La pleine conscience : une approche méditative moderne
Il existe toutes sortes de pratiques méditatives. Certaines se concentrent sur la respiration, d’autres sur l’évacuation totale des pensées, ou sur l’observation des pensées, d’autres encore sur la récitation d’un mantra ou la réflexion autour d’une parole de sagesse. La méditation pleine conscience pour les adultes, encore appelée MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction), inspirée des traditions bouddhiques, peut être pratiquée par les enfants. Elle a été conçue par John Kabat Zinn, qui a adapté les principes fondateurs de la pratique méditative à nos modes de vie occidentaux modernes.
Elle nous invite à habiter pleinement notre corps et à prendre note des émotions et pensées qui nous traversent sans nous y attacher. Elle ne vise pas un détachement total, mais plutôt une acceptation plus sereine de notre état mental, émotionnel et physique. Elle nous aide à ne plus être en lutte contre nos émotions et nos ressentis et nous propose pour cela de prendre un peu de recul. L'approche très concrète de cette médiation en fait un support idéal pour la détente et le bien-être.
Idées reçues
Elle a beau être largement médiatisée, il reste de nombreuses idées reçues à son sujet. Peut-être pensez-vous que cette technique n’est pas adaptée pour l’une ou l’autre des raisons suivantes.
Rester sans bouger
« Pour méditer, il faut rester assis sans bouger. Aucun enfant ne peut supporter cela». Méditer c’est avant tout ramener sa conscience dans son corps, être attentif à ses ressentis et noter ses émotions. Cela peut se faire de plein de façons conscientes. Reprendre contact avec le corps est une première étape. Pour cela, les exercices simples de respiration sont indiqués.
Lors de la méditation, on peut demander aux enfants de poser leur main sur leur ventre et d’observer toutes les sensations dans le corps à l’inspir et à l’expir. On inspire en gonflant légèrement le ventre et on expire en le rentrant légèrement. L’exercice peut au départ durer simplement 3 à 5 cycles respiratoires. Au fil du temps, ils seront capables de rester concentrés plus longtemps. Les mouvements sont donc autorisés !
La marche se prête également bien. Pendant quelques minutes, lors de la méditation, on peut demander aux enfants de prêter attention aux sensations de leurs pieds. On amène davantage de concentration sur le moment où on pose le pied au sol et où on le soulève. Naturellement, le souffle va se poser aussi pour aider à maintenir l’attention. On peut alors suggérer un rythme comme de faire 4 pas sur l’inspiration puis 4 pas sur l’expiration. La concentration augmente sensiblement, grâce à ce type d’exercice.
Ne plus penser ?
« La méditation consiste à effacer ses pensées. Un enfant n’est pas capable de faire cela. » C’est une idée reçue tenace, or la pratique méditative ne consiste pas à ne penser à rien. Il s’agit davantage de laisser passer ce qui vient à l’esprit : pensées, ruminations, projections sur le futur proche, distractions dues aux stimulations extérieures…
Pendant la méditation, les enfants sont très réceptifs à ce qui se passe en eux et autour d'eux. Ils vont naturellement capter tout cela. Une bonne façon de les aider à revenir au calme n’est pas de leur dire de contrôler leurs pensées. On peut plutôt les inciter à imaginer leurs pensées comme des nuages qui passent dans leur tête.
Et quand ils sont assis ou allongés pour ce temps de calme méditatif, s’ils entendent des bruits qui les divertissent, on peut leur proposer de se dire intérieurement : « je remarque ce bruit mais je sais qu’il n’est pas en moi, il va passer ».
Progressivement, elle les aide à mieux canaliser les stimulations sensorielles extérieures pour ne pas se laisser submerger. C’est une aide précieuse notamment en classe : ils peuvent ainsi rester davantage concentrés sans se préoccuper de ce qui se passe autour d'eux.
Enfin, la pratique de la méditation de pleine conscience, chez les enfants, peut se développer via l’expérience de tous les sens. On peut par exemple leur demander de se concentrer sur un seul sens à la fois, lors d’expériences sensorielles. On leur propose de regarder un tableau ou de fixer un paysage par la fenêtre. On les invite à laisser leur regard explorer tranquillement les détails du cadre défini et à laisser venir les ressentis émotionnels.
On peut aussi leur faire goûter différents aliments successivement, correspondant aux cinq saveurs principales. Ils auront alors à observer leurs sensations : plaisir, dégoût, neutralité, surprise… c’est une expérience qui aide à prendre conscience que nous pouvons éprouver une sensation mais le ressenti peut être modulé, voire atténué quand on y prête attention.
Séance longue pour qu'elle soit efficace ?
« Méditer doit durer longtemps pour que cela apporte un effet. » Les longues séances de méditation sont bien sûr proscrites pour les enfants. Ce qui compte est la régularité. L’effet d’habituation joue à plein au bout de quelques semaines, à raison de 5 minutes tout au plus par jour. On sait que le cerveau a besoin d’un minimum de 21 jours pour ancrer durablement une nouvelle habitude.
L’idéal est donc de pratiquer au jour le jour sur de très courtes durées. C’est possible de privilégier le moment du coucher. En présence d’un parent, on lui demande d’écouter sa respiration comme indiqué ci-dessus. On peut aussi proposer des exercices visant à gérer les émotions vécues dans la journée. L’idée est d’installer un rituel de pleine conscience, qui soit facile à mettre en place.
Uniquement pour les enfants calmes ?
« La méditation c’est comme de la relaxation, c’est fait pour les enfants calmes, pas pour les turbulents. » Au contraire ! Elle s’avère très efficace pour ceux qui présentent un tempérament très actif. Les comportements hyperactifs ou agressifs sont liés à des problèmes d’attention. Or l'approche méditative aide à revenir à soi et à retrouver le calme.
C’est un outil qui aide bien sûr à gagner en détente, mais surtout à être moins dans l’hyper réaction. La pleine conscience ramène à l’instant présent et évite donc de réagir à chaud par des paroles blessantes ou des actes violents. Et pour ceux qui bougent tout le temps, méditer devient un acte d’hygiène émotionnelle qui les apaise naturellement.
La méditation : des bienfaits démontrés pour les enfants
Plusieurs études ont été menées à ce sujet. Grégory Michel1, professeur de psychopathologie et psychologie clinique à l’Université de Bordeaux, a notamment effectué en 2019 une recherche menée à partir du livre « Calme et attentif comme une grenouille ».
Ce best-seller écrit par Eline Snel propose un protocole de méditation pleine conscience adapté aux jeunes enfants pour gagner en sérénité, en concentration et pour développer la conscience de soi et des autres. Celui-ci a donc été testé dans plusieurs écoles en France et en Belgique avec le concours des parents et des enseignants.
Ceux de la moyenne section au CM2 qui ont pratiqué la pleine conscience avec des instructeurs qualifiés ont eux-mêmes ressenti de nombreux bienfaits. Après 8 semaines d’entraînement régulier, des effets positifs ont été constatés comme la réduction notable du stress et de l’anxiété, ainsi que des émotions dites négatives. Les observations portaient sur leur comportement, leurs interactions en classe comme à la maison, ainsi que sur leurs capacités d’attention et d’apprentissage.
Les changements positifs ont été signalés par les parents et les enseignants mais également par les élèves suffisamment âgés pour donner leurs impressions. Ces derniers ont évoqué un mieux-être physique et psychologique ressenti aussi bien à l’école qu’à la maison. Il semblerait que les résultats aient été plus efficaces sur la tranche des 6-8 ans. Ces bénéfices hissent la méditation de pleine conscience au rang d’outil de santé publique pour les jeunes enfants.
Une aide précieuse pour les enfants à besoins particuliers
La méditation de pleine conscience est un outil particulièrement aidant pour les enfants à besoins particuliers. Tous ceux rencontrant des problèmes de concentration, d’apprentissage, ou des problèmes relationnels, bénéficient pleinement de l’apport de cette pratique.
Parce qu’elle aide à devenir observateur de ce qui se passe dans son corps et dans son mental, elle leur redonne une conscience d’eux-mêmes apaisée. Ils apprennent à se relier au corps pour mieux maîtriser leurs gestes et gagner en tranquillité. Ils découvrent que les émotions peuvent être apprivoisées et cela les aide à se sentir moins envahis par leurs ressentis.
Pour les adultes, ses bienfaits sur les capacités d’attention ont déjà été prouvés2. Elle agit sur le cortex préfrontal en l’épaississant, améliorant ainsi la mémoire de travail, le langage, le traitement des conflits. Pour les enfants souffrant d’un trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), c’est donc une piste à privilégier pour les aider au quotidien.
Pour les enfants au tempérament anxieux, la méditation apporte également des bienfaits notoires. Elle aide à reprendre le contrôle de la respiration, ce qui apaise naturellement le cerveau limbique ou reptilien, siège des émotions. Elle fournit un repère rassurant, en tant que pratique facile à mettre en place discrètement.
S'il se sent insécurisé à l’école ou à l’extérieur, il peut tout seul avoir recours à des techniques de respiration consciente ou de visualisation. C’est donc une aide tout terrain, accessible à tout moment. Pour ceux qui présentent des angoisses, elle les aide à reprendre confiance en leur corps, car ils savent mieux comment apprivoiser leurs sensations et leurs émotions. Elle donne également une meilleure estime de soi, parce qu’elle procure un détachement vis-à-vis de l’extérieur. Moins sensibles au regard et au jugement des autres, plus conscients qu’ils sont capables de générer leur propre bien-être, ils peuvent ainsi avancer plus sereinement.
Les enfants à haut potentiel intellectuel (HPI) bénéficient eux aussi tout particulièrement de la méditation pleine conscience. Souvent perfectionnistes, angoissés et animés par un sentiment de décalage par rapport à leurs pairs, ils ont grand besoin de temps de calme pour se ressourcer. La pratique méditative met le mental en pause, offre un moment pour être bienveillant vis-à-vis de soi et surtout elle reconnecte au corps. Elle les aide à ressentir pleinement et à laisser l’intellect de côté pour se sentir simplement bien en soi.
Les émotions sont souvent envahissantes, a fortiori chez ceux qui sont hypersensibles. Une technique de pleine conscience efficace pour les apaiser consiste à utiliser la visualisation. On l'invite l’enfant à imaginer qu’il rencontre en lui-même, mentalement, un autre enfant qui ressent de la tristesse, de la colère ou toute autre émotion négative que lui-même ressent à ce moment.
On lui propose d’écouter intérieurement ce que ce « double » fictif veut lui confier. On lui demande de rassurer ce double et d’imaginer qu’il le prend dans ses bras pour finir de le consoler. Cette pratique de pleine conscience permet de lui ramener sa capacité à surmonter ses difficultés. Elle développe l’auto-compassion et la capacité à prendre soin de soi.
Pratique intéressante pour favoriser son développement
La pleine conscience favorise les apprentissages scolaires. La méditation booste les capacités des enfants à se concentrer en étant mieux dans son corps. Or, on le sait, l’état de détente aide à comprendre et mémoriser. Elle aide à réduire le stress que vivent les élèves au quotidien par exemple en période d’évaluation.
Toute la vie, nous sommes amenés à nous retrouver en situation de performance dans le cadre du travail. Les élèves qui apprennent tôt à maîtriser leur stress ont plus de chances de réussir les étapes professionnelles importantes. Par exemple, savoir s’isoler intérieurement pour calmer sa respiration et lâcher prise est d’autant plus facile quand on le fait depuis tout petit. Cela devient un réflexe parfaitement intégré et efficace avant un entretien ou un rendez-vous important.
La gestion des émotions rentre également en jeu dans l’épanouissement personnel. En pratiquant la méditation régulièrement, les enfants apprennent à canaliser leurs ressentis. Ils s’apaisent d’eux-mêmes plus facilement en cas de conflit car ils possèdent un outil pour revenir à eux-mêmes et observer la situation avec plus de recul. Elle donne ainsi des clés pour vivre des relations plus sereines mais également pour s’affirmer positivement. C’est un grand atout qui l'accompagnera tout au long de sa vie. Elle développe l’empathie, l’auto-compassion et la bienveillance envers soi comme envers les autres.
Toutes ces valeurs sont fondamentales pour le vivre ensemble et pour créer un monde où chacun se réalise au mieux.
Par ailleurs, sur le plan physiologique, elle facilite la gestion de la douleur physique. En restant à l’écoute de ses sensations et en apprenant à ne pas les amplifier par les ruminations, il peut mieux gérer la douleur. Il cède moins facilement à la panique à la vue d’un bobo. En cas de maladie, il peut aussi avoir recours à la respiration consciente pour retrouver un peu de mieux-être et atténuer la perception de la douleur.
L’ensemble de ces champs d’application prouvent que la méditation est un outil privilégié pour donner plus d’autonomie aux enfants. Sur les plans émotionnel, neurocognitif, relationnel et physiologique, elle leur offre la possibilité de mieux se sentir et se connaître, mieux s’apprécier et vivre davantage en harmonie avec les autres. La pleine conscience peut être pratiquée dès l’âge de 4-5 ans, quand il est en mesure de comprendre des consignes simples et maintenir son attention durant quelques minutes.
De nombreuses ressources existent désormais pour accompagner les parents qui souhaitent mettre en place cette méthode :
- Mindfulness, la pleine conscience pour les enfants, David Dewulf, De Boeck Editions, 2015.
- Calme et attentif comme une grenouille, Elise Snel, Les Arènes Editions, 2017.
- Méditasoins, petites méditations pour grands maux de l’enfant, Tu-Anh Tran, 2019.
Questions fréquentes
Est-elle adaptée pour les enfants ?
La méditation de pleine conscience, caractérisée par une approche concrète, est tout à fait adaptée aux enfants.
Quels sont ses bienfaits ?
- Favorise la concentration, la conscience de soi et des autres
- Permet la diminution du stress
- Améliore les capacités d'apprentissage et d'attention
- Contribue à une meilleure gestion des émotions
Comment est-elle mise en œuvre ?
- 5 minutes par jour
- Exercices de respiration
- Ressentir les émotions
- Observer les sensations sensorielles extérieures
- 1: Les effets de la pleine conscience chez des enfants scolarisés🔗 https://www.u-bordeaux.fr/Actualites/De-la-recherche/Les-effets-de-la-pleine-conscience-chez-des-enfants-scolarises
- 2: 🔗 https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.1700489