reich, Lowen a étendu l’idée d’une somatisation des conflits ou souffrances morales précoces. Ce lien entre émotions, pensées et sensations est le pilier de la bioénergétique. Il établit une connexion entre le physiologique au psychologique : chacune de nos douleurs morales affecterait également notre corps physique.
C’est ainsi que le passé émotionnel peut se lire dans le corps, par la posture, les mouvements, et les sensations perçues. Les blessures de l’enfance, émotionnelles, s’inscrivent en nous et induisent des adaptations à différents niveaux. Le corps sous l’influence de ce souvenir émotionnel douloureux façonne une cuirasse pour éviter sa résurgence : tensions musculaires et douleurs chroniques.
De la même façon, le psychisme construit un ensemble de motifs (patterns) de réactions et d’actions afin de ne pas revivre la souffrance originelle. Lowen propose de travailler sur les nœuds et tensions musculaires, ancrés depuis longtemps, pour libérer dans le corps ces mémoires émotionnelles. En se reconnectant à la liberté de mouvement et d’action, avec moins d’efforts, nous pouvons alors retrouver plus de liberté et nous dégager des névroses psychiques induites par ces souvenirs émotionnels douloureux.
Le concept des 5 blessures de l'âme2 sous-entend que chacun de nous aurait une ou plusieurs douleurs émotionnelles primordiales. Elles prennent naissance dans la prime enfance au cours d’événements familiaux traumatiques ou parfois plus anodins. Elles peuvent aussi s’inscrire dans une histoire transgénérationnelle, qui véhiculera ce souvenir émotionnel jusque dans le corps du bébé à naître. Celui-ci sera alors porteur du souvenir d’un de ses aïeux.
Il en existe 5 selon la plupart des auteurs : le rejet, l’abandon, la trahison, l’injustice, l’humiliation. Certains auteurs ajoutent l’insécurité et l’impuissance.
Les identifier en nous est un moyen de parvenir à nous libérer du poids du passé et à nous ouvrir à une vie plus en accord avec nous-mêmes.
Les masques
Chaque souffrance émotionnelle nous fait porter un masque pour éviter qu’on se retrouve à nu, émotionnellement parlant. Ce masque se traduit par un ensemble de comportements qui deviennent stéréotypés. Ils sont donc caractéristiques de la douleur émotionnelle qui les a générés.
Les masques sont également visibles dans l’apparence physique. Lise Bourbeau, dans le concept des 5 blessures de l'âme, a établi une typologie morphologique : selon qu’on est concerné par la trahison ou le rejet, le haut de notre corps sera plus ou moins large, notre regard sera plus ou moins vif, notre démarchera sera plus ou moins dynamique…
Qu’on adhère ou non à cette description, nous ne pouvons que remarquer que notre posture influence notre ressenti interne : se tenir droit ou avachi induit l’état d’esprit qui va avec, tonique ou affaibli. A long terme, si une émotion profondément enracinée en nous nous donne envie de nous replier, ou de serrer les dents, ou de nous effacer, notre corps finira par se couler dans le moule que nous lui donnons pour se déployer.
Il en va de même pour nos attitudes et réactions : nous nous protégeons en prenant une attitude de fuite ou d’opposition dans des situations ponctuelles qui nous sont inconfortables, mais si cette réponse est systématique à cause d’un trauma ancien, alors nous avons par la suite bien du mal à envisager d’agir librement et avec des émotions apaisées…
Voyons maintenant comment elles se manifestent, via ces masques, dans notre vie d’adulte, et dans quelles situations elles se sont créées.
5 blessures de l'âme : caractéristiques
Le rejet
Fabien se sent facilement rejeté par les autres. Mis à l’écart d’une décision, non tenu au courant d’un projet, il pense systématiquement qu’on ne veut pas de lui. Quelqu’un qui ne répond pas assez rapidement à ses appels ou messages et il imagine que l’autre lui en veut, va le licencier, le laisser tomber. Toute situation de potentielle intégration est vécue comme risquée. Fabien recherche l’assentiment des autres et des preuves qu’il est aimé et accepté tel qu’il est. Il ne peut se donner à lui-même suffisamment d’amour propre pour se passer de celui des autres. Un rien suffit donc à lui faire croire qu’il est exclu.
Il va mettre en place un masque de fuyant. Typiquement, cela signifie qu’il aura tendance à éviter de rentrer en relation durable avec les autres, à s’insérer dans un groupe. Il est absent et donne aux autres l’impression qu’il ne veut finalement pas s’engager, que ce soit au niveau professionnel dans des projets ou personnel dans des relations intimes. Il est porté par la croyance qu’il ne vaut rien, qu’il est nul, qu’il ne compte pas. A son comportement de fuite relationnelle peut s’ajouter une fuite dans des addictions (alcool, jeu, nourriture, sexe…). Il s’échappe dans l’imaginaire. Il se fuit et donc se rejette lui-même, mais parfois il peut lui arriver aussi de rejeter les autres pour moins souffrir.
Parmi les 5 blessures de l'âme, Fabien porte en lui celle du rejet. Sa problématique du rejet rejoint la question de trouver sa place. Peut-être que ses parents ne voulaient pas d’enfant, ou souhaitaient une fille à la place d’un garçon. Peut-être aussi qu’il est né après une précédente grossesse avortée. Peut-être qu’un des membres de sa famille, parents ou aïeux, a été victime de stigmatisation et d’exclusion.
Que Fabien soit au courant de tout cela ou non, son corps et son psychisme ont enregistré l’idée qu’il n’est pas le bienvenu dans ce monde. Par conséquent, il cherchera inconsciemment des preuves de cette croyance qui voudrait que Fabien ne peut pas être lui-même, tel qu’il est, puisque cela provoque le rejet.
Il peut évoluer positivement en se demandant quelles sont les réelles intentions des autres : a-t-on vraiment voulu le rejeter dans telle ou telle situation ? Faire la part des choses et rester conscient de sa valeur quoi qu’il arrive, voilà qui peut aussi l’aider. Enfin, il doit tenter de ne plus fuir en pensant qu’il est le problème qui dérange, mais assumer d’être là et prendre sa place sans penser qu’il est nul ou incapable.
L'abandon
Sophie a envie de tout laisser tomber. De se laisser tomber elle-même. Tout çar parce que les autres ne semblent pas prêter attention à elle. Elle se confie à une amie et celle-ci ne semble pas faire grand cas de ses états d’âme. Elle demande de l’aide à un collègue mais il met des jours à daigner lui répondre. Elle a le sentiment de ne pas exister. Quand elle se lance dans un nouveau projet, elle se décourage vite si les résultats ne sont pas là ou que personne n’est là pour la féliciter de son initiative. Elle se sent victime et invisible à la fois et a tendance à tout dramatiser. Alors, elle endosse le masque du dépendant.
Sophie fait en sorte d’attirer l’attention sur elle pour enfin être remarquée, qu’on l’aide, qu’on l’aime, qu’on la reconnaisse à sa juste valeur. Elle pleure facilement. Elle demande de l’aide aux autres, non pas tant parce qu’elle en a besoin mais surtout pour qu’on la remarque enfin, qu’on soit là pour elle. Son besoin des autres est tel qu’elle déclenche des maladies ou malaises pour qu’on vienne enfin vers elle. Cette dépendance est un cercle vicieux, car Sophie vit toujours dans le manque : les signes de bienveillance ou de reconnaissance des autres ne suffisent jamais à combler le vide intérieur qu’elle ressent.
Quand elle était petite, elle a probablement vécu un chagrin d’enfant qui n’a pas été écouté, une fois, plusieurs fois, souvent… Ses émotions sont restées en elle, personne n’était là pour les accueillir : maman n’allait pas bien ou était indifférente, papa n’avait pas le temps ou était absent… Sophie s’est sentie abandonnée, livrée à elle-même avec cette montagne émotionnelle dont elle ne savait que faire. Ses besoins émotionnels n’ont pas été pris en compte : être écoutée, rassurée, comprise, soutenue… Ou bien des besoins de base comme la sécurité matérielle, le soin de sa personne, ont été négligés.
L’abandon peut se vivre sur ces différents plans à la fois. A chaque fois l’enfant se retrouve seul à devoir prendre en charge une situation trop lourde pour lui, dans laquelle il aurait eu besoin de l’adulte pour faire à sa place, ce qui relève de la responsabilité d’un parent et/ou apprendre à l’enfant comment « gérer » ses émotions, simplement en étant présent pour le petit.
La Sophie adulte qui porte cette souffrance de l’abandon peut faire ce travail pour elle-même. Pour cicatriser l'une de ces 5 blessures de l'âme, elle peut apprendre à se porter de l’attention, à s’aimer davantage. Elle a besoin de sentir qu’elle peut compter sur elle-même et se sentir valable sans l’approbation des autres.
Pour cela, elle a intérêt à vérifier si comme elle le suppose, les autres ont vraiment l’intention de la laisser tomber. Elle devrait aussi s’accrocher à ses projets entamés pour se satisfaire elle-même avant tout. Au lieu d’attendre de l’extérieur ce dont elle croit manquer, elle peut renverser ses croyances et découvrir qu’elle a suffisamment de ressources pour se donner l’amour et l’attention qui lui ont manqué enfant. Retrouver cette sécurité intérieure est la première étape pour en sortir.
La trahison
La trahison est une des 5 blessures de l'âme.
Aziz fait tout pour ne laisser personne décider à sa place. Il veut garder le contrôle sur sa vie, car les autres pourraient bien lui jouer des tours s’il leur donnait trop de confiance. Accorder sa confiance à autrui, voilà bien la chose la plus compliquée pour lui. Un collègue qui s’empare de son projet sans scrupule, une petite amie qui le trompe, un voisin trop aimable qui veut forcément empiéter sur ses droits… le monde pourrait profiter de sa faiblesse s’il baissait la garde.
Alors il endosse le masque du contrôlant. Ce personnage qu’il joue sans répit lui permet d’éviter la trahison. Ainsi, en gardant la main sur tous les aspects de sa vie – et parfois même celle des autres - et en maîtrisant son apparence et son expression, il pense se préserver. Les autres perçoivent au mieux une personne qui possède un bon self control, très responsable et autonome, au pire un control freak, manipulateur et froid.
Tenir les autres à distance pour se protéger est épuisant à long terme. Aziz ressent beaucoup d’anxiété, son perfectionnisme le rend nerveux et il lui arrive de devenir agressif quand toutes ses peurs sont trop fortes pour être exprimées. Il redoute plus que tout la séparation et les surprises. Il suit son chemin et gare à qui voudrait lui imposer une autre façon de faire.
Les personnes portant cette douleur ont vécu un épisode ponctuel ou chronique de maltraitance ou de trahison de la part des parents. Aziz a espéré si fort que son père ou sa mère vienne le voir disputer ce match. Mais le parent a fait faux bond alors qu’il avait promis. Il avait fait un beau dessin pour sa mère, mais son père s’en est emparé pour se moquer de lui.
Comment faire confiance à nouveau quand on s’est senti trahi au plus profond de soi ? Les paroles, gestes ou attitudes qui brisent la confiance d’un enfant creusent le lit de la blessure de trahison. Plus jamais Aziz ne voudra compter sur quelqu’un d’autre que lui. Il se suffit à lui-même, il est fiable et cela lui suffit.
S’ouvrir à nouveau aux autres s’apprend. En acceptant de déléguer un peu les tâches au travail, en acceptant par exemple de livrer ses ressentis à un thérapeute, petit à petit la personne contrôlante peut retrouver de la souplesse mentale et la confiance en autrui. Elle ne cherchera plus à avoir le dernier mot en permanence et pourra garder son autonomie et son leadership sans tomber dans les excès.
L'injustice
Parmi les 5 blessures de l'âme, nous allons voir celle de l'injustice.
Oda se sent souvent révoltée par des situations banales où pour elle, « c’est injuste ». Elle est très sensible et ne supporte pas l’idée d’être lésée ou que les autres le soient. Perfectionniste, elle contrôle tout pour que chaque détail de ce qu’elle fait ou dit soit juste. C’est une reine de l’organisation qui a vraiment le souci de la clarté et de la pédagogie.
Mais Oda en veut facilement aux autres quand ils ne tiennent pas compte de tout ce qu’elle investit dans son travail ou ses relations. Elle estime qu’elle mérite plus que ce qu’elle reçoit comme marques de reconnaissance ou d’affection. Parfois elle se brouille avec son entourage, parce qu’elle a réagi vivement et a blessé l’autre sans le vouloir.
Elle s’en rend compte toujours après coup car elle détecte bien le ressenti d’autrui, mais c’est plus fort qu’elle : à force de vouloir que tout soit parfait, elle manque de chaleur humaine alors que c’est ce dont elle a le plus besoin. Son masque de rigidité, endossé à cause de sa blessure d’injustice, la rend impitoyable avec elle-même. Elle ne s’accorde pas le droit d’être vulnérable, d’exprimer ses ressentis, de faire moins bien que parfait. Elle a bien du mal à respecter ses limites du fait de ses exigences si élevées.
Oda porte ce sentiment d’injustice depuis toute petite. Comme elle, les personnes vivant cela ont probablement eu des parents froids, sévères, à tout le moins exigeants. Paraître parfait en toutes circonstances était préférable à exprimer son ressenti librement. Etre performant, combler les attentes parentales : voilà ce que ces enfants ont pu se donner comme mission, face à des parents peu affectueux, ou en tout cas pas assez pour combler leur besoin d’amour. En grandissant ainsi, il devient difficile d’accéder à son individualité : l’enfant fait tout pour plaire et complaire au modèle parental, sans s’accorder le droit d’être simplement lui-même.
Le masque de rigidité peut s’assouplir quand la personne qui le porte demande aux autres ce qu’ils ressentent vraiment. En se laissant toucher par la vulnérabilité d’autrui, elle peut s’autoriser à son tour à se livrer davantage. C’est comme cela que cette émotion s’apaise : en constatant qu’être imparfait n’empêche pas d’être aimé, en laissant les colères s’exprimer, en se laissant pleurer devant les autres… Le corps peut alors se détendre et la rigidité mentale, comme corporelle, fait place à plus de liberté intérieure.
L'humiliation
L'humiliation fait partie des 5 blessures de l'âme.
Avoir honte est la plus grande peur de Soan. Il fait tout ce qu’il peut pour rendre service aux autres, être bien vu. Il en fait d’ailleurs trop, tout le temps, à propos de tout. Il fait pour les autres bien plus que pour lui-même. S’il s’habille de cette façon ce matin, c’est pour correspondre aux attentes de son entourage. S’il se lève plus tôt demain, c’est pour aller à l’autre bout du département rendre service à une connaissance qui, il faut bien le dire, profite un peu de sa gentillesse.
Comme il a toujours peur de déranger, il se fait tout petit. Personne ne le remarque et pourtant, il est toujours là pour tout le monde. Il se sent facilement humilié par la moindre remarque. Manque de chance, il semble attirer les personnes qui le mettent justement en position d’infériorité et ravivent cette blessure. Son masque de masochiste le conforte dans l’idée qu’il est source de honte pour ceux qui l’entourent. Inconsciemment, il se punit tout le temps en s’autosabotant, en se limitant. Il s’empêche d’être libre et prend tout sur ses épaules.
Le masque de masochiste s’est mis en place face à un parent qui a peut-être dit un jour à Soan « Tu me fais honte », « regarde comme tu t’es sali », etc. Une parole qui l’a traumatisé, portée par un parent qui ne savait lui-même probablement pas prendre en charge ses besoins émotionnels. Depuis, l’enfant blessé par l’humiliation vécue n’a eu de cesse de se réprimer pour éviter d’être à nouveau dans des situations où il ferait honte à ses proches. Quitter le masque du masochiste est possible à condition de faire passer ses besoins avant ceux des autres. Au lieu de s’inquiéter de déranger autrui, la personne pourra alors dépasser ses limites et s’engager dans sa vie sans craindre le regard porté sur elle.
En nous penchant sur nos croyances, nos schémas de fonctionnement limitants, nous pouvons mettre au jour nos souffrances profondes. Elles trouvent leur origine dans la petite enfance.
La démarche pour les alléger consiste à les reconnaître, mais sans accuser les parents, plutôt en leur pardonnant et en reprenant notre responsabilité d’adulte vis-à-vis de nos choix de vie dans le présent. Reconnaître que nos réactions envers autrui sont bien souvent la traduction de nos propres manques et souffrances, c’est un premier pas pour se détacher de son passé émotionnel.
Travailler sur ces émotions douloureuses pour en comprendre l’origine et la manifestation dans nos actions et réactions, c’est se donner les moyens de se libérer de perceptions anciennes sur nous-mêmes et le monde qui nous entoure. C’est retrouver une vision de soi-même et des autres, de ses capacités et des opportunités, bien plus large et riche de promesses pour se réaliser enfin librement.
Questions fréquentes
Quelle est cette notion ?
Cette notion induit que chaque personne présenterait une ou plusieurs blessures primordiales, liées à son enfance.
Quelles sont les 5 blessures de l'âme ?
- Rejet
- Abandon
- Trahison
- Injustice
- Humiliation
Comment les guérir ?
- Rejet : vérifier le bien-fondé de ses croyances
- Abandon : s'aimer davantage
- Trahison : s'ouvrir à nouveau aux autres
- Injustice : accepter d'être imparfait
- Humiliation : ne plus craindre le regard porté sur soi
- 1: Les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même, Lise Bourbeau.
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