Développement et bien-être de l’enfant : la notion d’attachement

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Dans l’étude du développement de l’enfant, l’attachement est un concept clé. Il nous aide à comprendre comment le bébé entre en relation avec le monde. La façon dont cela se déroule a une influence considérable sur le type de liens que l’enfant construira plus tard. Chaque type développé induit un comportement social et émotionnel distinct. On retrouve cette notion également chez l’adulte, puisqu'il joue un grand rôle dans nos schémas relationnels adultes. Voyons ensemble ce qu’est l’attachement et les différents aspects qu’il peut prendre.  

La notion d'attachement

Mère avec son enfant : notion d'attachement.

C'est un concept élaboré en 1958 par John Bowlby, un psychiatre et psychanalyste anglais s’inspirant des travaux de Donald Winnicott.
Cette idée a d’abord émergé autour de l’observation du développement de l’enfant. Bowlby s’est intéressé au comportement des enfants lors des situations de séparation avec leurs parents.

L’attachement désigne le besoin vital de lien entre le bébé, ou l'enfant, et un adulte qui va lui servir de repère sécurisant. Il se traduit par un ensemble de comportements qu'il adopte envers les adultes de son entourage pour obtenir d’eux la satisfaction de ses besoins primaires.

Le nourrisson dépend en effet des adultes qui l’entourent pour combler tous ses besoins vitaux, que ce soit pour la nourriture ou l’affection et la protection. Il ne peut les prendre en charge seul et va donc construire un lien particulièrement fort avec la ou les personnes qui veillent à assurer son bien-être sur tous les plans.

Chaque fois que le bébé se sent en détresse émotionnelle, ou en situation de danger, de faim, de soif, il va solliciter l’adulte pour qu’il lui vienne en aide. Le fait qu'il soit présent pour lui à chaque fois va permettre de construire chez lui un sentiment de sécurité intérieure. Lorsqu'il pleure, il sait qu'il peut compter sur cette personne en tout temps, quoi qu’il arrive. Il a compris que cet adulte lui procurerait de façon continue et cohérente les soins et l’affection dont il a besoin. Ce sentiment constitutif du lien d’attachement est ce qui permet au cerveau du tout-petit de maturer émotionnellement.

L’attachement n’est donc pas seulement un phénomène qui aide à la survie physique du bébé ou de l'enfant, il lui permet aussi d’assurer son développement neurocognitif et donc émotionnel. Ainsi, l’adulte de référence devient pour lui un modèle qui l’aide à avancer, oser prendre des initiatives, s’exprimer, se sentir en sécurité même s’il est seul. Il a construit en lui la certitude qu’en cas de danger ou de détresse émotionnelle, il pourra se retourner vers l'adulte de référence.

Le lien d’attachement est comme une promesse inscrite à l’intérieur du bébé qui lui dit que quoi qu’il arrive, il sera accueilli, écouté, aimé, respecté de manière inconditionnelle. C’est ce qui se passe dans le scénario idéal mais ce n’est pas toujours le cas. C’est pourquoi la qualité du lien va influencer considérablement la façon dont l’enfant puis plus tard l’adulte entrera en relation avec les autres et vivra ses expériences relationnelles1.

Les différents types

La théorie de l’attachement va être explorée davantage par Mary Ainsworth dans les années 60 et 70. Elle va mettre en place une série d’expérimentations nommées « la situation étrange » avec des enfants de moins d’un an.

Dans ces expériences, on demande à des parents de laisser leur bébé seul dans une pièce inconnue, puis de revenir au bout de quelques minutes. Les réactions des tout-petits sont très variées au départ et au retour des parents. Elles démontrent selon Ainsworth la nature de l’attachement qu’ils ont construit avec leurs parents. Certains pleurent sans pouvoir s’arrêter et se calment instantanément dès que les parents reviennent, d’autres ne réagissent pas tandis que d’autres encore ignorent leurs parents à leur retour.

Il existe donc des bébés qui se sentent sécures malgré la séparation, d’autres au contraire sont insécures dans cette situation. Le caractère sécure ou insécure constitue une première distinction.

Ainsworth établit alors une classification qui précise le comportement de l’enfant et des figures d’attachement :

  • "Type Sécure". Dans ce cas, le lien est sécurisant pour l’enfant car l’adulte réagit de manière rapide et adaptée aux demandes du petit (prendre dans les bras pour consoler, donner à manger…). L’enfant se sent protégé, en sécurité, satisfait physiquement et émotionnellement. Le bébé fait confiance à l’adulte, il accepte de se faire réconforter par lui. Il devient son repère pour explorer son environnement en toute sécurité.

Dans la majorité des cas (66% d’après une étude de 20052), c’est cette situation qui se présente dans les familles. Les échanges sont régulés de façon harmonieuse entre adulte et enfant grâce à une bonne synchronie relationnelle : chacun réagit de manière appropriée et mesurée aux réactions de l’autre, sans crainte.

  • "Type anxieux-évitant (insécure)". La figure d’attachement ne répond pas ou peu aux besoins de l’enfant ou du bébé, elle cherche avant tout à le rendre indépendant (par exemple, l’adulte qui le laisse seul avec un jouet sans initier le jeu et sans entrer en relation). C’est une relation où l’adulte semble indifférent à l’enfant, il n’y a pas d’échange affectif entre eux. Le parent peut être tantôt contrôlant, tantôt dans une stimulation excessive de l’enfant. Il décide des interactions avec le bébé en fonction de ses propres besoins et non de ceux que l’enfant exprime.

Par exemple, le parent pourrait préférer terminer une tâche ménagère plutôt que s’occuper du bébé qui pleure. En conséquence, il va intérioriser ses émotions et se sentir insécure, car il comprend qu’il ne peut pas compter sur cet adulte lorsqu’il en a besoin. Il ne manifeste rien vis-à-vis de son parent, ni avant ni après le départ de celui-ci. Ce cas représenterait ce que vivent 21% des enfants.

  • "Type ambivalent-résistant (insécure)". L’adulte répond de manière instable ou inadaptée aux demandes du bébé. Celui-ci ne sait donc pas à quoi se fier. Il n’a pas de repère pour prédire son comportement. Parfois celui-ci est présent de la bonne façon, parfois il l’ignore ou ne lui donne pas ce qu’il voudrait (par exemple quand l’adulte donne le biberon pour calmer les pleurs alors qu'il n’a clairement pas faim et voudrait un câlin).

L’adulte ne sait pas toujours discerner clairement ce que veut le bébé. L’enfant vit chaque séparation comme un grand stress. Il est très attaché à l’adulte et vit dans la peur permanente de perdre son amour. Il ne veut pas s’éloigner de son parent, réagit fortement lors des séparations. Il est très difficile à réconforter au retour de l’adulte. Environ 12% des enfants seraient concernés par ce type d’attachement.

  • "Type désorganisé (insécure)".Cette catégorie a été rajoutée par Main et Weston (1982).Elle est peu fréquente. L'enfant concerné présente différents types d’attachement selon les moments. Par exemple, un petit pourra rechercher le contact avec son parent en allant vers lui (type "sécure") mais évitera le contact visuel (type "évitant anxieux").

L’adulte se montre distant, négatif, voire même violent dans ses réactions envers l’enfant. L’enfant va le craindre et va parfois même adopter une attitude violente afin de se protéger des comportements de celui-ci. Il peut avoir des réactions contradictoires comme le réclamer et le rejeter quelques instants plus tard. C’est ce type d’attachement qui apparaît dans les situations de maltraitance ou d’abus.

Les variations du lien

Pour manifester son lien d’attachement, l’enfant va disposer de toute une palette de comportements correspondant à son développement neuro-cognitif.

Chez le bébé, lors de la séparation on assistera à des pleurs, à l’inverse au retour des adultes de référence le tout-petit offrira des sourires, des rires.

Au fur et à mesure que son langage se développe, l’enfant enrichit les manifestations du lien. Il sait mieux exprimer ce dont il a besoin par des mots, par des mimiques. Il peut aussi exprimer sa gratitude envers l’adulte par des attentions affectueuses, des gestes tendres.

Nous savons que le développement de l’enfant est fait à la fois d’une part d’inné et d’acquis. Il est certes marqué par la qualité du lien entre l’adulte de référence et l’enfant mais ce n’est pas le seul facteur en jeu. Le tempérament de l’enfant joue également un rôle dans la nature du lien et des comportements qu’il va nouer avec son entourage.

Ainsi, quand le bébé ou l'enfant a un comportement difficile, il sera moins évident de construire avec lui un attachement sécurisant. En tant que parents, nous ne pouvons évidemment pas être toujours dans une réponse parfaite à ses demandes. Face à un bébé qui pleure énormément, nous pouvons parfois perdre patience, avoir envie de l’ignorer. La nature de l’attachement ne dépend donc pas que de l’implication des parents… ceci peut déculpabiliser ceux d’entre nous qui pensent devoir être parfaits en toutes circonstances avec leur enfant pour qu’il soit toujours sécure.

Enfin, le contexte familial en lui-même peut le moduler. Par exemple, un milieu socialement défavorisé, ou un foyer source de conflits, peut déclencher un attachement insécurisant pour l’enfant. Cela n’est pas irréversible et n’est pas condamnable. Les aléas de la vie rendent les parents parfois impuissants même quand ils voudraient bien faire. Nous ne pouvons pas toujours être disponibles à 100% pour répondre aux besoins des tout-petits, malgré nos bonnes intentions.

Quand l’enfant grandit, le lien sécure construit auparavant l’aide à se projeter dans des relations avec ses pairs. Il osera explorer le monde qui l’entoure, aller vers les autres, prendre des risques. Il maîtrise la colère et la crainte : il reconnaît l’expression de ces émotions chez autrui et il sait se contrôler quand il les ressent. C’est ce qui lui permet de réguler ses interactions de manière harmonieuse : il ressent de l’empathie et adopte la bonne distance pour rester en lien sans se sentir en danger.

A l’inverse, un enfant éprouvant un attachement ambivalent aura tendance à rester en retrait. Il aura un comportement plus passif et aura peur de la nouveauté.

Un lien insécurisant aura un impact différent sur l'enfant. Il pourra être plus agressif et craintif, redoutant le rejet qu’il a peut-être déjà connu. On le voit, il appréhende ses relations avec les autres en fonction de celle qu’il a eue avec sa figure d’attachement.

Un enfant sécure s’attend naturellement à ce que les autres personnes soient bienveillantes à son égard et puissent lui venir en aide le cas échéant. Il se fait aussi confiance pour s’éloigner des personnes qui ne respecteraient pas ses besoins. Il sait gérer ses ressentis et communiquer autour de ceux-ci.

Au fur et à mesure des rencontres, la représentation du fonctionnement des relations peut varier. C’est cela qui permet aussi à des enfants ayant connu un attachement insécure de pouvoir entrer en résilience et construire des expériences relationnelles plus épanouissantes.

Les figures d’attachement au long de la vie

Ce lien se construit durant la première année. Au cours des 7 premiers mois, on constate que le bébé peut s’attacher à tout adulte de son entourage sans distinction. Puis jusqu’à l’âge d’un an, il va fixer son attention sur le ou les adultes qui lui prodiguent soins et attention. C’est là que la relation d’attachement est la plus forte et dirigée de façon sélective.

En règle générale, ce sont les parents qui remplissent ce rôle. A l’époque des travaux de Bowlby, la mère était bien entendu vue comme la principale voire l’unique figure d’attachement, car la charge des soins et de l’éducation revenait en priorité aux femmes. Les travaux ultérieurs ont bien confirmé, avec l’évolution historique des structures familiales, que tout adulte s’occupant correctement de l’enfant peut devenir l’objet d’attachement. Il est aussi possible qu’il existe plusieurs adultes de référence : par exemple le ou les parents tout aussi bien qu’un membre de la famille proche, des éducateurs.ices à la crèche…

Il va s’attacher progressivement à différentes personnes au fur et à mesure qu’il construit des liens en dehors de la famille :

  • les enseignants et éducateurs à l’école ou dans les activités extra-scolaires ;
  • les pairs, donc les autres enfants avec qui il peut se lier d’amitié et consolider ses capacités relationnelles ;
  • plus tard à l’adolescence, les amoureux.ses.

Un enfant en bonne santé est un enfant dont les besoins sont assouvis et qui a une bonne estime de lui. L’attachement créé durant les premiers mois avec les adultes l’entourant est déterminant pour la qualité des relations de sa vie future. Néanmoins, le contexte familial, le tempérament de l’enfant et les rencontres qu’il fera plus tard, peuvent faire évoluer sa représentation des relations. Tout ne se joue donc pas définitivement durant la petite enfance, même si la qualité de soins fournis à ce moment est capitale.

Questions fréquentes

Qu'est-ce que la notion d'attachement ?

Il désigne le lien entre le bébé et un adulte, qui va lui servir de repère sécurisant.

Quels sont les différents types ?

- Attachement sécure
- Anxieux
- Ambivalent
- Désorganisé

Quel impact dans la vie adulte ?

Le lien créé durant les premiers mois, avec les adultes l’entourant, est déterminant pour la qualité des relations de sa vie future.


  • 1Yvane Wiart, L’attachement un instinct oublié, Albin Michel, 2011.
  • 2Caroline Bouchard, Le développement global de l’enfant de 0 à 5 ans en contextes éducatifs, Presses de l’Université du Québec, 2008.
Marion Dorval
Marion Dorval, Auteur

Accompagnatrice en expression vocale créatrice. Spécialisée auprès des personnes hypersensibles. Ex enseignante pendant 10 ans.