Points importants
Le cancer est une maladie grave; on ne peut pas se permettre de dire n'importe quoi. Alors, autant être clair dès le début: la vitamine C ne guérit pas le cancer. Par contre, un certain nombre d'éléments scientifiques et cliniques montrent des bénéfices qui sont à considérer en tant qu'adjuvant thérapeutique.
Cet article tente d'élucider un certain nombre de questions sur la pertinence de l'utilisation de cette molécule dans cette maladie:
- La vitamine C permet-elle de lutter contre le cancer et par quel mécanisme?
- Apporte-t-elle des bénéfices réels sur l'espérance de vie?
- Peut-elle améliorer les effets des chimiothérapies et diminuer les effets secondaires?
- Favorise-t-elle la prévention des récidives?
- Quelles doses pour quels effets?
Activité anti-tumorale
C'est un fait: la vitamine C a bel et bien une activité contre les cellules cancéreuses. Les recherches scientifiques permettent d'en apprendre davantage sur leur mécanisme d'action contre les tumeurs.
Etudes in vitro
Des études in vitro (sur des cellules cancéreuses dans des éprouvettes) ont démontré que la vitamine C à forte dose:
- Inhibe la prolifération des cellules cancéreuses.
- Possède une action antitumorale significative.
Mécanisme d'action
Les scientifiques ont pu déterminer comment la vitamine C à haute dose agissait pour tuer les cellules cancéreuses, et ainsi combattre le cancer.
L'étude parue dans Redox biology en 2016 a confirmé les autres travaux. De fortes doses de vitamine C ont été mises en contact avec différentes cellules cancéreuses (poumon, pancréas, sein, foie, colon…). Cette étude a permis de confirmer l'action de la vitamine C contre ces cellules. En effet, elle favorise la formation de peroxyde d'hydrogène (H2O2), dont les cellules cancéreuses ont beaucoup de mal à s'en débarrasser. Le peroxyde d'hydrogène provoque leur mort.
Comment expliquer ce phénomène?
Les tumeurs ont des taux importants de fer. Le contact avec la vitamine C crée localement la formation de peroxyde d'hydrogène et de ses dérivés. Cette molécule est de l'eau oxygénée qui joue le rôle de radical libre. Elle créé une oxydation locale, qui attaque les cellules cancéreuses.
Par rapport aux cellules saines, les cellules tumorales sont moins en mesure de lutter contre l'oxydation. Elles ne disposent pas de suffisamment de catalase, une enzyme qui permet d'éliminer le peroxyde d'hydrogène.
Ainsi, la vitamine C qui est antioxydante pour les cellules saines, devient pro-oxydante pour les cellules cancéreuses! L'effet anticancer se fait donc de manière indirecte: en interagissant avec le fer, elle génère du peroxyde d'hydrogène.
Et concrètement, sur l'homme?
Les effets sur l'homme n'ont pas encore été validés; les avis divergent. Il y a débat car la science n'a pas définitivement tranché par manque d'études. La prise de vitamine C à haute dose donne des résultats hétérogènes selon les études.
Les études positives
Sur une étude de grande envergure, Linus Pauling et Cameron ont observé un rallongement de la durée de vie 4 fois supérieur aux patients n'ayant pas reçu de vitamine C. Ils ont obtenu ces résultats avec 10 grammes par jour en intraveineuse, puis 10 grammes par jour par voie orale (en doses fractionnées). Certains scientifiques ont contesté la méthodologie de l'étude, estimant que la répartition du groupe témoin n'était pas objective.
Cette étude a pu être reproduite au Japon quelques années plus tard, avec les mêmes résultats. Ici, le groupe témoin n'était pas remis en question. Puis, en 2008, des résultats similaires ont été obtenus en utilisant simplement de la vitamine C par voie orale.
Deux études qui ont utilisé des injections, respectivement en 2014 et 2017 ont souligné une augmentation de la durée de survie des patients atteints de cancer.
Les études négatives
En 1979 et en 1985, deux études randomisées en double aveugle ont conclu que la prise de 10 grammes de vitamine C orale par jour ne changeait rien sur les résultats de survie. Ces études sont elles aussi critiquables, car la prise de cette molécule n'était pas suffisamment répartie dans la journée. Or, il est impératif d'avoir un niveau constant dans le sang, afin d'obtenir un résultat concluant.
Un autre essai sur l'homme, effectué par une équipe qui avait obtenu des résultats sur les cellules et sur les rats, n'a pas obtenu de résultats concluants. Dans ce cas, seule la vitamine C injectable a été utilisée.
En 2010, une compilation des recherches réalisées jusque là (une méta-analyse) a conclu que l'effet anticancer de la vitamine C sur les humains était loin d'être validé. De plus, il met l'accent sur la reproductibilité incertaine, tant en terme de dose, que de type de cancer à traiter.
La vitamine C à haute dose
En prenant en compte l'ensemble de ces éléments, que penser aujourd'hui de la prise de vitamine C à haute dose pour lutter contre le cancer?
Nous savons qu'elle a un réel potentiel anticancéreux et en connaissons même en partie le mécanisme d'action. Cependant, en raison du nombre restreint d'études réalisées, il n'y a pas de consensus sur son impact sur l'Homme.
Il semble se dégager quelques explications qui nécessitent d'être validées entièrement:
- L'utilisation de la vitamine C injectable seule n'est pas suffisante dans la pratique. Certes, elle permet d'obtenir des concentrations sanguines qui tuent les cellules cancéreuses, mais son effet est momentané. Il est nécessaire de leur ajouter une prise par voie orale pour maintenir durablement une concentration sanguine minimum. Dans certains cas, une concentration prolongée de 100 μM / L (facilement obtenue par voie orale), peut être plus efficace qu'une concentration brève de 1000 μM / L (uniquement obtenable par injection).
- L'utilisation de vitamine C par voie orale doit nécessairement se faire de manière fractionnée dans la journée. Encore une fois, il s'agit de maintenir une concentration sanguine suffisante et permanente. Or, l'organisme l'élimine rapidement. Prendre 10 grammes par jour signifie prendre 2 grammes toutes les 3 heures.
En respectant ces 2 points qui n'ont pas été appliqués dans les études négatives, il est envisageable que la vitamine C soit efficace. C'est en tous cas ce qu'appliquent les différents thérapeutes qui utilisent régulièrement la vitamine C comme adjuvant du traitement du cancer. Les protocoles des cliniques spécialisées respectent ces 2 points.
Chimiothérapie
Un autre débat anime la communauté scientifique. La prise à haute dose de vitamine C est-elle compatible avec la chimiothérapie? Et, si oui, améliore t-elle le traitement?
Inhibition de la chimiothérapie
La majorité des oncologues français est contre la prise de vitamine C pendant les traitements. Souvent, ils considèrent qu'elle serait inefficace. Pire, qu'elle serait néfaste à l'efficacité du traitement chimiothérapique.
Cette crainte que la vitamine C contrecarrerait l'efficacité de la chimiothérapie a été alimentée par deux études. En 2013, une étude sur des cellules de cancer du sein a montré que la vitamine C pouvait interférer avec le tamoxifène. Puis, en 2018, une étude publiée dans la revue Cancer Research conclut qu'elle pourrait réduire l'efficacité des traitements chimiothérapiques de 30 à 70%. Plus la dose est élevée, plus elle diminuerait le pouvoir toxique des médicaments sur la cellule cancéreuse.
A noter que ces 2 études ont été observées sur des cellules et sur leur implantation chez des rats, et non sur l'Homme. Par ailleurs, dans la 2ème étude, il est affirmé que l'action antioxydante de la vitamine C diminue l'efficacité des médicaments.
Une amélioration du traitement?
La vitamine C en intraveineuse diminuerait les effets secondaires des traitements médicaux classiques. Elle pourrait même améliorer leur efficacité et prolonger l’espérance de vie.
Une étude publiée dans la revue scientifique Cancer Cell en 2017 semble corroborer cette affirmation. Elle a été conduite sur 11 personnes présentant un cancer du cerveau invasif (pronostic vital moyen: 1 an).
En plus des traitements de chimiothérapie et de radiothérapie, ils ont reçu des injections de vitamine C à haute dose 3 fois par semaine pendant 2 mois, puis 2 fois par semaine pendant 7 mois. L'étude n'a constaté aucun effet secondaire supplémentaire lié à sa prise. D'autre part, la durée de vie moyenne a été augmentée de 4 à 6 mois. A noter que cette étude est incomplète, car elle n'a pas de groupe témoin (elle n'est pas randomisée).
Une autre étude parue dans Science Translational Medicine a été menée sur 25 femmes présentant un cancer des ovaires. Elle a mis en évidence que les femmes ayant reçu des injections de vitamine C ont moins souffert des effets secondaires de la chimiothérapie et que leur survie à 5 ans était plus importante. La chimiothérapie a duré 6 mois. Pour celles qui ont eu des injections à haute dose, cela a duré 1 an.
De nombreuses études ont confirmé ces résultats. Une étude de 2010 stipule que la vitamine C injectable est sûre d'emploi.
Conclusion
Il apparaît ici clairement que les essais cliniques sont en faveur de la vitamine C à haute dose en complément des traitements conventionnels. Elle diminue leurs effets secondaires et améliorerait même leur efficacité. Cependant, le doute est permis pour le tamoxifène.
Ces conclusions sont en accord avec ce que l'on a compris du mécanisme antitumoral expliqué plus haut.
Les peurs naissent du fait que la chimiothérapie et la radiothérapie ont pour but d’inhiber la division cellulaire des cellules et de favoriser leur mort (on appelle cela l’apoptose).
Beaucoup de médicaments utilisés en chimiothérapie ont des propriétés oxydantes. En effet, ils contribuent à produire des radicaux libres, qui conduisent à la mort de la cellule cancéreuse.
Néanmoins, la vitamine C pourrait contrer les effets pro-oxydants des traitements, car elle est antioxydante. Pourtant, cet argument est en contradiction avec certaines recherches réalisées.
L’étude de Cancer Cell révèle que la vitamine C ou d’autres antioxydants permettent de rendre la cellule cancéreuse sensible aux traitements classiques. Effectivement, certains composés des cellules cancéreuses forment du peroxyde d’hydrogène et des radicaux libres en sa présence. Premièrement, cela favorise la mort des cellules cancéreuses. Deuxièmement, cela les rend plus perméables à la chimiothérapie. La vitamine C provoque in fine de l’oxydation sur ces cellules, alors qu’elle est antioxydante sur les cellules saines !
Dans les cellules saines, le peroxyde d’hydrogène est normalement détruit par une enzyme appelée catalase. Mais les cellules cancéreuses ne disposent pas de suffisamment de catalase, et donc sont attaquées. Si la vitamine C les attaque, c’est donc indirectement. Une piste thérapeutique intéressante serait de trouver une méthode de mesure de la catalase dans les tumeurs malignes. Cela permettrait de savoir si la tumeur répondra à un traitement par vitamine C.
Quelle est la dose adaptée?
Pendant la chimiothérapie
L'objectif est ici de diminuer les effets secondaires (fatigue et baisse immunitaire) et d'améliorer la tolérance de la chimiothérapie.
La Riordan Clinic’s recommande 4 grammes par jour (en plus de 2 injections par semaine). Tandis que Linus Pauling recommandait 10 à 30 grammes par jour par voie orale.
Dans la pratique en France, une dose de 4 à 8 grammes par jour est recommandée par des thérapeutes. Elle doit nécessairement être fractionnée (toutes les 3 ou 4 heures).
Etant donné que beaucoup d'oncologues n'y sont pas favorables, il est possible de "couper la poire en deux". Cela signifie ne pas prendre de la vitamine C dans les 3 jours suivant la chimiothérapie.
Après la chimiothérapie, pour limiter les récidives
La vitamine C a un pouvoir antioxydant apprécié. Or le cancer se développe sur un terrain oxydé et la chimiothérapie est très oxydante. En effet, elle a une incidence importante sur le système immunitaire. Or, c'est lui qui a la charge d'éliminer les cellules cancéreuses.
Pour ces deux raisons essentielles, sa prise après la chimiothérapie est un pilier pour mettre l'organisme dans des conditions favorables, pour éviter les récidives.
La dose de 10 grammes par jour, prise de manière fractionnée, est une base. Cette posologie pourra être diminuée à 5 grammes au bout de 3 à 6 mois, pendant 6 mois supplémentaires. D'autres antioxydants sont à ajouter.
Hors cadre médical
Si le traitement médical est refusé, les doses recommandées par Pauling peuvent être envisagées (en plus d'autres méthodes).
Après plusieurs essais de chimiothérapies qui n'ont pas donné satisfaction et que l'organisme est épuisé, alors une dose de 10 grammes répartie dans la journée apportera un confort de vie.