Comprendre la sexothérapie de couple

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Dans le contexte d’un couple, la sexualité joue un rôle majeur. Elle marque le partage du plaisir, la fusion des corps en même temps que celle des sentiments, le don de soi à l’autre. Elle est la traduction corporelle de la réciprocité amoureuse et peut également être le gage de la fidélité. Et l’amour et le sexe ont pris aujourd’hui une place centrale dans la justification de l’existence d’une relation amoureuse. La fragilité de la relation amoureuse et sexuelle avec le temps ont rendu son existence fragile. Seul un travail en sexothérapie appuyé par un sexologue ou un sexothérapeute, en agissant sur tous les paramètres dysfonctionnels, peut permettre de retrouver une nouvelle dynamique relationnelle érotique positive et constructive.

Définition de la sexothérapie

Image représentant un sexologue, formé en sexothérapie.

Il s'agit d'un abord thérapeutique spécifiquement adapté aux troubles sexuels. Toutes les approches se situent dans le cadre du modèle dit bio-psycho-social, c’est-à-dire prenant en compte les caractéristiques biologiques ou somatiques, les spécificités psychologiques des sujets et le contexte environnemental social de la survenue des dysfonctions1.

Elles ont bénéficié des apports des nouvelles théories comportementales apparues dans les années 1960. Elles ont marqué la fin de la prédominance psychanalytique dans les prises en charges des difficultés liées au sexe. Elles ont également incorporé les nouvelles connaissances dans le domaine de la physiologie de la fonction sexuelle et reconsidéré la place de l’anxiété, en la reconnaissant comme facteur de difficultés à part entière.

Principes généraux

Tout comme la thérapie de couple, la sexothérapie intègre plusieurs objectifs2 :

  • Donner au sujet le pouvoir d’agir sur sa sexualité, permettre aux personnes de « l’autoriser ».
  • Apporter une information et une éducation anatomique et physiologique dans le but de corriger les croyances erronées et les idées fausses, ou la simple méconnaissance, et de la dédramatiser, ainsi que ses problématiques.
  • Amener la résolution des conflits.
  • Aboutir à la disparition de la peur de l’intimité et de l’anxiété qui y est associée.
  • Réhabiliter la communication et le toucher en tant que supports thérapeutiques.
  • Prescrire des tâches comportementales, différentes selon la dysfonction, aux sujets seuls ou aux couples, véritable travail de rééducation à la communication et à la sexualité. On parle également de reprogrammation ou de réapprentissage des comportements.

Elle n'est entreprise qu’après recherche d’une cause organique au trouble.

De nombreux modèles et méthodes se sont développés, toutes basées sur la rupture de la vision dichotomique, qui postulait que les problèmes sexuels relevaient soit de problèmes physiques, soit de difficultés psychiques.

Comment se structure une prise en charge ?

Trois principaux éléments permettent de structurer une prise en charge et d’en préciser le cadre3 :

  • La première consultation.
  • Le contrat thérapeutique.
  • La sexothérapie proprement dite.

La première consultation

La première consultation réunissant les deux membres du couple et le thérapeute est essentielle. Le thérapeute peut les recevoir ensemble ou séparément. Certaines informations ne sont souvent recueillies qu’en entretien individuel et sont d’importance majeure pour la prise en charge en sexothérapie (antécédent d’abus sexuels, aventure extraconjugale, violence conjugale, etc.)4

Cette consultation est souvent longue (entre 45 et 90 minutes) et doit permettre5 :

  • De préciser la nature des difficultés rencontrées.
  • D’exposer le ressenti de chacun des membres face au problème et les répercussions sur la vie amoureuse (tendresse, érotisme, séduction, attentions…), sexuelle, sociale, relationnelle.
  • De préciser leur mode de vie.
  • De faire une première évaluation du niveau de communication et du niveau d’engagement et de motivation de chacun de ses membres.
  • De dédramatiser la situation.

Le sexothérapeute ou le sexologue exposera son analyse initiale sur leur situation et précisera les différents éléments du contrat thérapeutique qu’il propose, définissant la sexothérapie dans ses principes et ses objectifs.

Les objectifs ne doivent pas concerner uniquement le domaine de la sexualité, mais aussi les relations et la communication6.

L’accord sur un contrat thérapeutique

Le contrat thérapeutique impose certaines conditions qui sont nécessaires pour son succès7 :

  • Respect du rythme et de la durée des séances, variables selon les difficultés sexuelles et relationnelles présentées mais également en fonction de la disponibilité des deux partenaires, de leur lieu de résidence, etc. Le rythme des séances varie de 2 par semaine à une par mois et leur durée va de 30 à 45 minutes.
  • Nombre approximatif de séances, pouvant aller d’une à une trentaine selon la situation qui peut apparaître plus ou moins problématique en fonction à la fois du problème et de son ancienneté, et aussi du niveau de communication.
  • La fixation du nombre de séances se fait en regard d’objectifs fixés en accord avec le thérapeute, relatifs à la progression des attendus de la prise en charge. Ces objectifs doivent être établis de façon progressive et raisonnable.
  • Tarifs des consultations.
  • Respect des rendez-vous.
  • Nécessité d’une confiance réciproque et d’une alliance thérapeutique avec le thérapeute.

Tous ces éléments sont modulables et variables selon les problématiques. Des réajustements peuvent se faire par la suite.

Le suivi

Elle peut relever de différentes méthodes (exposées ci-dessous). Proposée par le thérapeute en fonction des éléments recueillis lors de la consultation initiale, elle doit recueillir l’approbation et l’engagement de chacun des membres. Quatre grandes règles sont importantes à suivre durant sa mise en œuvre8 :

  • Faire les exercices prescrits dans l’intimité du domicile par le thérapeute.
  • Ne pas avoir de relations extraconjugales.
  • Évacuer tout objectif de performance et toute idée de comparaison.
  • Rester dans le cadre des objectifs fixés avec le thérapeute.

Chaque nouvelle séance peut faire l’objet d’une réévaluation de la progression et des objectifs et, le cas échéant, cette réévaluation doit être discutée. Parfois la nécessité d’une prise en charge individuelle d’un des partenaires, en parallèle à la sexothérapie de couple, peut apparaître nécessaire.

Y-a-t-il des situations qui peuvent justifier l’arrêt ou la suspension du suivi ?

En premier lieu, la prise en charge s’arrête lorsque la sexothérapie est un succès9, quant aux objectifs fixés et que les patients sont pleinement satisfaits.

Mais d’autres contextes peuvent représenter des causes d’arrêt ou de suspension de la thérapie :

  • Communication trop conflictuelle rendant impossible le travail thérapeutique.
  • Séparation.
  • Absence de respect notable du contrat initial.
  • Absence d’évolution de la situation après plusieurs séances.
  • Survenue d’une maladie d’un des membres, rendant la poursuite de la sexothérapie impossible ou trop compliquée.
  • Thérapeute en échec devant les difficultés rencontrées ou se sentant manipulé par le couple.

Dans tous les cas, la reprise de la thérapie reste toujours possible à distance de son interruption.

Sexothérapeute ou sexologue et respect des règles éthiques

  • Il ne portera jamais aucun jugement sur la sexualité de ses patients10.11
  • Il ne précède à aucun examen physique, même seulement visuel, s’il n’est pas également médecin.
  • Le thérapeute ne doit procéder à aucun attouchement, ni demande de nudité, ni avoir de relation avec ses patients.
  • Il ne participe à aucune séance érotique avec ses patients. Les prescriptions d’exercices sont à réaliser dans l’intimité et non au cabinet du thérapeute.
  • Le respect de la confidentialité des séances. Ainsi par exemple, si vous êtes adressé par un autre professionnel de santé, le thérapeute ne lui livrera dans son compte-rendu que les informations que vous l’aurez autorisé à mentionner.
  • Comme tout thérapeute et tout professionnel de santé, le sexothérapeute ou sexologue est soumis au secret professionnel.

Quels problèmes peuvent relever de ce type de thérapie ?

Dans tous les troubles sexuels, il est primordial de tenir compte de la dynamique du couple dont la détérioration est un facteur de pérennisation ou de sa récidive et, inversement, sa pérennisation ou sa récidive aura un impact négatif sur le couple12.

Les principaux motifs amenant à une prise en charge en sexothérapie sont13 14:

  • Les troubles du désir.
  • Les difficultés érectiles.
  • Les rapports douloureux : dyspareunie, vaginisme.
  • L’éjaculation précoce ou la difficulté à éjaculer.
  • Les troubles du plaisir : difficultés orgasmiques, absence de plaisir.
  • Les difficultés de communication avec son partenaire concernant un problème sexuel.

Le modèle de Masters et Johnson

Ce modèle considère le couple comme une entité unique et c’est à cette entité que le traitement sexothérapique s'intéresse15.

Chaque partenaire doit apprendre et apprendre à faciliter le comportement sexuel de l’autre. La prise en charge est spécifiquement axée sur le trouble et comporte un temps initial de développement de la communication sur la sexualité au sein du couple (attentes de l’un et de l’autre, ressenti et vécu, etc.).

Le deuxième temps de la sexothérapie est comportemental, centré sur des interactions sensuelles. Les consignes sont précises et comprennent des tâches comportementales et des tâches de communication corporelle (caresses, écoute de l’autre, etc.). Les attendus de ce travail sont16 :

  • La sortie du non-dit quant à leurs désirs et leurs émotions sensuelles et sexuelles, notamment la peur de dévoiler ses peurs face à l’autre (être jugé, ne pas être désiré, se sentir ridicule, etc.).Inversement, on peut aussi souligner l’importance de pouvoir dire son absence de désir de faire l’amour à un moment donné sans avoir peur de contrarier l’autre.
  • La disparition de la peur de l’échec.
  • Instituer chaque partenaire en tant qu’acteur de sa propre sexualité et non plus comme observateur passif.

Communication verbale et corporelle : le Sensate Focus

Le Sensate Focus est une technique de base pour la communication à la fois verbale et corporelle17.

Il consiste en une prescription d’échanges et de caresses réciproques associée à une interdiction de la pénétration tant que les objectifs des différentes étapes progressives ne sont pas remplis, c’est-à-dire réalisée et assimilées par les deux membres :

  • Étape 1 : caresses réciproques sur tout le corps à l’exception des zones érogènes (organes génitaux mais aussi seins, aisselles, face interne des cuisses, etc.).
  • Étape 2 : caresses réciproques sur tout le corps incluant les zones érogènes mais pas les zones génitales.
  • Étape 3 : caresses réciproques sur tout le corps y compris zones érogènes et génitales, avec autorisation de la masturbation réciproque et de la jouissance orgasmique.
  • Étape 4 : caresses réciproques sur tout le corps, les zones érogènes et génitales, masturbation, orgasme et rapport avec pénétration.

Les premières étapes permettent de ne plus être focalisé sur la pénétration, l’éjaculation et sur l’obtention d’un orgasme. Elles permettent ainsi de s’approprier une sexualité libérée de l’anxiété d’anticipation d’un échec, qu’il s’agisse d’un trouble ou de l’éjaculation ou d’une difficulté orgasmique. Le couple se recentre sur son désir et son plaisir sensuel au présent des sensations et des perceptions.

Une étape est considérée comme assimilée lorsque les échanges verbaux et corporels sont synchronisés, qu’une intimité satisfaisante est rétablie, que l’attention à l’autre est présente et que le plaisir de l’un est ressenti ou également un plaisir pour l’autre.

Chaque étape peut être assortie de prescriptions spécifiques.

Un exemple de technique comportementale : le Squeeze

Dans le cadre de la sexothérapie, la technique du Squeeze est un traitement comportemental de l’éjaculation prématurée et vise au patient à rééduquer son réflexe éjaculatoire.

Le principe repose sur l’aide active de la partenaire et sur la passivité de l’homme18 :

  • L’homme est allongé sur le dos, passif et focalisé sur les sensations érotiques.
  • Sa partenaire est à genou ou assises face à lui entre ses jambes et caresse le pénis.
  • Lorsque le plaisir ressenti par l’homme atteint le moment qui précède l’éjaculation (point dit de non-retour ou phase dite pré-orgasmique), il le fait savoir à sa compagne par un geste convenu entre eux de façon à rester au mieux focalisé sur les sensations corporelles ressenties.
  • La femme comprime alors fortement le gland avec son pouce sur le frein (unissant le gland au corps du pénis à sa face inférieur) ce qui pour effet d’inhiber la survenue réflexe de l’éjaculation.
  • Cette compression n’est pas douloureuse.

Une variante, appelée « Stop and go », consiste en un arrêt immédiat des caresses génitales par la partenaire, qui va alors caresser le corps de l’homme de façon relaxante pour diminuer l’excitation génitale. La technique est répétée 2 à 3 fois puis la survenue de l’éjaculation et de l’orgasme est autorisée.

Il s’agit donc d’une véritable rééducation du réflexe éjaculatoire. Elle repose sur 3 éléments essentiels :

  • Bonne entente commune et désir réel et partagé d’obtenir un résultat.
  • Adhésion totale des deux membres.
  • Patience.

Ces exercices, pratiqués initialement en dehors de toute pénétration, sont ensuite effectués :

  • Durant des pénétrations passives, la femme étant au-dessus de l’homme. La pénétration ayant d’abord lieu sans mouvement puis progressivement avec des mouvements de va-et-vient.
  • Lorsque l’homme l'avertit de l’imminence de son éjaculation, celle-ci se retire et pratique une manœuvre de Squeeze suivie de caresses corporelles relaxantes non génitales.
  • Lorsque le réflexe éjaculatoire est maitrisé dans une position, une autre position est alors autorisée selon la succession amazone (femme au-dessus de l’homme), latérale (« petites cuillères ») puis position du missionnaire (homme allongé sur sa partenaire de face).

Cette progression par étapes est une condition essentielle pour le succès de cette sexothérapie.

La durée moyenne de la rééducation est d’environ 3 mois, pour obtenir une maîtrise satisfaisante de l’éjaculation dans toutes les positions appréciées par le couple.

Elle peut être associée à des traitements pharmacologiques, visant à ralentir la survenue de l’éjaculation et constitue une rééducation à part entière non seulement du trouble de l’éjaculation, mais aussi de l’intimité.

Quelques autres techniques comportementales

On peut citer19 :

  • Les exercices de pénétration graduée indiqués dans les dyspareunies (douleurs lors des rapports) et le vaginisme.
  • Les exercices de stimulation du clitoris, lors de la pénétration indiqués dans les anorgasmies vaginales.
  • L’entraînement à la masturbation, indiqué dans les difficultés orgasmiques de la femme.

Le modèle de Kaplan

Dans le cadre de la sexothérapie, le modèle de Kaplan considère la réponse sexuelle comme la succession de trois phases, désir, excitation, orgasme, et intègre une dimension psychothérapique, en faisant ainsi une des premières thérapies dites intégratives20.

Elle associe notamment :

  • La verbalisation des ressentis émotionnels et des conflits psychiques (blocages) au niveau individuel.
  • Des exercices de Sensate Focus.
  • Une observation et une analyse des interactions dans le couple : don et réception du plaisir, acceptation ou refus des caresses, comportements d’écoute ou d’opposition, type de relations entre ses membres (maître ou élève, comportement d’enfant ou de parent, domination et soumission, etc.).
  • Un travail sur la vulnérabilité au stress lors des rapports et dans les comportements et ressentis personnels des individus.

Ses objectifs sexothérapiques visent :

  • A trouver une sexualité satisfaisante et stable en accord avec l’existence de la vulnérabilité au stress des partenaires.
  • A synchroniser les interactions émotionnelles et sensuelles.

La reprogrammation sexuelle

Elle dérive des thérapies cognitivocomportementales selon leurs deux composantes21 :

  • Interventions comportementales : désensibilisation, exposition progressive, reprogrammation de la sensorialité, etc. selon le trouble présenté, rééducation à l’écoute des attentes de l’autre.
  • Restructuration cognitive avec intervention au niveau des croyances et des représentations sur la sexualité.

Elle se double d’un aspect informatif et éducatif, concernant la physiologie et la santé liée au sexe.

Les différentes formes

Approche cognitive

Dans leur visée sexothérapique, les thérapies cognitives sont essentiellement axées sur l’affirmation de soi, le renforcement de l’estime de soi et l’acquisition d’habiletés sociales tournées vers l'autre22.

Elles sont notamment basées sur un travail de réduction du stress et de l’anxiété liée à la sexualité, comprenant la prise en charge du sentiment d’impuissance et la perte du sentiment d’efficacité personnelle.

Elles s’adressent en général aux sujets dont les difficultés sont associées à un trouble anxieux, obsessionnel, à un manque de confiance en soi, à de sujets ayant adopté des comportements d’évitement de la sexualité.

Psychocorporelle

Cette sexothérapie s’intéresse aux interactions entre corps et psychisme et font intervenir les techniques de médiation corporelle comme la relaxation ou les massages. Elles s’intéressent au trouble sexuel mais également à la santé psychosomatique dans sa globalité23 :

Elle est axée sur24 :

  • La diminution des tensions musculaires défensives : vaginisme par exemple.
  • La diminution des tensions corporelles liées à l’anxiété de performance ou d’anticipation d’échec, aux états d’anxiété.
  • Le manque de focalisation et de concentration sur les perceptions et les sensations corporelles.
  • L’ici et maintenant, la chasse des idées parasites venant perturber la conscience et le ressenti du moment présent.
  • Les inhibitions comportementales dans la sexualité par l’apprentissage du lâcher-prise.
  • La prise de conscience corporelle via un travail sur la respiration et le toucher et, partant de là, la prise de conscience de soi et l’ouverture aux caresses de l’autre.
  • Le corps du sujet comme capable de façon autonome d’en percevoir des sensations agréables, d’en éprouver un bien-être sans toujours attendre que ça ne vienne que par les caresses de l’autre.
  • Dans le contexte sexologique, la prise de conscience de la musculature périnéale, de sa capacité à en contrôler les contractions et la décontraction (particulièrement dans les troubles de l’érection, orgasmiques et dans le vaginisme).
  • La verbalisation des sensations, voire des émotions ressenties.

Ce travail psychocorporel permet de passer par la détente et le bien-être corporel pour avoir une action sur l’anxiété.

Approche fondée sur la communication

On parle également d’approche systémique25. La communication au sein du couple est une dimension importante. La sexothérapie, dite de communication s’adresse particulièrement aux personnes dont un seul des partenaires vient consulter pour un trouble le concernant spécifiquement, mais dont l’autre personne ne s’estime pas impliqué, ni dans sa prise en charge26.

Or toute difficulté d’un des membres a un retentissement sur la vie sexuelle du couple, sur son bien-être. Lorsqu'elle s’est modelée sur une sexualité dysfonctionnelle (comportements sexuels, acceptation d’une frustration, absence de communication, ressentiment et non-dit, habitudes solitaires de compensation, etc.), il importe de prendre en compte l’autre partenaire, afin d’évaluer et de prévenir ses réactions face à l’amélioration du trouble et les conséquences sur la sexualité.

Par ailleurs, l’intervention du partenaire est parfois nécessaire dans la prise en charge d’un trouble chez sa compagne ou son compagnon (dans l’éjaculation prématurée par exemple). La sexothérapie de communication vise ainsi plusieurs objectifs27 :

  • Apprendre au couple à verbaliser et échanger sur leur vécu de la sexualité.
  • Savoir exprimer à l’autre ses sensations et aussi ses attentes et ses désirs.
  • Apprendre à être à l’écoute des sensations, attentes et désirs de l’autre.
  • Favoriser la capacité à s’exprimer pour soi-même (« je ») plutôt que d’attribuer un ressenti ou un désir à l’autre (« tu ») : « je ressens ça quand tu fais ça », « j’aimerais bien ça » plutôt que « tu aimes ça » ou « tu me fais ça ».

Du « tu » au « je » et du « je » au « nous »

Cette différence de formulation dans l’expression de ses attentes et de ses désirs permet de repositionner les partenaires dans leurs propres désirs et ressentis (« je »), plutôt que dans l’attribution de ressenti à l’autre ou dans une demande qui s’imposerait à l’autre (« tu »)28.

D’une part, on fait l’amour pour donner du plaisir à son ou sa compagne, mais on fait aussi l’amour pour soi et avoir envie de ressentir du plaisir est un des moteurs du désir. D’autre part, il ne faut pas tout attendre de son partenaire et s’en remettre à sa seule initiative pour réveiller le désir et provoquer une rencontre sexuelle. Si chacun agit ainsi, la sexualité ne peut que disparaître progressivement.

Une fois la capacité de s’exprimer pour soi consolidée, le travail se fera sur le passage vers le « nous » pour tout ce qui concerne l’engagement de chaque membre, dans la construction et l’investissement dans la relation à long terme29.

En sexothérapie, l’indépendance des envies et leur affirmation, ainsi que la solidité d’un désir commun, sont des piliers essentiels de la construction et de la stabilité de la relation.

Pourquoi ne communique-t-on pas sur le sexe ?

Une étude américaine réalisée en 2019 a montré que 55% des femmes auraient envie de parler de leur sexualité avec leur compagnon mais n’y arrivent pas.

Les principales raisons évoquées étaient :

  • La peur de faire de la peine à leur partenaire pour 42% d’entre elles.
  • L’absence d’envie de dévoiler leurs fantasmes pour 40%.
  • Être gênée ou avoir honte de révéler leurs désirs pour 38%.
  • Ne pas savoir comment aborder ou formuler leurs envies auprès de leur partenaire pour 35%.

La bibliothérapie

Outre la sexothérapie, le livre peut constituer un support de soins à part entière et être un vecteur de la relation thérapeutique30.

Plusieurs types de thématiques peuvent être utilisées :

  • Ouvrages d’information et d’éducation sexuelle, sur le bien-être, etc.
  • Ouvrages de conseils directs : caresses, massages.
  • Ouvrages concernant la connaissance de soi, l’attachement, l’amour, etc.
  • Ouvrages de fictions érotiques.

Les livres peuvent être lus à titre personnel mais aussi être utilisés dans le cadre de la thérapie :

  • Supports d’échanges et de questions lors des consultations.
  • Prescription de lectures orientées en fonction des symptômes, des propos des sujets, etc.
  • Lecture en consultation et discussion voire travail en rapport avec le thème lu.

La bibliothérapie constitue ainsi une modalité de sexothérapie et va par exemple utiliser des livres et supports traitant d’anatomie et de physiologie, de fantasmes, des manuels comme sur le Sensate Focus par exemple, etc.

Les effets de ces lectures, outre l’information qu’elles peuvent apporter, peuvent permettre de mettre en évidence des associations d’idées, des résurgences de souvenirs oubliés parfois traumatiques, des blocages, des croyances erronées, de libérer l’imaginaire érotique et réactiver des excitations fantasmatiques, etc.

Traitements pharmacologiques

L’existence de traitements pharmacologiques pour certains troubles rend-elle inutile une sexothérapie ? La question se pose en particulier dans les troubles masculins, dans la mesure où sont apparus des traitements pharmacologiques efficaces des problème d’érection et de l’éjaculation prématurée.

Si les traitements pharmacologiques apportent souvent une solution à la dysfonction masculine, ces traitements ne sont toutefois que ponctuels et strictement somatiques, alors que nombre de facteurs intervenant dans le trouble, ne relèvent pas de la physiologie de la réponse sexuelle : anxiété, confiance en soi, estime de soi, relations au sein du couple, etc., qui vont impacter le bien-être de la relation bien au-delà de sa seule sexualité.

On a ainsi pu montrer que si les inducteurs pharmacologiques de l’érection (Viagra®, Cialis®, etc.) améliorent significativement la satisfaction sexuelle, la satisfaction concernant le bien-être global. Les relations de couple ne sont en revanche pas améliorées de façon notable31.

Les traitements pharmacologiques ne prennent ainsi pas en compte et ont même tendance à « mettre sous le tapis » les dimensions psychosociales, fantasmatiques, relationnelles, sensuelles ou la question du désir, de la vie amoureuse et de la vie relationnelle.

Un médicament ne pourra pas combler une défaillance de la communication, de la parole, de l’affectif et du désir, si essentiels dans une relation harmonieuse. Pour simplifier, à quoi bon avoir une érection si on n’a pas le désir de faire l’amour ? Les principaux échecs des traitements pharmacologiques dits « sexoactifs » sont d’ailleurs constatés dans les couples où la part psychogénique du dysfonctionnement n’a pas été suffisamment évaluée et prise en compte32.

Les difficultés rencontrées se situent ainsi souvent dans un contexte plus large que la seule dimension « technique ». La sexothérapie conserve donc tout son intérêt en association avec les traitements ponctuels pharmacologiques (traitements dits combinés).

Que conclure ?

  • La sexothérapie s’intéresse aux problèmes sexuels et à leur vécu au sein du couple, puisque la sexualité concerne les deux partenaires.
  • Les approches comprennent toutes un objectif d’amélioration de la communication au sein du couple avec une visée de bien-être au présent mais aussi pour l’avenir intime de la relation.
  • Elles ont une efficacité de l’ordre de 80% pour la résolution des difficultés liées à la sexualité33.
  • Leur bénéfice n’est donc pas négligeable dans les problèmes liés à la sexualité au sein de l'union.
  • Ce bénéfice est notamment amplifié par le fait que ces approches ne concernant pas uniquement le problème sexuel d’un des partenaires, mais les troubles relationnels et comportementaux associés au sein de la relation.
  • De multiples développements et adaptations ont été réalisés depuis les modèles initiaux de Masters et Johnson et de Kaplan, mais ceux-ci conservent leur valeur et leur fiabilité. Les adaptations réalisées semblent en avoir néanmoins amélioré le maintien des bénéfices à long terme.
  • L’efficacité de la sexothérapie peut être amplifiée par une thérapie conjugale, en particulier pour les couples dysfonctionnels dans leurs relations. Les dysfonctions sexuelles peuvent en effet traduire un manque affectif ou une altération du sentiment de sécurité émotionnelle34.
  • Elle reste justifiée en association avec les éventuels traitements pharmacologiques des difficultés rencontrées, qui ne traitent qu’une dimension de la dysfonction.

Questions fréquentes

Qu'est-ce que la sexothérapie ?

Psychothérapie spécifique, elle est adaptée aux troubles sexuels.

Quand consulter un sexologue ou un sexothérapeute ?

- Les troubles du désir et du plaisir
- Les problèmes d'érection
- Les difficultés de communication
- Les rapports sexuels douloureux

Quelles sont les différentes approches ?

- Approche cognitive
- Psychocorporelle
- Basée sur la communication


  • 1Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 2Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 3Lansac J, Lopès P et coll. Questions sexo. Eyrolles Ed., Paris, 2017
  • 4Cour F et coll. Le couple : une entité incontournable ? Prog. Urol., 2013 ; 23 : 734-744
  • 5Grafeille N. Thérapies de couple : indications, contrat thérapeutique et suivi. In Lopès P, Poudat FX. Manuel de sexologie. Elsevier Masson Ed., Paris, 2014
  • 6Grafeille N. Thérapies de couple : indications, contrat thérapeutique et suivi. In Lopès P, Poudat FX. Manuel de sexologie. Elsevier Masson Ed., Paris, 2014
  • 7Grafeille N. Thérapies de couple : indications, contrat thérapeutique et suivi. In Lopès P, Poudat FX. Manuel de sexologie. Elsevier Masson Ed., Paris, 2014
  • 8Grafeille N. Thérapies de couple : indications, contrat thérapeutique et suivi. In Lopès P, Poudat FX. Manuel de sexologie. Elsevier Masson Ed., Paris, 2014
  • 9Grafeille N. Thérapies de couple : indications, contrat thérapeutique et suivi. In Lopès P, Poudat FX. Manuel de sexologie. Elsevier Masson Ed., Paris, 2014
  • 10Grafeille N. Thérapies de couple : indications, contrat thérapeutique et suivi. In Lopès P, Poudat FX. Manuel de sexologie. Elsevier Masson Ed., Paris, 2014
  • 11Lansac J, Lopès P et coll. Questions sexo. Eyrolles Ed., Paris, 2017
  • 12Cour F et coll. Le couple : une entité incontournable ? Prog. Urol., 2013 ; 23 : 734-744
  • 13Cour F et coll. Le couple : une entité incontournable ? Prog. Urol., 2013 ; 23 : 734-744
  • 14Lansac J, Lopès P et coll. Questions sexo. Eyrolles Ed., Paris, 2017
  • 15Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 16Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 17Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 18Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 19Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 20Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 21Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 22Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 23Lansac J, Lopès P et coll. Questions sexo. Eyrolles Ed., Paris, 2017
  • 24Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 25Lansac J, Lopès P et coll. Questions sexo. Eyrolles Ed., Paris, 2017
  • 26Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 27Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 28Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 29Grafeille N. Thérapies de couple : indications, contrat thérapeutique et suivi. In Lopès P, Poudat FX. Manuel de sexologie. Elsevier Masson Ed., Paris, 2014
  • 30La bibliothérapie en sexologie. In Mignot J et coll. Psycho-sexologie. Dunod Ed., Malakoff, 2013
  • 31Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 32Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 33Bonierbale M. Les sexothérapies et leur évolution. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
  • 34Gérardin-Toran M. Thérapies conjugales. In Courtois F, Bonierbale M et coll. Médecine sexuelle. Lavoisier Ed., Paris, 2016
Philippe Schwartz

Sexologue, hypnothérapeute et relaxologue. Docteur en médecine. Consulte à Reims