L’influence de l’attachement dans la vie relationnelle

Les différents types

Dans le meilleur des cas, nous avons pu faire confiance aux adultes pour nous donner l’attention, l’affection et tout ce qui est vital pour que nous nous développions correctement (nourriture, vêtements, soins du corps…). Nous vivons alors une forme dite "sécure", car nous sentons que nous pouvons compter sur ces adultes à tout moment. Si nous sommes en danger physique ou émotionnel, nous gardons la certitude en nous qu’une de ces personnes sera toujours là pour nous venir en aide. Dans le cas contraire, nous développons un profil insécure.

Dans la théorie de l'attachement, il existe 4 types¹‌ :

• "Sécure". L’enfant se sent sécurisé en toute situation. Il ose davantage aller vers l’inconnu, faire des expériences. Il peut ainsi développer son autonomie facilement.
• "Évitant anxieux (insécure)". L’enfant ne fait pas confiance à l’adulte souvent en raison de l’absence ou du rejet de celui-ci. Il ne peut donc pas compter sur sa figure d’attachement. Le lien ne se noue pas véritablement.
• "De type ambivalent (insécure)". L’enfant ne peut pas compter sur l’adulte de référence, car celui-ci a des attitudes incohérentes envers lui (tendant vers le rejet ou au contraire vers l’étouffement). Cet enfant aura parfois lui-même tantôt une expression affective bien extériorisée, tantôt des accès de colère ou de violence inexpliqués.
• De type désorganisé (insécure). C’est une forme mixte, heureusement rare, qui combine les caractéristiques des notions insécures décrites plus haut.

Des comportements relationnels hérités de l’enfance

Quel est le lien entre le type d’attachement et les relations que nous aurons en tant qu’adulte ? L’enfant va transférer ce qu’il a appris à travers les interactions de l’enfance dans ses futures relations, et ce tout au long de sa vie. Il intègre en son for intérieur des schémas cognitifs durables dans le domaine relationnel. Il adapte ensuite son attitude envers autrui selon ce qu’il a vécu.

Donc en tant qu’adulte, dès que nous rencontrons une nouvelle personne, nous pouvons avoir des pensées d’anticipation du type « il ne va pas m’aimer », qu’est-ce qu’elle va penser de moi ? » je me méfie de lui/elle », « Il/elle va sûrement me laisser tomber quand on se connaîtra »… Tout cela a lieu parce qu’on a appliqué à l’autre des modèles imprégnés en nous depuis l’enfance.

Nous avons déjà une idée préconçue de ce qu’on peut attendre de l’autre personne, ainsi que de la façon dont il va nous considérer. Nous nous demandons si nous pouvons faire confiance, si nous méritons de l’aide… Plus notre profil est insécure, plus nous aurons tendance à projeter sur l’autre des angoisses et des pensées reflétant notre propre insécurité.

Les différents profils

Dans la théorie de l'attachement, il existe différents types de profil.

Sécure

Un enfant ayant développé une forme sécure va plus facilement vers les autres. Adulte, il noue des relations satisfaisantes la plupart du temps. Il fera plutôt confiance aux autres, car il ne se sentira pas en danger dans la construction relationnelle. C’est quelqu’un qui n’a pas de peurs infondées vis-à-vis d’autrui. Ses relations sont basées sur un fort sentiment de sécurité intérieure. Il sait qu’il peut compter sur lui et se mettre au centre de sa vie. Son estime de lui-même est bonne et il est conscient de sa valeur.

En l’absence de l’autre, il ne se sent pas abandonné ou rejeté. Il y réagit sereinement, car il est à l’aise avec lui-même. Il sait être attentif aux signaux qui lui indiquent si une relation est néfaste pour lui. Il est capable d’exprimer ses besoins à l’autre. Ce profil sécure qu’il a construit lui permet ainsi d’être lui-même dans ses relations aux autres. Il s’affirme positivement et peut évoluer au gré des relations qu’il noue.

Forme anxieuse

Dans le cadre de la théorie de l’attachement, l’enfant présentant un profil anxieux n’a pas appris à faire de différence entre les adultes de son entourage et les inconnus. En effet, personne n’a pris soin de lui correctement. Pourquoi dans ce cas un inconnu serait-il moins qualifié que ses parents pour l’aimer et le secourir ? Une fois adulte, les relations seront teintées de difficultés particulières.

Dès qu’un lien s’approfondit un tant soit peu, l’adulte va éviter que trop d’intimité s’installe. Il va rester en retrait et s’en tenir à des liens superficiels. Le risque d’être vulnérable est trop grand pour lui : en effet, en situation de détresse lorsqu’il était petit, personne n’a su le prendre en charge. Il ne peut pas et ne veut pas se retrouver dans ce type de situation dans ses relations.

Par conséquent, faire confiance à l’autre reste un challenge. Qui sait ce qui se passerait s’il se livrait trop ou partageait trop avec autrui ? N’ayant pas connu la réassurance provenant des parents, l’adulte ne sait pas comment se préserver dans la relation sans être distant. II préfère alors ne pas s’engager.

Ambivalent

Dans la théorie de l'attachement, un adulte au profil ambivalent éprouve une grande insécurité relationnelle. Il s’inquiète de façon disproportionnée de ce que les autres ou le partenaire pensent, disent ou font. Il est dans une forme de dépendance à l’égard d’autrui. Il exige de l’autre beaucoup de réassurance, ce qui peut étouffer ou faire fuir la personne en face. Ce besoin constant d’avoir confirmation du lien mène à l’oubli de ses propres besoins.

Ceux-ci ne sont pas bien identifiés car l’adulte ambivalent fait inconsciemment passer les besoins d’autrui avant les siens. Même s’il a tendance à harceler l’autre pour être sûr que la relation est toujours viable, que l’autre l’apprécie ou l’aime toujours, il nie ses propres aspirations. Il pense qu’il ne peut pas se réaliser sans la présence de l’autre. Sa peur du rejet ou de l’abandon entraîne des comportements de contrôle vis-à-vis d’autrui.

Il a tendance à s’inquiéter au moindre signe d’éloignement de l’autre. Il ne peut pas prendre en charge son angoisse d’être laissé seul à lui-même, craignant de revivre le même rejet ou le même abandon qu’il a pu ressentir dans sa petite enfance. Il va alors fonctionner de manière hyper réactive car ses émotions à l’idée de l’absence ou de la séparation le submerge.

Désorganisé

Dans la théorie de l’attachement, la forme désorganisée provoque beaucoup de confusion dans la vision des relations qui se construit chez l’enfant. Adulte, il oscille constamment entre un grand besoin de contact et une crainte de l’intimité. Il lui est difficile dans ce contexte d’établir durablement des relations satisfaisantes. Bébé, il n’a pas pu cerner ce que ses figures d’attachement pouvaient lui apporter. Leur comportement était parfois tellement déroutant qu’il n’a pas pu construire des schémas relationnels cohérents.

Adulte, cette incohérence le rattrape dans ses propres comportements. Il va tantôt fuir l’autre tantôt lui « courir après », un jour se montrant démonstratif et le lendemain soudainement distant. 

Les troubles chez l'adulte

A l’âge adulte, il se poursuit en évoluant selon les personnes rencontrées et les expériences de vie.

Bartholomew et Horowitz²‌, chercheurs en psychologie sociale, ont établi une autre classification des styles d’attachement à l’âge adulte :

• sécure
• préoccupé ;
• détaché ;
• craintif.

Dans le cadre de la théorie de l'attachement, ces profils varient selon notre capacité à interagir de façon sécure mais aussi à nous adapter au stress. Les profils préoccupés, détachés ou craintifs entraîneraient une moins bonne gestion du stress. A l’inverse, un adulte présentant un profil sécure s’ajustera plus facilement aux situations stressantes. Il trouvera les ressources en lui pour y réagir de façon constructive. Ce lien entre style d’attachement et réaction émotionnelle au stress ouvre des perspectives dans le domaine de la gestion de la douleur et du vécu de la maladie.

Le profil non sécure chez l’adulte peut mener à des comportements entravant l’épanouissement de la personne. Il peut même se traduire par des troubles se répétant dans les relations ou dans la façon dont la personne prend soin d’elle-même. En effet, le profil sécure permet de construire sa propre résilience en s’appuyant sur ses ressources affectives internes.

Au contraire, un profil insécure expose à plus de vulnérabilité et peut prédisposer à certaines pathologies. Il se pourrait qu’il y ait un lien entre l’attachement insécure et certains comportements à risque addictif³‌ (prise de substances toxiques, troubles du comportement alimentaire, comportement sexuel à risque).

D’autres études tendraient à montrer un lien entre un profil insécure et troubles dépressifs chez l’adulte. Dans tous les cas, la personne ne correspondant pas au profil sécure révèle souvent une gestion des émotions plus difficiles puisqu’elle n’a pas pu construire en elle la confiance en sa capacité à faire face.

Les troubles chez les personnes âgées

Il apporte un éclairage sur le vécu de la vieillesse. Ce profil se modifie avec l’âge. En vieillissant, le sentiment de vulnérabilité et le risque de perdre des proches augmentent. Il est alors fréquent que les personnes âgées passe à un une forme "détachée". Cela a été observé lors de plusieurs études⁴‌.

Ce phénomène confirmerait que la personne âgée éprouve le besoin de reporter son attachement sur un plus petit nombre de personnes. Il est aussi observé qu'il se transfère à des objets, comme des souvenirs portant une forte charge affective ou bien même des idées. La personne âgée se préserverait ainsi de la peur de perdre le soutien, l’aide ou le réconfort en se raccrochant à quelques figures pérennes.

La dépendance de la personne âgée vis-à-vis des personnes qui prennent soin d’elle, peut renforcer l’anxiété de séparation et la peur d’être abandonné. C’est ainsi que les enfants, deviennent à leur tour des figures d’attachement pour leurs parents vieillissants. Ceux-ci tendraient à s’engager davantage dans le soin de leurs parents âgés s’ils ont connu un profil sécure.

D’autres études montreraient un lien entre la forme sécure et le sentiment de bien-être des personnes âgées.

Les relations soignant/soigné

Dans le cadre de la théorie de l'attachement, cette notion donne des indices sur la façon dont les patients vont vivre le processus thérapeutique⁵‌.

La maladie, la douleur, sont des facteurs augmentant considérablement le sentiment de vulnérabilité personnelle. Une personne présentant une forme sécure ira plus naturellement chercher de l’aide auprès des professionnels de santé qu’une personne à la forme insécure.

De même, le style d’attachement nous renseigne sur les relations qui se nouent entre patients et soignants. Les personnes sécures vont davantage faire confiance au personnel médical, même si elles se sentent vulnérables. Elles acceptent de montrer leur vulnérabilité et ne se sentent pas en danger en le faisant auprès des soignants.

A l’inverse, les personnes insécures seront davantage méfiantes. Elles auront du mal à évoquer librement leurs symptômes et difficultés. Il se peut même qu’elles restent dans le déni de leur pathologie et soient réticentes à suivre un traitement. On le voit : connaître le profil du patient peut aider les soignants à améliorer la relation nouée dans le cadre thérapeutique. Une relation sécure entre le patient et le soignant apporterait une meilleure adhésion au traitement et donc en bout de ligne une amélioration de la santé.

Faire évoluer la qualité de ses relations

L’influence du vécu de l’attachement sur la qualité des relations adultes est non négligeable. Cependant, notre santé mentale et nos schémas relationnels ne dépendent heureusement pas que de notre enfance. Il demeure donc bien sûr possible pour chacun d’évoluer vers plus de sérénité et d’épanouissement au niveau relationnel. De nombreux facteurs entrent en jeu dans la qualité de nos relations avec autrui : le contexte familial, socio-économique, notre propre tempérament, les événements de vie que nous traversons…

La connaissance fine de ce qui s’est joué durant la période de l'enfance, c’est-à-dire les bases relationnelles avec nos figures parentales de référence, peut pourtant faire la différence en apportant un éclairage utile sur notre vécu.

Par ailleurs, la relation d’attachement entre deux adultes implique de la réciprocité contrairement au lien parent-enfant : c’est tantôt l’un, tantôt l’autre qui va chercher ou apporter du soutien et du réconfort. L’analyse de la petite enfance permet par exemple d’améliorer les relations du couple.

En prenant conscience des schémas comportementaux imprégnés en nous, nous pouvons dissocier nos attitudes de nos aspirations réelles. Ainsi, seuls ou accompagnés par un thérapeute, nous pouvons nous ouvrir à d’autres modalités relationnelles en faisant passer nos propres besoins en priorité. Il s’agit au final de prendre soin de soi, comme nous aurions eu besoin de le ressentir étant enfant.

Questions fréquentes