Allaitement, grossesse et vitamine D: quelles recommandations?

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Tout au long de la vie, la vitamine D (ou calciférol) est essentielle pour rester en bonne santé. Lors de la grossesse et de l’allaitement, les besoins en nutriments sont accrus. Si une carence en calciférol est courante à tout âge, il touche particulièrement les femmes lors de cette période de leur vie : il faut donc y être attentif. Apprenez-en davantage sur la vitamine D pendant la grossesse et l’allaitement.

Pourquoi se supplémenter?

Rôles au sein de l'organisme

Femme enceinte : une supplémentation en vitamine D est essentielle pendant la grossesse.

La vitamine D apporte divers bienfaits à l’organisme, et ce, à tout âge de la vie. L’agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) explique que cette vitamine contribue essentiellement à augmenter les taux de calcium et de phosphore dans le sang. Ainsi, la vitamine D joue un rôle dans la croissance et la minéralisation des os, des cartilages et des dents. Elle participe également au fonctionnement des muscles ainsi que du système nerveux, et régule l’hémostase.

Selon l’ANSES, la vitamine D a d’autres effets sur l’organisme qui ne sont pas reliés au métabolisme phosphocalcique. Ainsi, elle intervient dans la régulation de certaines hormones et a un impact bénéfique sur le système immunitaire et les kératinocytes1.

Femmes enceintes et allaitantes

Une femme qui dispose d’un taux sérique de calcidiol (ou 25(OH)D) optimal sera en mesure de le transmettre tout d’abord au fœtus, puis au nouveau-né si elle décide de l’allaiter. Néanmoins, l’hypovitaminose D touche particulièrement les femmes enceintes et allaitantes. Pourtant, leurs besoins en vitamine D sont accrus lors de cette période de la vie. Ces dernières doivent en effet maintenir leur propre capital osseux et assurer la construction de celui de l’enfant à naître.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la carence en calciférol favorise la survenue de troubles tels que la pré-éclampsie ou le diabète gestationnel. En outre, le risque de mettre au monde un nouveau-né prématuré serait augmenté2.

Comment maintenir un taux optimal?

S’exposer au soleil

Lorsque l’on s’expose aux rayons ultraviolets du soleil, la peau peut synthétiser de la vitamine D3 (également appelée cholécalciférol).

L’efficacité de cette production cutanée est toutefois liée à de nombreux facteurs : l’heure et la durée de l’exposition, la surface du corps accessible au rayonnement solaire, la pigmentation et l’épaisseur de la peau, l’application éventuelle d’une crème solaire qui ferait barrière aux rayons UVB… Ce n’est donc pas toujours simple de faire le plein de vitamine D. Pour peu que l’on vive dans une région peu ensoleillée, cela devient même compliqué !

Adopter le bon régime alimentaire

Il est possible d’apporter de petites quantités de vitamine D à son organisme via l’alimentation. En effet, certains végétaux et champignons contiennent de la vitamine D2 (ou ergocalciférol). Le cholécalciférol se retrouve essentiellement dans les produits d’origine animale : poissons, œufs, produits laitiers…

Notons que l’apport alimentaire de vitamine D est minoritaire : c’est la production endogène, à la suite de l’exposition solaire, qui représente la source majoritaire.

Opter pour la supplémentation en calciférol

On peut lire sur le site du Vidal (l’ouvrage de référence en matière de traitements médicamenteux, destiné aux professionnels de santé) que l’exposition solaire et un régime adapté ne peuvent couvrir la totalité des besoins en vitamine D3. Ainsi, les professionnels du Vidal recommandent la supplémentation, à plus forte raison pour les personnes présentant un risque de carence.

L’ANSES a établi une Référence Nutritionnelle pour la Population (RNP) en vitamine D. Elle s’élève à 15 µg par jour, soit 600 UI, pour les adultes (femmes et hommes). Il faut souligner que l’organisme n’a pas encore défini de RNP spécifique aux femmes enceintes ou allaitantes4.

Quelles sont les informations officielles?

Nous avons donc constaté que la vitamine D est essentielle pour la mère et pour son bébé. Nous savons aussi qu’il est compliqué de maintenir son taux sérique de calcidiol sans avoir recours à une supplémentation. Intéressons-nous maintenant à la prise de vitamine D dans le cadre de la grossesse et de l’allaitement.

Le positionnement de l’OMS

Si l’OMS alerte sur les risques de la carence en vitamine D pour les femmes enceintes, elle ne préconise pas pour autant que ces dernières aient recours à une supplémentation.

L’organisme reconnait que la prise de vitamine D lors de la grossesse peut améliorer le taux de calcidiol des futures mères, optimisant ainsi la transmission au fœtus. Toutefois, il explique qu’il est nécessaire de mener d’autres recherches afin de pouvoir se positionner plus précisément sur les avantages et les éventuels risques de la supplémentation en vitamine D lors de la grossesse5.

L’OMS se base les travaux de chercheurs ayant passé en revue 15 essais cliniques, soit 2833 femmes testées. Selon eux, l’administration de vitamine D a permis de constater les effets bénéfiques suivants : diminution des risques de pré-éclampsie, de naissance prématurée et de faible poids à la naissance. Les chercheurs ont également constaté qu’une prise combinée de vitamine D et de calcium serait un facteur favorisant la prématurité. Finalement, les chercheurs demandent que d’autres recherches soient menées afin de confirmer ces conclusions6.

Une mise à jour de cette revue scientifique a eu lieu récemment. Ce n’est pas moins de 30 essais cliniques qui ont été analysés, ce qui représente 7033 femmes testées. Les chercheurs ont à nouveau constaté les bienfaits de la vitamine D. Ils ont même recensé un effet bénéfique supplémentaire, à savoir qu’un taux optimal de calciférol réduirait le risque de survenue d’une hémorragie post-partum.

En revanche, cette nouvelle étude a confirmé que l’association du calcium et de la vitamine D peut augmenter le risque de naissance prématurée, bien qu’elle soit efficace contre la pré-éclampsie. Enfin, les chercheurs estiment que la recherche doit se poursuivre, notamment pour déterminer s’il peut y avoir des effets secondaires à la supplémentation en vitamine D7.

Rappelons que la prise de calciférol est considérée comme sécuritaire. Toutefois, les apports excessifs peuvent s’avérer dangereux. Selon le professeur Reinhold Vieth, spécialiste de la vitamine D au Canada, les effets indésirables liés à l’hypervitaminose D surviennent lors d’une absorption quotidienne supérieure à 40 000 UI8. Pour les professionnels du Vidal, ces mêmes effets secondaires se rencontrent avec un dosage équivalent à 50 000 UI par jour9.

L’avis de la société française de pédiatrie (SFP)

La SFP se positionne en faveur de la supplémentation pour toutes les femmes enceintes. Elle préconise une prise unique de 80 000 à 100 000 UI de vitamine D au début du 7ème mois de grossesse10. En effet, il s’agirait de la période la plus propice quant à la survenue d’une hypovitaminose D.

Notons que de nombreux médecins et gynécologues semblent partager cet avis, puisqu’ils recommandent la prise de vitamine D lors de la grossesse. Ils prescrivent le calciférol seul ou associé à d’autres nutriments au sein d’un même complément alimentaire. Les formules synergiques contiennent, en règle générale, 400 UI de calciférol.

Qu’en est-il dans le cadre de la lactation ?

Lors de l’allaitement, la femme doit parvenir à maintenir son propre taux de calcidiol, mais doit aussi transmettre une quantité optimale de vitamine D au nourrisson. Nous savons que, lors de cette période, les besoins de la femme sont accrus. Nous avons également appris que nous ne pouvons pas compter uniquement sur l’ensoleillement, ainsi que sur un régime adapté, pour subvenir à nos besoins en vitamine D. Dans ces conditions, la supplémentation semble donc logique et inévitable.

Les autorités sanitaires ont formulé des recommandations claires en matière de supplémentation en vitamine D pour les nouveau-nés : tous les bébés doivent bénéficier d’un apport complémentaire en calciférol, qu’ils soient nourris au sein ou au biberon. Cette mesure vise essentiellement à lutter contre l’apparition du rachitisme chez les tout-petits.

En revanche, il est plus difficile de trouver des préconisations officielles concernant la supplémentation en vitamine D des femmes allaitantes. Certains gynécologues ou médecins prescrivent du calciférol, dans la continuité de la grossesse. En règle générale, l’apport conseillé reste le même, autour de 400 UI par jour.

Pourtant, l’absence de supplémentation en vitamine D ou la prise quotidienne de compléments dosés à 400 UI n’incarnent pas des solutions adaptées aux yeux de la recherche.

D’une part, la dose de 400 UI ne permettrait pas de maintenir un taux sérique suffisant de calcidiol chez la mère. D’autre part, avec ce dosage maternel, les nourrissons auraient besoin d’une supplémentation au moins équivalente à 300 UI par jour.

En outre, les chercheurs indiquent que l’administration journalière de 6400 UI de cholécalciférol aux mères allaitantes permet d’obtenir de bons taux de calcidiol, chez la femme mais aussi chez les bébés. Il faut souligner que ce résultat a été obtenu sans supplémentation vitaminique des nouveau-nés. De plus, les chercheurs n’ont noté aucun signe d’hypervitaminose D11.

Le positionnement de La Leche League

L’association de soutien à l’allaitement maternel émet un avis favorable quant à la prise de vitamine D lors de la lactation. Selon cet organisme, les recommandations des autorités sanitaires ne sont plus adaptées. Elles devraient évoluer compte tenu de la recherche. En effet, la part de population atteinte de déficit ou de carence en calciférol est trop importante, et les risques liés à ces états ne sont pas négligeables12.

En pratique

Lors de la grossesse ou de l’allaitement, on recommande d’évoquer l’éventualité d’une supplémentation en vitamine D avec un professionnel de santé, avant toute prise de complément. Ce dernier saura vous conseiller de manière personnalisée. Vous pouvez également demander à votre médecin ou à votre gynécologue de vous prescrire un dosage de votre taux de 25(OH)D, afin de pouvoir traiter au mieux une éventuelle hypovitaminose D.

Il est également conseillé de prendre son complément de calciférol lors d’un repas riche en matière grasses. La vitamine D est liposoluble : elle sera mieux assimilée par l’organisme si elle est absorbée en même temps qu’une certaine quantité de graisses. Mentionnons que l’absorption du cholécalciférol augmenterait de 32% en respectant ce principe13.


Mélanie Manzanares

Rédactrice spécialisée dans le domaine de la santé, ayant obtenu le diplôme d'état infirmier en 2013.