L’anxiété sociale : symptômes, origines et prise en charge

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Selon Vincent Trybou, psychologue clinicien cognitivo-comportementaliste, l’anxiété sociale légère à modérée toucherait 13% de la population. Plus rare, la forme sévère atteindrait quant à elle près de 2,3% des individus. Ce trouble évoque des difficultés relationnelles plus ou moins invalidantes au quotidien. De plus amples informations, ses symptômes, ses origines ainsi que les différentes alternatives permettant de se sentir mieux.

Définition

Jeune femme souffrant d'anxiété sociale.

Elle évoque une forte appréhension liée au contact ou au regard d’autrui. L’idée que l’émotion ressentie puisse transparaître aux yeux des autres incarne également un sujet d'inquiétude. Les personnes atteintes présentent des difficultés à tolérer certaines situations : prendre la parole en public, être au centre de l’attention, faire de nouvelles rencontres, passer un entretien d’embauche ou bien un examen oral… Parfois, l’appréhension est fondée compte tenu du contexte. D’autre fois, c’est l’individu anxieux qui extrapole l’attitude et les pensées d’autrui à son égard.

Ressentir une certaine anxiété sociale est tout à fait normal. Nous en avons tous fait l’expérience de manière ponctuelle au cours de notre vie : une gêne face à une situation donnée, du trac dans une autre, un accès de timidité… Toutefois, une forme intense, qui interfère dans le bon déroulement du quotidien et se manifeste fréquemment doit alerter. En effet, il s'agit d'une pathologie à part entière, qui est recensée dans le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5). Elle y figure depuis 1980 (DSM-3) et est, à ce moment-là, appelée phobie sociale.

Anxiété sociale : quels symptômes ?

Elle associe des symptômes psychiques et somatiques.

Un mal-être psychique

Les personnes atteintes de ce trouble ont pour habitude de faire leur possible pour éviter de se soumettre à certaines situations d’interaction. Lorsqu’elles ne peuvent y échapper, elles anticipent l’événement à venir. Ayant une perception très négative d’elles-mêmes, les personnes anxieuses sont intimement convaincues que la rencontre avec autrui ne peut se dérouler de manière optimale. Elles ressassent cette idée, ce qui majore l’anxiété sociale.

Lors de l’échange, elles ne se sentent pas à la hauteur et sont persuadées que leurs interlocuteurs ont une opinion néfaste à leur égard. Elles souhaitent généralement tout contrôler (le regard, l'attitude ou bien les paroles) et en viennent à perdre le fil de la discussion. À l’issue de la rencontre, elles éprouvent une forte déception. Elles n’attribuent aucun point positif à l’échange et se focalisent sur les aspects négatifs, qu’elles ruminent1.

Des signes physiques

Une étude s’est intéressée aux symptômes les plus couramment présentés par les personnes atteintes d’anxiété sociale. Il s’agit :

  • des palpitations cardiaques (chez 79 % des personnes interrogées) ;
  • des tremblements (75 %) ;
  • de la tension musculaire (64 %) ;
  • de la sensation d’estomac noué (63 %) ;
  • une sécheresse buccale (61 %) ;
  • une impression de chaud et de froid, en alternance (57 %) ;
  • et enfin, des rougeurs (51 %)2.

‌Il est à noter que les individus souffrant de cette forme redoutent souvent que leurs interlocuteurs remarquent l’apparition de ces symptômes.

Bon à savoir

Le DSM-5 signale qu'elle s’associe fréquemment à d’autres pathologies. Chez la femme, il s’agit le plus souvent de troubles dépressifs, bipolaires ainsi que d’autres troubles anxieux. Chez l’homme, on retrouve plutôt un trouble oppositionnel, une consommation excessive d’alcool ou de toxiques ainsi qu’une parurésie (difficulté ou impossibilité d’uriner à proximité d’autres personnes).

Une étude indique en outre que 39,6% des personnes atteintes d’anxiété sociale abuseraient d’une substance toxique ou présenteraient une conduite addictive. Les chercheurs précisent également que 37,2% des individus, qui en souffrent, auraient déjà vécu un épisode dépressif majeur3.

D’où vient-elle ?

Selon la recherche, près de 90 % des personnes socialement anxieuses le deviennent avant 23 ans. Le trouble toucherait rarement les jeunes enfants et apparaîtrait plus volontiers lors de l’adolescence, vers 13 ans en moyenne4.

Les origines de l’anxiété sociale sont plus floues. Les chercheurs évoquent l’hérédité, une personnalité hypersensible dès le plus jeune âge ou encore, le fait de grandir dans un contexte familial particulier (par exemple, une éducation centrée sur la méfiance envers l’inconnu ou dévalorisante envers l’enfant).

Comment peut-on y remédier ?

L’anxiété sociale n’est pas une fatalité : diverses alternatives existent et permettent de se sentir plus serein face aux situations d’interaction.

Consulter un médecin

En cas de forme importante, invalidante au quotidien et/ou durable, il est nécessaire de solliciter l’avis d’un professionnel de santé. Bien souvent, c’est le médecin traitant que l’on consulte en premier lieu. Ce dernier vérifie que la personne anxieuse ne présente aucun trouble d’ordre somatique. Puis, grâce à un interrogatoire complet, il évalue la situation et propose une prise en charge. Il n’est pas rare que le généraliste oriente les patients qui présentent un trouble anxieux vers un confrère psychiatre.

Appliquer certaines mesures hygiéno-diététiques

Face à une anxiété sociale, les professionnels de santé formulent des recommandations visant à adopter une meilleure hygiène de vie. Ces mesures, qui peuvent paraître simples de prime abord, contribuent au mieux-être de manière incontestable. Elles concernent notamment l’alimentation, le sommeil et l’activité physique.

Manger sainement, éviter certaines boissons

Il faut tout d’abord faire de son mieux pour s’alimenter de manière équilibrée et variée. Ceci permet de ne manquer d’aucun nutriment essentiel à l’organisme et ainsi, d’éviter les déficits et les carences.

Les personnes anxieuses doivent également limiter (idéalement, supprimer) la consommation de caféine et d’alcool. Ces boissons sont effectivement connues pour accroître ce mal-être5 6‌‌. Cependant, on peut retrouver une absorption excessive d’alcool, voire une dépendance, chez les individus atteints d’anxiété sociale. Dans ce cas de figure, le professionnel de santé propose une prise en charge complémentaire.

Favoriser un sommeil récupérateur

Les individus souffrant d’un trouble anxieux ont tendance à être particulièrement fatigués. Il est donc important d’adopter de bonnes habitudes au quotidien, pour bénéficier d’un sommeil suffisant et réparateur.

Les médecins du sommeil de l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance (INSV) détaillent les principes à respecter pour mieux dormir. Citons par exemple le fait de ne pas se trouver face aux écrans peu de temps avant de se coucher, d’aménager sa chambre en fonction de certains critères (atmosphère calme, obscurité, température comprise entre 18 et 20°C), de respecter ses besoins de sommeil en planifiant des heures régulières de lever et de coucher, tout au long de la semaine7.

Faire de l’exercice

La pratique d’une activité physique ou sportive est vivement recommandée aux personnes anxieuses. En effet, faire de l’exercice permet de réguler les symptômes de l’anxiété sociale8. Bénéfique pour l’organisme, l’activité physique ou sportive permet aussi de se sentir mieux dans sa tête, en se détournant un temps du sujet anxiogène.

Certaines activités sont axées sur la relaxation et la respiration, comme le yoga, le tai chi ou bien le qi-gong. De ce fait, elles semblent particulièrement indiquées pour les personnes anxieuses9.

Suivre une psychothérapie

La Haute Autorité de Santé (HAS) indique que, dans le cadre de l’anxiété sociale, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) présentent une efficacité équivalente à celle d’un traitement médicamenteux10.

Lorsque son intensité le permet, le professionnel de santé oriente son patient vers une TCC. Il s’agit d’une alternative intéressante puisqu’elle permet à la personne anxieuse d’apprendre à réagir de manière optimale face aux situations difficiles (ici, les interactions sociales). L’objectif, à terme, est de parvenir à mieux les gérer. De surcroît, ce choix thérapeutique présente l’intérêt de ne pas exposer le patient aux effets secondaires potentiels des médicaments.

Prendre un traitement médicamenteux

Parfois, le médecin ou le psychiatre diagnostique une anxiété sociale particulièrement sévère, entraînant de lourdes conséquences chez le patient (isolement, perte de l’emploi, dépendance associée, etc.). Il est alors amené à prescrire des médicaments.

En première intention, il invite la personne anxieuse à suivre un traitement à base d’antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), à l'instar de la paroxétine ou l’escitalopram. Le professionnel de santé évalue l’efficacité du traitement au bout de 8 à 12 semaines. S’il est concluant, la prise s’étendra sur une période relativement longue, puis, sera suivie d’un arrêt progressif. S’il s’avère insuffisant pour soulager le patient, le médecin ou le psychiatre se tournera vers d’autres types d’antidépresseurs.

Le professionnel de santé peut également conseiller un traitement médicamenteux à une personne modérément anxieuse. La prescription a lieu lorsque la psychothérapie seule ne permet pas de soulager suffisamment les symptômes.

Mentionnons que le médecin ou le psychiatre peut recommander au patient de prendre ponctuellement du propanolol. Ce bêta-bloquant s’avère efficace lorsqu’il est administré en amont d’événements qui génèrent, de manière prévisible, une anxiété sociale, qui peut s'avérer handicapante (entretien d’embauche, prise de parole face à un public…)11.

Expérimenter certaines approches complémentaires

Les experts du Vidal, le manuel de référence des traitements médicamenteux, indiquent que la lecture de self-help books, livres d’auto-assistance en français, peut s’avérer utile.

La HAS invite quant à elle les personnes atteintes d’anxiété sociale à s’accorder des temps de relaxation, en complément de la thérapie instaurée. Certaines médecines douces contribueraient au mieux-être des individus anxieux, à l’instar de la sophrologie12, de l’hypnose13 ou de l’acupuncture14.

Enfin, une étude récente met l’accent sur deux techniques innovantes et prometteuses, à savoir la psychothérapie en ligne et l’usage de la réalité virtuelle15.


  • 1Trybou V. (2018) Comprendre et traiter l'anxiété sociale, nouvelles approches en TCC. Dunod.
  • 2Amies PL. & al. (1983) Social Phobia : A Comparative Clinical Study. The British Journal of Psychiatry.
  • 3Magee WJ. & al. (1996) Agoraphobia, simple phobia, and social phobia in the National Comorbidity Survey. Archives of General Psychiatry.
  • 4Kessler RC. & al. (2005) Lifetime prevalence and age-of-onset distributions of DSM-IV disorders in the National Comorbidity Survey Replication. Archives of General Psychiatry.
  • 5Richards G. & Smith A. (2015) Caffeine consumption and self-assessed stress, anxiety, and depression in secondary school children. Journal of psychopharmacology.
  • 6Schuckit MA. (2009) Alcohol-use disorders. Lancet.
  • 7INSV. 10 recommandations de nos médecins du sommeil.🔗 https://institut-sommeil-vigilance.org/10-recommandations-de-nos-medecins-du-sommeil-pour-bien-dormir/
  • 8Kandola A. & al. (2018) Moving to Beat Anxiety : Epidemiology and Therapeutic Issues with Physical Activity for Anxiety. Current psychiatry report.
  • 9Saeed SA. & al. (2019) Depression and Anxiety Disorders : Benefits of Exercise, Yoga, and Meditation. American family physician.
  • 10HAS (2007) Affections psychiatriques de longue durée – Troubles anxieux graves.
  • 11Vidal (2018) Phobie sociale.🔗 https://www.vidal.fr/maladies/recommandations/phobie-sociale-4052.html#prise-en-charge
  • 12Van Rangelrooij K. & al. (2020) Effectiveness of a 4-week sophrology program for primary care patients with moderate to high anxiety levels : a randomised controlled trial. Actas espanolas de psiquiatria.
  • 13Smaga D. & al. (2010) L'hypnose et les troubles anxieux. Revue médicale suisse.
  • 14Amorim D. & al. (2018) Acupuncture and electroacupuncture for anxiety disorders : A systematic review of the clinical research. Complementary therapies in clinical practice.
  • 15Pelissolo A. & al. (2019) Therapeutic strategies for social anxiety disorder : where are we now? Expert review of neurotherapeutics.
Mélanie Manzanares

Rédactrice spécialisée dans le domaine de la santé, ayant obtenu le diplôme d'état infirmier en 2013.