Vitamine C injectable (intraveineuse)

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Parmi les différentes formes de vitamine C, il y en a une qui est particulièrement soumise à controverse: la vitamine C injectable. Depuis presque 50 ans, elle est préconisée par certains pour traiter les cancers. Mais ces allégations manquent d'études scientifiques à grande échelle. C'est pourquoi il existe un grand débat dans la communauté scientifique. Cet article dresse un état des lieux actuel de ce dossier sensible.

Rappel historique

vitamine c injectable pour faire une intraveineuse

L'histoire de la vitamine C injectable et le cancer a commencé en 1976 avec Linus Pauling, prix nobel de Chimie. Il a publié une étude11 qui stipulait que les patients cancéreux, ayant reçu des intraveineuses de vitamine C avec des doses orales, vivaient en moyenne 4,2 fois plus longtemps que les autres. Même, 10% des patients avaient un temps de survie 10 fois supérieur au groupe de contrôle.

Le protocole a été effectué de la manière suivante: 10 jours à 10 grammes de vitamine C injectable, suivis d'une prise orale continue de 10 à 30 g / jour, en doses fractionnées.

Cette étude fut contestée, car le groupe témoin était différent du groupe ayant reçu la vitamine C. La célèbre clinique Mayo a fait 2 études sérieuses2 3 sur des personnes atteintes de cancer, en 1979 et en 1985. Elles ont conclu que la prise de 10 grammes de vitamine C orale par jour, ne changeait rien aux résultats de survie. Ce sont des études sérieuses, car elles sont randomisées en double aveugle, mais elles ont tout de même des lacunes:

  • la phase d'intraveineuse n'a pas été inclue dans le protocole;
  • la vitamine C n'a pas été administrée en doses fractionnées, alors même que la vitamine C à haute dose est rapidement éliminée par le corps (on appelle cela la demi-vie);
  • les chercheurs n’ont pas voulu publier les données brutes de leurs études.

Ces études ont particulièrement entaché la crédibilité de Pauling et l'aspect thérapeutique de la vitamine C. Bon nombre de scientifiques ou médecins remettent en cause ces recherches. Ces études qui critiquent Pauling sont elles-mêmes critiquables. Par ailleurs, en 1982, des chercheurs japonais ont reproduit l'étude de Pauling sur des patients en phase terminale. Ils ont aussi observé un taux de survie bien supérieur: les patients traités ont vécu 5,7 fois plus longtemps que les autres. Cette fois, l'étude a été parfaitement randomisée et donc incritiquable d'un point de vue scientifique4.

Expérimentations des médecins

Dans les années qui suivent, un certain nombre de médecins ont expérimenté l'utilisation de vitamine C injectable à haute dose, y compris en France.

Certains médecins ont obtenu des résultats probants. Cela peut expliquer la notoriété de la vitamine C injectable, en France. En effet, de nombreux patients du Dr Tubéry, connu pour avoir populariser le Desmodium, ont pu constater ses bienfaits.

Aujourd’hui, certains pays sont plus enclins à laisser le choix au médecin et au patient; c'est le cas des Etats-Unis, du Japon ou de l'Allemagne par exemple.

A travers le monde, plusieurs médecins ou scientifiques prônent l'utilisation des injections de vitamine C:

  • l'oncologue Victor Martial (USA). Il affirme que sur un échantillon de 40 personnes ayant arrêté les traitements conventionnels par manque d'efficacité, 75 % des tumeurs ont diminué de moitié5;
  • Dr. Ron Hunninghake (USA), intervenant à la Riordan Clinic, qui a réalisé plus de 40000 intraveineuses6 ;
  • Dr Thomas Levi (USA), cardiologue et auteur du livre « La panacée originelle »;
  • Dr Atsuo Yanagisawa (Japon), cardiologue, président de la Société Internationale de Médecine Orthomoléculaire;
  • Dr Steve Hickey, professeur en pharmacologie spécialiste de la Vitamine C, auteur du livre « Ascorbate, la science de la vitamine C », qui fait état des différentes études.

Les études sur l'efficacité de la vitamine C et le cancer

Une impasse scientifique et un débat passionnel

Par la suite, la vitamine C à haute dose ou en intraveineuse a bénéficié d’autres études. Malheureusement, les études de grande envergure réalisées sur l’Homme ne permettent aucune conclusion définitive. Beaucoup ont été réalisées sur des cultures de cellules, certaines sur l’animal, et peu sur des humains.

On peut légitimement se poser la question : pourquoi un remède naturel et peu coûteux ne bénéficie pas d’études dignes de ce nom ? La réponse est toujours la même : le privé ne financera pas ce type d’études car la vitamine C n’est pas brevetable. Il n’y a donc aucun intérêt à faire ce type d’investissement. Pas de brevets = pas d’exploitation = pas de retour sur investissement. Ce serait donc aux états de financer.

Dans cette situation, il existe 2 groupes majoritaires :

  • Ceux qui réfutent l’effet de la vitamine C contre le cancer. Ils se basent sur les études qui ont conclu à une inefficacité (celles de la clinique Mayo en tête). Dans ce groupe, il y a un nombre impressionnant de médecins, dont des oncologues qui déconseillent fortement son usage.
  • Les pro-vitamine C qui souvent réfutent l’efficacité de la chimiothérapie et de la radiothérapie.

Un peu comme le débat sur la vaccination, on se retrouve dans une confrontation quasi-passionnelle.

Il est très facile aujourd’hui de valider son point de vue, en se référant aux études. Il suffit de citer les études qui corroborent son propos, en laissant les autres de côté. Le débat est complètement faussé, et peu de scientifiques ont réellement étudié la question. Sur internet, il est possible de trouver ce type d'article « Méga-doses de vitamine C, cancer et santé : la fin de l’histoire », afin de faire le buzz. Résultat : la personne en quête d'informations est perdue.

C'est pourquoi, nous faisons un bilan des études réalisées: le pour et le contre. Et tentons d'y voir plus clair. La majorité de ces études sont disponibles sur le site de l'Institut National du Cancer des USA7.

Les études qui révoquent l’efficacité

Une méta-analyse publiée en 20108 a compilé un ensemble de recherches effectuées sur la vitamine C et le cancer. Cette compilation d'informations conclue que l'effet anti-cancer n'est pas cliniquement significatif. D'autre part, il n'y a pas de consensus pour savoir quelle dose utiliser, ni quel type de cancer traiter. Même si des études ont montré une activité anti-tumorale significative, elles n'ont pas été reproduites. Or, la reproductibilité est le fondement de l'analyse scientifique.

Parmi les études invoquées pour justifier cette conclusion:

  • les 2 études de la clinique Mayo, dont nous avons parlé plus haut;
  • une étude sur l’homme n’a pas été concluante9.

Les études concluantes depuis Pauling

En 2005, une étude de Levine sur des cultures cellulaires montre que la vitamine C à haute dose « diminue la prolifération des cellules cancéreuses ». En 2008, la même équipe a publié une autre étude. Cette fois-ci, ils ont injecté à haute dose de l’acide ascorbique à des souris. Les résultats relatent une réduction du poids des tumeurs de 50 % »10. D'autres études sont venues confirmer l'effet antiprolifératif de la vitamine C intraveineuse sur des cellules11. Quelques autres études sont venues confirmer l'effet bénéfique sur les cellules cancéreuses12.

Les études conduites sur les humains sont rares. Deux petites études13 14 ont souligné une meilleure espérance de vie pour les patients prenant des injections.

En conclusion, pas grand chose. Aucune étude d'envergure sur l'homme n'est venue confirmer, ce que l'on observe sur les cultures de cellules ou sur les animaux.

Ainsi, depuis les travaux de Pauling en 1976 et l'étude japonaise en 1982, aucune étude n'est vraiment venue confirmer les résultats anti-cancer majeurs obtenus à cette époque.

Comment expliquer cette situation?

L'effet anti-cancer de la vitamine C par intraveineuse est pourtant acté:

  • par les études sur cultures cellulaires;
  • par de nombreux patients et des médecins utilisant cette technique.

Peu d'études montrent le potentiel thérapeutique sur le cancer, mais aussi, peu d'études l'infirment. Comme nous l'avons vu auparavant, l'absence de brevet explique le manque d'études. Ce qui peut également expliquer le manque de certitudes au sujet des intraveineuses.

Mais un certain nombre de scientifiques avancent une autre piste: les intraveineuses sont insuffisantes. Pour eux, il faut y ajouter de la vitamine C par voie orale.

Vitamine C injectable et par voie orale

Linus Pauling et des chercheurs japonais ont utilisé 10 jours d'intraveineuse, suivis de plusieurs semaines de prise de 10 grammes par jour de vitamine C, réparties dans la journée. Et, ceci est fondamental.

D'ailleurs, c'est en combinant ces 2 voies que les médecins obtiennent des résultats.

Physiologie de la vitamine C par intraveineuse

L'intraveineuse est un formidable outil. Elle permet d'obtenir des concentrations sanguines, qui ont un effet tueur sur les cellules cancéreuses. Une étude sur des cultures cellulaires a mis en évidence qu'un taux plasmatique de 1000 μM / L maintenu pendant 1 heure, entraîne une mort quasi complète15. Des concentrations inférieures montrent aussi des résultats, mais moins significatifs. Cela dépend aussi du type de cancer et des cellules testées16 17.

Grâce aux injections, il est possible d'obtenir des concentrations allant jusque 20000 μM / L18 19.

Cependant, elle présente un inconvénient significatif: elle est rapidement éliminée par l'organisme: en 30 minutes20, sa concentration sanguine est divisée par deux. Effectivement, à partir du moment où la concentration sanguine atteint plus de 60 à 70 µM /L, la vitamine C est éliminée très rapidement de l'organisme. Ainsi, les effets toxiques sur les tumeurs est bref.

Cela pose un réel problème. Une étude a révélé que le potentiel anti-tumoral de la vitamine C est lié à sa concentration dans la durée21. Une concentration de 100 μM / L prolongée pourrait même être plus efficace qu'une concentration ponctuelle de 1 000 μM / L.

Autres problèmes posés par les injections

L'administration de vitamine C par intraveineuse pose aussi des problèmes pratiques:

  • les injections se font difficilement, car les veines sont rapidement fragilisées par les solutions d'ascorbate de sodium. Cela entraîne des douleurs pour les patients;
  • il est difficile de trouver des médecins qui la pratiquent, plus particulièrement en France;
  • les produits proposés sur le marché ont de faibles contenus, ce qui ne facilite pas les injections;
  • il faut faire plusieurs injections par semaine, sur plusieurs semaines.

La vitamine C injectable et par voie orale

Concernant la prise orale de vitamine C, elle a aussi ses limites. Il n'est pas possible d'atteindre des concentrations sanguines suffisamment importantes, pour espérer un effet anticancer efficace. Lorsque la vitamine C est prise par voie orale, les concentrations plasmatiques atteignables sont inférieures à 300 μM /L.

Néanmoins, elle est très intéressante pour prendre le relais des intraveineuses. En effet, elle permet de maintenir une concentration sanguine à 250 µM /L, lorsque l'on prend des doses répétées dans la journée22.

L'association "injectable et voie orale" permet d'obtenir des résultats significatifs sur le cancer. Lorsque l'on utilise ces techniques séparément, les résultats sont moins significatifs.

En conclusion

Comme nous venons de le développer, les injections de vitamine C ne font pas consensus, car aucune étude n'est venue confirmer pleinement leur efficacité. Les pistes avancées pour expliquer le manque de résultats de certaines études sont:

  • absence de prise concomitante de vitamine C par voie orale, tel que l'avait proposé Linus Pauling;
  • insuffisance de la dose injectée ou de sa répétition (pas assez d'injections dans la semaine, pas assez longtemps).

Posologies et protocoles

La Riordan Clinic’s aux Etats-Unis, qui a pratiqué plus de 40000 injections, a déterminé une forme de protocole pour les intraveineuses23. La prise en charge s'effectue avec ou sans chimiothérapie.

La prise en charge se fait globalement de la façon suivante:

  • 50 grammes de vitamine C injectable (en réalité 25 à 100 grammes selon la concentration sanguine atteinte, l'âge, le poids et le type de cancer);
  • les injections se font 2 à 3 fois par semaine durant 1 à 3 mois, puis elles sont espacées (1 fois par semaine à 1 fois par mois) et peuvent durer plusieurs mois;
  • 4 grammes par jour de vitamine C, fractionnés dans la journée;
  • d'autres antioxydants, comme l'acide alpha-lipoïque sont souvent préconisés.

Le protocole mis en place par Pauling et validé par l'étude japonaise propose:

  • 10 jours à 10 grammes de vitamine C injectable;
  • suivis d'une prise orale continue de 10 à 30 g / jour, en doses fractionnées.

Intraveineuses en France

Les injections de vitamine C en France sont quasiment impossibles à mettre en œuvre. Ce n'est pas interdit, mais il n'y a pas réellement de produit disponible pour les réaliser. Aujourd'hui, seul un format en ampoules de 1 ml est disponible en France: c'est la Laroscorbine24. Il est alors impossible de réaliser une injection d'au moins 50 grammes. D'autre part, un médecin qui s'engage dans cette voie s'expose nécessairement pour ses pratiques hors cadre.

Intraveineuses en Allemagne

En Allemagne, les intraveineuses de vitamine C sont beaucoup plus faciles à réaliser. Il existe notamment un produit appelé Pascorbine, qui facilite l'injection. Certaines cliniques les pratiquent dans la prise en charge du cancer. Ils y associent d'autres types de traitements, comme la vitamine B17 ou l'acide alpha-lipoïque.

Des centres intégratifs se sont développés, à Kehl, Berlin ou Francfort. En Europe, ces centres sont également présents en Autriche et en Lituanie.

L'administration de ces soins doit être réalisée sur plusieurs semaines26.

Une nouvelle option: la liposomale

Depuis quelques années, il existe de la vitamine C sous forme liposomale, qui se prend par voie orale. Elle est obtenue par un procédé technologique, qui encapsule la vitamine C à l'intérieur d'une petite bille de graisse, de la taille de quelques nanomètres. Cette opération permet de rendre la vitamine C liposoluble et donc mieux absorbée par l'intestin. Cela a pour conséquence de:

  • multiplier par 2 le taux de vitamine C sanguine obtenu normalement par voie orale;
  • éviter que le vitamine C soit trop fortement éliminée par l'organisme;
  • diminuer considérablement les problèmes digestifs; rencontrés lors de prises à haute dose de vitamine C.

En aidant à maintenir un taux sanguin plus élevé et plus longtemps, la vitamine C liposomale permet de contourner en partie les limites de la vitamine C par voie orale. Sachant que son activité anticancer est associée à sa concentration dans le sang, la liposomale pourrait être un complément ou une alternative intéressante aux injections.

Conclusion

Il ne faut pas s'attendre à ce que des injections de vitamine C guérissent le cancer. Il ne faut pas les voir non plus comme une "chimiothérapie naturelle".

Il est vrai que:

  • l'impact des hautes doses de vitamine C sur le cancer a été vérifié sur les cultures de cellules. D'ailleurs ,on connaît bien aujourd'hui son mode d'action anti-tumoral;
  • quelques études ont objectivé un impact positif et significatif sur la durée de vie des patients traités;
  • beaucoup de personnes, qui ont expérimenté les injections, en ont tiré des bénéfices;
  • les études qui ont invalidé les effets des intraveineuses sur l'Homme n'ont pas intégré l'association "voie orale + injectable";
  • la plupart des études rapportent qu'elles améliorent les effets secondaires des chimiothérapies.

Mais ces point positifs ne constituent pas un traitement anticancer à part entière. Dans le meilleur des cas, il faut les considérer comme une aide et non pas comme une solution.


La rédaction
La rédaction, Auteur

Rédaction Doctonat