Comment traiter la boulimie par l’hypnose?

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La boulimie est un trouble du comportement alimentaire très difficile à vivre. Ses conséquences sur la santé à long terme peuvent être dangereuses. En plus d'un suivi médical adapté, l'hypnose pour traiter la boulimie apparaît comme une option thérapeutique de choix.

Définition et symptômes de la boulimie

Homme en train de manger : la boulimie peut être traitée par l'hypnose.

Comme l’anorexie, la boulimie est un trouble du comportement alimentaire (TCA). Ce trouble se manifeste par l’ingestion compulsive de grandes quantités de nourriture lors de crises. Après les crises, la personne compense généralement les quantités ingérées par des vomissements provoqués.

C’est un trouble difficile à vivre, qui peut avoir un retentissement fort sur la qualité de vie et la santé des personnes touchées. Les adolescents, et particulièrement les filles, sont la population la plus à risque : la prévalence de la boulimie est de 1 à 3% chez les femmes contre 0,1 à 0,5% chez les hommes1.

Contrairement aux anorexiques, les boulimiques ont le plus souvent un IMC normal, en raison des pratiques compensatoires qu'ils mettent en place. C’est pourquoi la boulimie peut être difficile à déceler. Son diagnostic s’effectue par des questionnaires, sur la base des critères suivants :

  • Au moins deux crises de boulimie par semaine depuis au moins six mois
  • Les crises s’accompagnent de comportements de compensation (vomissements, prise de purgatifs ou de laxatifs, sport en excès, jeûne...)
  • Obsession pour l’apparence physique et le poids

Causes

La boulimie est une affection complexe, dont les causes sont multiples. Les facteurs favorisants sont généralement de plusieurs types :

  • Sociaux et culturels : les troubles du comportement alimentaire se développent plus volontiers dans des milieux aisés, où la minceur est érigée en idéal de beauté
  • Familiaux : le cadre familial des personnes boulimiques est généralement peu sécurisant (névroses, conflits) ou au contraire étouffant
  • Psychiatriques : dans la plupart des cas, l’attention que les individus portent à leur corps relève d’une obsession pathologique. En outre, la boulimie peut s'accompagner de comportements autodestructeurs (automutilation, tentatives de suicide) qui témoignent d’une aliénation de la réalité.

L’apparition du trouble fait généralement suite à un événement déclenchant traumatique. Par exemple, une séparation, ou une remarque déplaisante sur l’apparence physique de la personne.

Complications

Les complications de la boulimie sont nombreuses. Elles altèrent aussi bien la santé physique que l’équilibre psychologique des personnes concernées. Parmi les plus fréquentes : 

  • Baisse de la tension artérielle et du rythme cardiaque
  • Carences en vitamines et minéraux, pouvant notamment causer une baisse de la densité osseuse
  • Troubles gastro-intestinaux
  • Oesophagite et érosion de l’émail des dents (conséquences des vomissements répétés)
  • Perturbations du cycle menstruel
  • Troubles du sommeil, de l’humeur et de la concentration
  • Dépression et risque suicidaire

Prise en charge et traitements

Comme pour les autres TCA, le traitement de la boulimie requiert une équipe thérapeutique pluridisciplinaire.

Accompagnement psychologique

La prise en charge psychologique est au fondement du traitement. Son objectif est double :

  • comprendre et surmonter l’origine du trouble, qu’elle soit sociale, familiale ou traumatique
  • corriger les schémas compulsifs qui provoquent les crises de boulimie et les purges

Plusieurs thérapies sont possibles, notamment :

  • La thérapie cognitivo-comportementale, qui intervient sur les schémas mentaux problématiques, et les comportements qui en découlent
  • La thérapie familiale, qui permet au malade de se sentir soutenu par son entourage, et de travailler sur la composante relationnelle du trouble alimentaire
  • L’hypnothérapie, qui intervient sur les mécanismes inconscients qui provoquent et entretiennent la boulimie. Travailler sur l’inconscient est très pertinent pour corriger les comportements compulsifs, qui échappent au contrôle conscient de la personne.

La thérapie de groupe et les groupes de parole, la psychanalyse, ou encore la thérapie interpersonnelle, sont d’autres approches envisageables pour soigner la boulimie.

Rééquilibrage alimentaire et accompagnement somatique

En parallèle du suivi psychologique, sortir de la boulimie nécessite un rééquilibrage de l'alimentation. Cela se fait en consultation chez un diététicien ou un nutritionniste. Aussi, en raison des nombreuses complications de la boulimie, il est recommandé d’être suivi par un médecin généraliste. Celui-ci prescrira notamment un bilan sanguin.

Dans certains cas, le médecin peut prescrire des antidépresseurs. Il a notamment été montré que la fluoxétine, qui est un inhibiteur de la recapture de la sérotonine, permet de réduire les symptômes de la boulimie2.

Efficacité de l’hypnose

Hypnotisabilité des personnes boulimiques

Les premières études sur l’intérêt de l’hypnose pour le traitement des troubles du comportement alimentaire, et notamment la boulimie, remontent aux années 19803 4. L’une d’elles s’est notamment intéressée à l’hypnotisabilité de 86 patientes anorexiques et boulimiques. Elle montre que les boulimiques sont plus réceptives à l’hypnose que les autres participantes (4). 

Une autre étude, datée de 1989, renforce ces conclusions. On y apprend notamment que la réceptivité à  l’hypnose des personnes boulimiques s’explique par leur tendance à la dissociation5. La dissociation est une posture psychologique de prise de distance par rapport à sa pensée consciente ; en mode dissocié, vous êtes “spectateur” de votre vie. Or l’hypnose a volontiers recours à des techniques de dissociation, pour soigner les addictions et autres troubles du comportement. L'hypnose est donc une option thérapeutique de choix pour le traitement de la boulimie.

Les recherches sur l’hypnotisabilité des patientes boulimiques sont nombreuses, et leurs conclusions toujours prometteuses6. C’est d’ailleurs ce constat qui, dès les années 1990, a poussé les médecins à envisager l’hypnose comme traitement psychologique de la boulimie, seule ou en complément d’autres approches.

Réduction de la fréquence des crises

Assez rapidement, plusieurs recherches ont donc testé le potentiel de l’hypnose pour aider les personnes souffrant de TCA à reprendre le contrôle sur leur comportement alimentaire. Dans le cas de la boulimie, cela signifie réduire voire arrêter les crises.

Un article publié en 1990 montre notamment que, sur trois patientes âgées de 19 à 22 ans, les séances d’hypnose ont été suivies d’un arrêt des crises chez deux d’entre elles. Un suivi à 12 mois a permis de vérifier que les crises n’étaient pas revenues7.

La même année, une étude a montré qu’incorporer des séances d’hypnose à d’autres approches (thérapies cognitivo-comportementale et interactionnelle) rendait le travail thérapeutique plus facile, à la fois pour le patient et pour son thérapeute. L’hypnose a aussi permis d’améliorer l’efficacité de ces interventions8.

Une recherche australienne, dont les résultats ont été publiés en 1995, s’est intéressée aux effets à long terme d’un traitement par l’hypnose d’une durée de huit semaines. Deux ans après la fin du traitement, les 14 participants ont maintenu une réduction notable de la fréquence de leurs crises et vomissements9.

En somme, l’hypnose apparaît comme une intervention efficace pour la gestion des comportements compulsifs. En effet, ils ont tendance à s’installer dans le temps, le maintien à long terme des effets de l’hypnothérapie est donc un atout non négligeable.

Correction de l’image du corps

Pour traiter la boulimie, et empêcher une récidive des comportements compulsifs à moyen-long terme, un axe de travail important en thérapie est la correction de l’image corporelle

En effet, la dysmorphophobie (perception erronée de son propre corps) est un trait caractéristique des personnes souffrant de TCA. Les patientes ont l’impression très ancrée que leur corps est trop gros ou difforme, malgré un IMC normal ou inférieur à la moyenne.

Or l’hypnothérapie est un moyen très efficace de corriger les perceptions à un niveau inconscient. Une recherche montre par exemple comment l’hypnose a permis à des patientes anorexiques de retrouver une image réaliste de leur corps. Cela a été rendu possible grâce un travail au moyen de dessins et photos10.

Une étude parue en 2008, qui porte spécifiquement sur les modifications de l’image du corps par l’hypnose, vient renforcer ces conclusions11.

Méthodes thérapeutiques

Le travail en hypnose pour traiter la boulimie est prioritairement axé sur la gestion des compulsions (crises). L’analyse et la compréhension des origines du trouble est possible, grâce à des techniques comme la régression. Cependant, l’intérêt d’une thérapie brève comme l’hypnose est d’intervenir rapidement sur le symptôme, en corrigeant efficacement les schémas de pensée et de comportement.

Pour venir à bout des crises et des comportements compensatoires associés, plusieurs techniques d’hypnose sont possibles.

Déconditionnement

Les crises de boulimie sont une habitude inconsciente, par laquelle la personne s’est conditionnée. Elle associe à un stimulus (la survenue d’émotions désagréables), une réponse comportementale inadaptée (l’ingestion compulsive de nourriture), qui repose sur un certain nombre de croyances erronées.

Or le conditionnement, et son pendant le déconditionnement, sont des techniques bien connues en hypnose. Elles interviennent à deux niveaux : celui des croyances, et celui des comportements.

Les croyances des personnes atteintes de TCA portent surtout sur la nourriture et leur propre corps. Elles ont généralement une image très négative de leur corps, qu’elles trouvent laid ou gros. Quant à la nourriture, elle est coupée de sa fonction première (satisfaire un besoin vital) pour être associée à des notions de plaisir et de réconfort, voire d’analgésie.

Ces croyances sont le plus souvent inconscientes : l’hypnose permet dans un premier temps de les conscientiser, puis dans un second temps, de les corriger.

L’autre partie du travail de déconditionnement porte sur les comportements. Pendant les séances, vous apprenez à identifier les schémas négatifs, mais aussi et surtout à remplacer les réponses inadaptées (crises et compensation), par d’autres stratégies.

Sensations corporelles

Un autre axe de travail en hypnose consiste à réconcilier la personne souffrant de boulimie avec ses sensations corporelles, notamment la faim et la satiété. En effet, après des années de déséquilibre alimentaire, il est fréquent de ne plus distinguer la faim réelle de la faim émotionnelle.

En mettant le mental en veille, l’état d’hypnose permet d’être plus à l’écoute de son corps. Il apprend à distinguer les signaux corporels, des signaux mentaux et émotionnels. Progressivement, la personne ne se nourrit plus que lorsqu’elle a réellement faim, et mange à hauteur de ses besoins physiques.

Anxiété et confiance en soi

Enfin, la boulimie et les autres TCA sont souvent l’expression de troubles plus profonds. Ils apparaissent notamment en réponse à une anxiété non traitée. En effet, la nourriture ingérée pendant les crises, souvent grasse et sucrée, provoque un sentiment temporaire d’euphorie et de bien-être.

Il est certes essentiel de travailler sur le comportement pour lui trouver une alternative plus saine. Mais seul un travail de fond sur l’anxiété latente peut faire disparaître durablement le trouble. Cela permet aussi d'éviter sa substitution par un autre comportement addictif ou compulsif. Ce travail peut se faire en psychothérapie. Il peut aussi se faire en hypnose grâce à des régressions, métaphores et autres protocoles adaptés au traitement de l’anxiété.

La confiance en soi est un autre pilier du traitement de la boulimie. En effet, par un mécanisme de cercle vicieux, la boulimie prend racine dans un manque d’estime de soi qu’elle contribue à renforcer. Là encore, améliorer la confiance en soi par l’hypnose demande un travail spécifique. Une prise en charge souvent longue, qui dépasse les seules problématiques liées à l'alimentation.

Durée de la thérapie

L’hypnose pour traiter la boulimie est très efficace. Dès les deux ou trois premières séances, vous pouvez sentir des résultats. En revanche, la boulimie est un trouble complexe, souvent installé depuis longtemps. Il faut donc généralement compter plusieurs mois de thérapie pour en venir à bout.

Précautions et contre-indications

L’hypnose corrige efficacement les comportements de la boulimie, mais ne soigne pas les complications de santé associées. Or celles-ci peuvent être dangereuses (troubles digestifs et cardiaques, carences, dépression…). C’est pourquoi il est recommandé, en parallèle de l’hypnose, d’être suivi au minimum par un médecin généraliste ou un spécialiste des TCA.

Les séances d'hypnose, pour traiter la boulimie, sont contre-indiquées aux personnes souffrant de troubles mentaux dissociatifs, comme la schizophrénie, la paranoïa, ou encore le trouble bipolaire. En effet, la transe peut provoquer une décompensation.

Questions fréquentes

L'hypnose peut-elle soigner la boulimie ?

L’hypnose est une option thérapeutique de choix pour le traitement de la boulimie. Il a été prouvé que les patients y sont très réceptifs. Aussi, quelques séances suffisent pour réduire considérablement la fréquence des crises de boulimie.

Quelles sont les méthodes employées ?

Le traitement de la boulimie en hypnose se fait généralement selon trois grands axes:
- Le déconditionnement
- La réappropriation des sensations de faim et de satiété
- Un travail de fond sur l’anxiété et la confiance en soi

Quelles en sont les limites ?

La boulimie nécessite un rééquilibrage alimentaire, et peut avoir des conséquences graves sur la santé. C’est pourquoi il est recommandé, en plus des séances d’hypnose, d’être suivi par une équipe pluridisciplinaire (notamment par un médecin et un nutritionniste).


Bensoussan Alexandra

Rédactrice santé. Formation en hypnose et PNL.